Le linge sale se lave en famille
Ah... les Centobucchi... quelle famille !
Émigrés italiens ayant traversé les mers pour accomplir « le grand rêve américain », les enfants Centobucchi ont à peu près tous grandis dans une sorte de haine fraternelle, peut-être née quelque part au milieu de l'océan lorsque la mère, Carmela, meurt en couche de son cinquième rejeton...
Amerigo, l'aîné, porte en lui le nom symbolisant cette ambition de réussite. Pour lui le rêve s'est transformé en réalité. Il est devenu un redoutable et redouté gangster, terrorisant son petit monde et assassinant à tour de bras. Les dollars s'amoncellent autour de lui. Sa mère serait probablement fière... du moins le pense-t-il.
Caterina est elle aussi née en Italie. La réussite n'a pas de secret pour celle qui est devenue, sous le pseudonyme de Gipsy Boone « la fille d'une princesse gitane », une grande star du cinéma muet... sur qui pèse de sulfureuses rumeurs...
Pour les jumeaux Francesco et Carmela, du nom de sa mère, le destin semble avoir été plus clément.
Le premier, reconverti en Père Franck, a embrassé la foi et s'occupe d'une paroisse, lieu de confessions par excellence.
Tout laisse à penser que la seconde est une femme sans histoire, baignant dans le bonheur avec son mari et ses deux enfants. Elle mène en vérité une double vie dissolue, mère au foyer le jour et tueuse à gage la nuit.
Vient enfin le cadet, Antonio, celui-là même qu'Amerigo déteste au plus haut point car il le considère comme l'assassin de leur mère. Et comme le hasard fait bien les choses, Tony s'est construit dans l'exacte opposition de son aîné. Il est devenu policier, inflexible et... probablement un peu naïf aussi.
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Polar spaghetti
Le titre choisi par les auteurs est perçu comme un hommage au cinéma italien.
À l'époque où
Sergio Leone et consorts redonnaient ses lettres de noblesse au western, les américains ont affublé le genre du sarcastique suffixe « spaghetti ».
Une sauce à l'italienne prônant un monde individualiste et quelque peu anarchique où les comptes sont réglés à coup de revolver. Violence, pauvreté, butins et sexe sont autant de moteurs dont la morale s'absout.
On retrouve tous ces qualificatifs dans Spaghetti brothers, une saga familiale à l'italienne où la loi du plus fort règne en maître. Une histoire urbaine montrant la misère du quotidien dans une période délicate, les années 1920, touchées de plein fouet par la grande crise de 29 et la mutation du cinéma. Les femmes sont désignées comme des putains, les hommes comme des caïds et les flics impuissants. La violence et la prostitution sont ciblés comme seuls échappatoires à la pauvreté...
Heureusement, un récit « spaghetti » ne serait pas ce qu'il est sans humour. Et ce titre phare de
Carlos Trillo et
Domingo Mandrafina est débordant d'humour : souvent cynique, alternant parfois avec le comique de répétition, le rythme suit son cours et force le sourire malgré la dureté du quotidien tel qu'il est décrit.
La patrie en toile de fond
Si le récit se déroule quelque part dans la grande Amérique, la mise en abyme des dérives argentines n'est jamais très loin. Les auteurs auront probablement choisi un milieu mafieux et un contexte de crise comme terrain de jeu pour mieux tenir la comparaison avec leur patrie d'origine, acculée par la guerre civile, les coups d'état, les mouvements contestataires et la pauvreté.
Le cousin Nicola fait d'ailleurs le pont entre la réalité et la fiction, parti en Argentine pour participer aux grandes manifestations populaires en tant que syndiqué anarchiste (ce qui correspond bien aux mouvements des années 20).
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La chronique intégrale à lire sur BenDis... !
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