Comme si les choses et les gens possédaient leur lieu dédié, en ce bas monde, et que quelqu’un, après avoir longuement réfléchi à la question, avait pris la peine de les y poser délicatement. Les poser là et pas ailleurs. Je parle de quelqu’un avec un Q majuscule, évidemment. Mais il n’y a rien à faire, on adore croire à ce genre de bêtises dont on nous rebattait les oreilles à l’école comme à la maison: une place pour chaque chose et chaque chose à sa place.
L’écriture, comme un garrot, tentait de juguler l’hémorragie. Je traînais mon cahier partout et j’y notais aussi bien les conversations, les idées, les titres de livres à lire que les moindres soubresauts de la vie publique et intime. Grâce à ce fil d’Ariane, je pouvais m’égarer dans les dédales du temps à ma guise.
Ne rien faire, c’est une activité, si je peux employer ce terme, à laquelle nous aimions beaucoup nous adonner, autrefois, Catherine et moi. Ne rien faire. Refuser de passer par le chas de l’aiguille. Une sorte de résistance passive, comme celle de la montagne, de la pierre ou des astres, devant les chemins tracés d’avance sur lesquels on voulait à tout prix nous pousser.
Les humains aiment les chefs, les bottes qui claquent et les lignes droites qui sont, comme chacun le sait, le plus court chemin entre deux points.
Le monde est un lieu bizarre et même si on le fréquente depuis un certain temps, il trouve encore le moyen de nous étonner.