Les âmes enflammées

Dans les conversations de bistrot du coin, on a souvent tendance à considérer le Japon comme en retard sur les questions de société : droit des femmes, égalité dans le couple, droits des LGBTQ+… Tsuru Ringo Star, nous montre dans ce recueil qu'il y a pourtant des Japonais que ça intéresse énormément.

Paru l'an dernier au Japon, ce gros volume intègre 8 nouvelles, présentant 8 questionnements autour de notre société moderne. Paru d'abord en ligne, elles bénéficient ici d'un grand format agréable à défaut d'être totalement justifié au vu du dessin de l'autrice, mais on ne boudera pas notre plaisir en revanche d'admirer la très belle couverture légèrement fantastique qui fait son petit effet en grand format.

Avec une sensibilité très proche de ce que j'ai pu lire il y a une quinzaine d'année dans le josei, Tsuru Ringo Star revient tout au long de ce recueil sur des questions prégnantes qui devraient interroger toute société et pas seulement la japonaise. Elle offre ainsi un discours coup de poing universel que j'ai trouvé juste et parfois même bouleversant, mais qui a parfaitement résonné en moi. Avec son dessin simple et épuré, les émotions m'ont d'autant plus touchée qu'il n'y avait pas d'artifice pour les atténuer. Ils étaient juste là dans leur plus pure expression.

Mais de quelles situations parle-t-on ? A travers une belle panoplie de personnages qu'on suit sur plusieurs temps, à plusieurs moments de ce recueil, l'autrice nous invite à nous questionner avec beaucoup de sincérité et de pertinence sur la vie de couple, la vie en tant que parent et la vie en tant que personne genrée et sexuée. Arrivent sur la table avec force l'égalité au sein du couple, notamment quant on est parents, mais pas que ; ce qu'on associe à un genre : par exemple le maquillage pour les filles et non les garçons – mais pourquoi ? – ou l'amitié fille-garçon qui n'existerait pas – pardon ?- ; elle interroge aussi sur la place des femmes dans les entreprises ; sur la notion de liberté et de célibat ; sur l'amour libre et les enfants naissant de ces relations ; ou encore sur l'amour passé 60 ans.

C'est extrêmement riche, porté par des personnages réalistes et émouvants. L'autrice offre parfois les deux points de vue, notamment avec le couple en crise. Elle ose titiller les hommes dans leurs représentations et les pousse assez fort à se remettre en question, et nous à travers eux. Elle met aussi en lumière ce que la société tient parfois pour acquis mais qui est source de souffrance et qu'elle propose de remettre sur la table. Elle met ainsi régulièrement les pieds dans le plat mais propose toujours une réflexion à côté, pas juste une dénonciation en règle, ce qui rend le propos puissant mais ouvert au dialogue, à l'évolution, à l'échange. Ses personnages cependant n'ont pas la vie facile et leur cheminement est parfois douloureux, mais c'est ce qu'on aime.

J'avais un peu peur mais j'ai réellement apprécié que la touche de fantastique soit légère et qu'elle ne serve que de moteur et liant aux histoires. En revanche, comme dans tout recueil, celles-ci peuvent plus ou moins toucher le lecteur selon sa sensibilité. J'ai été particulièrement touchée par celle de cette femme mariée, mère de famille, coincée dans une relation de soumission vis-à-vis de son mari et qui va se battre pour lui faire réaliser, l'éduquer et le changer. J'ai aussi été sensible à cette jeune lycéenne tellement ouverte, qui est non genrée et souffre du genrage que la société lui impose. J'ai adoré la liberté de cette mère célibataire et surtout sa relation complexe avec son fils et la façon dont l'autrice l'a mise en lumière. Mais mon coup de coeur est peut-être allé vers la dernière histoire, une sorte de Sex and the City du 3e âge où on suit un groupe d'amie âgées et leurs relations de couples compliquées mais profondes. Elles m'ont émue toutes les trois.

