La nuit des poupées

Alors qu'un étrange entomologiste tombe en panne à Langon et se voit contraint d'y passer la nuit, une jeune femme bien connue de tous disparait. Lorsque son corps est retrouvé peu après, tous les soupçons se portent naturellement sur cet étrange voyageur. D'autant qu'il a l'air de connaitre les lieux alors que personne ne le connait. Mais n'est-ce pas trop évident ? Certains, dont un journaliste local, pensent qu'on veut lui faire porter le chapeau. Mais alors qui est le meurtrier ? Et qui est cet homme ?

Ce roman qu'on pourrait qualifier de « roman de terroir » nous emmène dans un suspens, ma foi, très bien tourné. L'intrigue tient la route et nous embarque à travers une région de lacs et de forêts, magnifique, au coeur d'un village où les rumeurs vont bon train ; d'autant que tout se sait et que la vie privée ne le reste jamais très longtemps. L'auteur décrit finement l'enflammement de la vie locale alors qu'un événement inopiné survient et trouble le calme, on pourrait même dire l'ennui, de certains. Il nous offre ici une fine analyse des relations humaines, décrivant la résurgence de vieilles rancoeurs que les circonstances attisent. C'est l'heure des règlements de compte. Tout le monde en est conscient.

Le rythme est soutenu et a réussi à me ferrer dès le début car la succession de fausses pistes mais surtout les changements de chronologie qui font revenir l'auteur sur un fait ou sur l'emploi du temps d'un protagoniste donnent envie d'avancer dans l'histoire pour en découvrir le fin mot.

L'auteur, Breton mais Fertésien d'adoption, décrit avec justesse les paysages solognots, les bords de Cher, les couleurs, les ambiances au lever du jour ou au crépuscule, l'architecture particulière de la Sologne et, pour ce que j'ai pu en juger moi-même, l'attachement des habitants à leur région.

Une atmosphère trouble, parfois sordide et un polar maitrisé qui s'inscrit parfaitement au coeur de la région qui lui sert de décor. Un bon moment de lecture qui prouve qu'il faut parfois sortir des sentiers battus et oser des auteurs inconnus.

En dépit de la belle description des paysages emblématiques de Sologne, du mode de vie rural de ses habitants et de quelques envolées poétiques, je n'ai pas été totalement séduite par ce roman policier. Jusqu'à la première moitié du livre, l'intrigue est longue à se mettre en place. L'histoire est censée se dérouler en 2004 mais personnellement je la situerai plutôt aux alentours des années 50-60, tant les dialogues sont surannés et les personnages décrits, très "vieille France".

Le véritable suspense apparaît seulement dans la seconde partie de l'ouvrage qui se lit beaucoup plus facilement nonobstant un style d'écriture souvent lourd et vieillot par l'emploi d'un vocabulaire et de tournures de phrase un peu désuètes. le tempo de la narration est lent et saccadé, avec des allers-retours incessants sur les faits au point que l'on y perd son latin… jusqu'à l'épilogue qui dans les dernières pages se révèlera aussi tortueux que le cheminement de pensée de l'auteur. Un condensé de meurtres sordides et rituels, sur fond de pédophilie, de viol collectif et d'homosexualité… le récit est glauque mais tous les ingrédients sont réunis pour une adaptation télévisée que l'on pourrait intituler « Meurtres à Langon-sur-Cher ».