Elle est encore sensible, bien sûr, mais pas tout le temps et pas de la même manière. Puis le temps continue de passer. Plus tard, beaucoup plus tard, on comprend enfin que la plaie s’est transformée en cicatrice. Une cicatrice suffisamment visible pour ne jamais l’oublier. Elle ne fait plus mal, mais elle reste là, visible, tiraillant de moins en moins souvent. C’est alors qu’on est guéri. Un deuil d’amour, une peine d’amour, crois-moi, Thomas, ça finit par guérir.
… C’est devant qu’il faut regarder, pas derrière. Alors, si pour être vraiment heureux tu as besoin d’une autre compagne, vas-y ! Ton existence continue et tu as le droit de la vivre selon tes choix et tes priorités. Je n’aurais jamais pu te dire ces mots les yeux dans les yeux, ils auraient été faux. Maintenant que tu les lis, maintenant que je ne suis plus là, ils sont vrais. Fais comme moi : suis le cerf-volant qui est le tien.
Pourtant, il avait tous les atouts dans son jeu pour arriver à se rebâtir une existence belle et bonne, mais chaque fois qu’il pensait trouver un certain équilibre, chaque fois qu’il tendait la main pour toucher au bonheur, il avait l’impression que le but qu’il s’était fixé s’éloignait de lui inexorablement. Comme si une partie de son âme ne s’était pas suffisamment affranchie du passé et que tant qu’il y reviendrait sans cesse, par réflexe ou par besoin, la vie, sa vie n’aurait pas de sens.Comme s’il ne méritait plus d’être heureux.
Un jour, crois-moi, de folle et intense, ta douleur deviendra diffuse. Puis elle s’estompera complètement, et ce que je dis rejoint à la fois le décès de ta mère et ce que tu vis présentement. Dans un premier temps, on apprend à survivre, puis lentement, on apprend à vivre à nouveau. On réapprend même à rire. Mais la cicatrice, elle, restera bien visible tout au long de la vie.
Cette décision de partir n’appartenait qu’à moi. Je te demande seulement de la respecter comme tu m’as respectée tout au long de ma vie et comme Thomas a choisi de me respecter jusqu’au bout. Bien entendu, la plus complète discrétion s’impose. Je n’ai pas à préciser le pourquoi de la chose, je sais que tu le comprendras et je te fais confiance.
23-Émission Littéraire "Cause toujours" Auteurs Laurentides/TVCL- Louise Tremblay-D'Essiambre