Je n'ose en dire plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte, car chaque histoire est un petit bijou d'humanité en soi et mérite votre pleine attention, mais c'est vraiment un titre émouvant et prêtant à la discussion !

Comme quoi le format court n'est pas qu'un format anecdotique, il est aussi capable d'insuffler une grande force dans ce type d'histoires où les questions de société sont au centre. L'autrice montre aussi que les Japonais sont tout aussi modernes que nous sur ces questions, qu'ils se les posent aussi et cherchent des réponses. Celles proposées par Tsuru Ringo Star sont puissantes, profondes et suscitent une vraie émotion à la lecture. Elles bousculent, chamboulent et poussent à la discussion. J'ai vraiment beaucoup beaucoup aimé.
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"Les Âmes enflammées" m'a attiré dès le départ par son sujet. Que vous soyez de grands lecteurs de manga ou non, je ne peux que vous encourager à découvrir cette histoire qui est à mettre absolument entre toutes les mains livrant une réflexion sociétale, sur nos relations, nos choix, importante, forte et percutante. Il faut aussi savoir qu'au Japon, c'est encore "pire", mais malheureusement de manière générale il reste beaucoup à faire. Cette oeuvre, sans vous donner de solution, ce n'est absolument pas possible, vous rappelle de restez-vous même, de laisser votre flamme brûlée, de ne pas vous perdre sous des prétextes fallacieux, sous des normes sociales. Et de toujours réfléchir par vous-même ! Encore et encore. Parce que non, ce n'est vraiment pas simple.
Le one-shot est édité par Glénat, c'est un manga dense, de 437 pages, soit vous vous prenez le temps de le lire et le découvrir soit vous entre découpez par histoires. Homura, un peu comme un yokai,
représente la dimension fantastique, il se nourrit du feu qui brûle dans le coeur des gens. En fait, il est celui qui va leur permettre de réfléchir, de prendre conscience de ce qui les empoisonne, de faire brûler leur feu plutôt que le laisser s'éteindre, mais il n'a pas vocation à les aider directement, à leur apporter la solution clé en main. Vous savez tous cela relève de l'utopie.
La mangaka Ringo Star Tsuru s'est chargée du scénario et du graphisme, et nous a enflammé. Elle nous livre également une très belle postface. Au début, son graphisme m'a paru étrange, il n'est pas de
ceux qui m'ont immédiatement touché, appelé, et même fait hésiter. Pourtant en fois commencée, très vite, je l'ai apprécié. Il est vrai, sincère, la représentation d'Homura est belle.
Le manga m'a touché en plein coeur, et j'espère qu'il le fera avec vous aussi.
Celui-ci va se décomposer entre plusieurs histoires abordant ce qui ronge plusieurs personnages, certaines histoires font un chapitre, d'autres plusieurs. Beaucoup de vies, beaucoup de choix de vie.
Mais il va encore plus loin, et c'est là qu'il est impossible de ne pas faire effet en reliant les personnages entre eux, les histoires entre elles, certains ont des interactions sociales.
Et tout à la fin, elle va quelques années plus loin. Elle a alors livré une réflexion sociétale percutante. Car l'air de rien nous voyons le poids des normes sociales, de la société, des réactions agir, transmettre leur venin et faire mal, voir que tout est en réalité beaucoup plus profond.
Vous avez envie de savoir ce qu'on va aborder ? Allons-y, sinon filez le lire.
Nous allons abordé une femme qui élève son enfant, reste à la maison, la femme au foyer, mais son mari a changé depuis le mariage, ne fait rien à la maison, et si elle dit quelque chose il s'énerve,
n'écoute pas, et dit que le pauvre il a un vrai travail et ramène les sous à la maison. Nous rencontrerons un jeune homme, lycéen, qui a des soucis avec les autres, il se masque, jusqu'au jour où il se
maquille, et tout le monde n'accueille pas cela d'un bon regard. Nous rencontrerons une jeune femme, un peu garçon manqué, qui s'entend fort bien avec les garçons mais n'y entend rien à l'amour. Nous rencontrerons une femme active travailleuse, seule, célibataire, se heurtant au plafond de verre, se sentant diminuée parce qu'elle est une femme. Nous verrons une jeune femme qui n'a jamais vraiment trouvé ses qualités, a du mal à assurer au travail ...
Je vous laisse découvrir le reste et les liens.
Nous finirons juste avec un groupe de 3 femmes âgées, qui elles aussi affrontent différentes situations, mais surtout je salue leur précieuse amitié malgré leurs différences, elle est superbe.
A chacun de faire son choix, et les rencontres ne se programment pas non plus. Mais les jugements fusent, ainsi certains déversent leur poison sans prise de recul, sans réfléchir, ou alors font mal juste
en répétant ce qu'ils croient être normal, bref cette fichue norme.
Le format recueil et one-shot est très bien exploité, ne le craignez pas.

