La Montagne rouge

– Tu sais comment c’est dans ces histoires de toute façon, les demandeurs d’asile mentent tous comme des arracheurs de dents sur leur identité.
– Mais entre un Chinois et un Ghanéen, on fait la différence, non ?
– Si tu veux, disons que ça tire plutôt du côté du Chinois, alors. Mais bon, si c’est chinois ou afghan, j’y mettrais pas ma main à couper.

«Enclos à rennes de la Montagne rouge. 9 h 35.
Petrus Eriksson s’essuya le visage du revers de la main, laissant une trace sanglante sur sa joue piquée de barbe. Les boyaux rosâtres s’entassaient, baignant dans leur jus qui suintait en une rigole frémissante. La rigole enflait, coulée puante, serpent putréfié, semblait le poursuivre. Absurde. Inhumain.
(début du livre)

Mons lui avait pris rendez-vous pour le lendemain, dimanche. En attendant, il l'invita à prendre un verre dans un bar décoré d'un superhéros de la place du général Beuret, dans le XVe arrondissement, non loin de là où Nina était venue interroger Henri Mons.

Montagne rouge. 12h15
Le pick-up peinait sur le sentier menant à l’enclos. Les essuie-glaces ne tenaient pas le rythme. Les trombes d’eau les submergeaient. Nina Nansen quitta des yeux la coulée boueuse qui inondait le chemin. Elle jeta un œil vers le plafond. A se demander si la tôle tiendrait sous les coups de butoir de la pluie torrentielle. A côté d’elle, Klemet paraissait insensible aux éléments déchaînés. Il somnolait. Ou boudait. Ou les deux. Il avait rappelé à Nina que, dans la police des rennes, la météo bénéficiait de la même autorité, au moins, qu’un chef de service. Et quand il pleuvait des rideaux compacts d’eau comme c’était le cas depuis des jours, on en profitait pour rester au sec. On rattrapait la paperasserie en retard, on n’allait pas se vautrer dans la boue jusqu’au cou pour le plaisir de faire du zèle. Tout le monde s’en fichait. La pluie diluait les meilleures intentions.
Mais le coup de téléphone de Petrus Eriksson, quelques heures plus tôt, l’avait troublée.