Tsumugi Hayase, 35 ans, a mis sa carrière en pause après la naissance de son fils. Aujourd'hui, elle étouffe sous la charge mentale, avec son mari qui la relègue au rang de bonne à tout faire et la houspille quand elle tente d'ouvrir le dialogue pour renouer avec la part d'elle-même qui n'est ni mère ni épouse.

Kakeru Saito est un lycéen complexé par son apparence et en particulier par ses problèmes d'acné. Il finit par retrouver confiance en lui grâce aux produits de beauté et au maquillage, mais se heurte rapidement aux préjugés de la société (et de son père) en la matière.

Reika Namikawa est une amie de Kakeru. Non genrée, elle cherche sa place loin des jupes d'uniforme, abasourdie par cette idée qu'on cherche à lui imposer comme quoi un garçon et une fille ne peuvent pas être simplement amis.

Miharu Tashiro, 42 ans, femme d'affaires célibataire, se voit offrir une promotion avant de déchanter en comprenant qu'il s'agit davantage d'un quota à remplir par la direction qu'une réelle volonté d'évolution des mentalités.

Mao Nishinojo, 32 ans, ne se trouve aucune compétence dans son métier, ni aucun talent en général. Elle erre dans la vie en se comparant sans cesse aux autres et en vivant par procuration à travers les réseaux sociaux de ses amies. Elle se sent constamment en décalage avec son entourage et redoute de plus en plus de prendre la parole, de peur de blesser à nouveau quelqu'un sans le vouloir. de ce fait, elle s'enfonce de plus en plus dans la solitude et la dévalorisation.

Rui Hakamada, 17 ans, et sa mère Yoko, une autrice renommée, vivent de manière peu orthodoxe, loin des obligations sociétales. Entre liberté et complicité, ils semblent avoir trouvé un équilibre où chacun trouve la place de s'épanouir. Un équilibre que vient toutefois sans cesse questionner leurs parents et amis.

Miyuki Orie, Kotone Hashiba et Maki Otada ont passé le cap de la soixantaine. La première est veuve, la seconde s'interroge sur son couple tandis que la dernière est divorcée et souhaite rencontrer quelqu'un. Toutes trois vont connaître un certain renouveau et prouver qu'il n'est jamais trop tard pour aimer.

Que peuvent bien avoir en commun tous ces personnages ? Rongés par les doutes et des schémas de pensée destructeurs, ils vont croiser la route d'un étrange chien, à un moment-clé de leur existence. Prenant forme humaine pour les rassurer, l'être surnaturel se présente sous le nom de Homura et annonce être là pour les aider à trouver leur voie en alimentant cette petite flamme intérieure qu'il perçoit en chacun d'eux. Une flamme fragile, autant prête à s'éteindre qu'à briller de mille feux. Homura est là pour faire pencher la balance en leur faveur.

Vous l'aurez compris à travers cette présentation conséquente ainsi que par ce format inhabituel de 434 pages pour un manga, cette oeuvre est conséquente. Et il faut dire que les messages qu'elle porte en elle le méritent bien ! Si les dessins restent d'une structure simpliste et minimaliste, la voix de Tsuru Ringo Star résonne avec force et justesse. Sans provoquer de clivage, elle pose les bases du quotidien de certaines minorités brimées et/ou atypiques afin de nous interroger sur ce qui est ou non acceptable dans la manière que notre monde a de tourner. L'égalité homme-femme est-elle possible au sein d'un couple ? D'une entreprise ? Peut-on être un jeune homme et vouloir se maquiller sans aussitôt être qualifié d'autre chose ? Peut-on être une jeune fille allergique au port de la jupe, préférant la compagnie des garçons, sans avoir d'autres idées derrière la tête ? Une femme doit-elle forcément abandonner carrière et liberté en devenant mère ou peut-elle trouver un équilibre pour elle et son enfant, loin des petites cases étriquées définies par la société ? L'autrice attaque toutes ces problématiques de front, tout en développant le point de vue de l'autre pour mieux le pousser à s'interroger sur l'inné et l'acquis. Les traditions doivent-elles être respectées lorsqu'elles se font au détriment d'un être aimé ? Comment faire changer les choses quand le couvercle des inégalités pèse si lourd sur la tête des personnes concernées ?

En dépit de la touche fantastique qui ne gêne absolument pas la pertinence du propos, Tsuru Ringo Star nous dépeint une fable moderne d'une justesse émouvante. Entre droits des femmes et des communautés LGBTQ+, beaucoup de lecteurs y trouveront un écho à leurs propres dilemmes. Loin de se cantonner à une solution-miracle tout droit sortie de la fourrure de Homura, l'autrice a la franchise de tracer les limites des changements que ses personnages sont amenés à apporter dans les méandres de leur quotidien pour ne pas s'y perdre. Si l'oeuvre se révèle parfois mélancolique, si l'on frôle par moment le découragement et la résignation, l'ensemble reste résolument optimiste et propose à tout un chacun de reprendre les rênes de sa propre destinée.

Une oeuvre coup de poing, d'une richesse inouïe. Des récits qui s'entrecroisent. Une invitation au dialogue, à la réflexion et à l'ouverture d'esprit. Sans tomber dans le manichéisme, Tsuru Ringo Star va au bout des choses pour développer son message et lui conférer un maximum de portée sans jamais brandir de bâton vengeur.
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Les Âmes Enflammées est un recueil de 8 histoires courtes très étroitement liées entre elles. Ce sont les différentes thématiques mentionnées dans le synopsis de l'oeuvre qui m'ont donnée envie d'en savoir plus. Ces histoires ont pour mission de nous questionner (à travers les personnages) sur ce que l'on est prêt à endurer, à taire ou à accepter au détriment de nos envies, de nos besoins et de ce que l'on veut vraiment être. Un beau programme en perspective ! Je ne lis pas trop de one-shot en général mais celui-ci avait tout pour me plaire au premier abord : couverture sublime, titre mystérieux, résumé avec des thématiques qui m'interpellent...et sans surprise ce fut une excellente lecture.

A la fin des deux premières histoires j'étais un peu perplexe : je trouvais que les thématiques n'étaient pas suffisamment traitées en profondeur et les chapitres un peu expéditifs. Mais peu à peu j'ai fini par être happée par ceux qui ont suivi. J'ai eu la bonne surprise de voir que les histoires étaient un minimum liées entre elles (permettant de voir l'évolution des différents protagonistes).

Le fil rouge entre tous ces récits est le personnage mystérieux de Homura, une sorte de yokai métamorphe se nourrissant au contact de nos "flammes intérieures". Il va guider les différents protagonistes afin de les aider à révéler le potentiel enfoui en eux. J'ai été particulièrement touchée par l'histoire de la quarantenaire luttant pour améliorer le statut des femmes dans son entreprise ainsi que par celle d'une jeune femme face à la solitude.

Une oeuvre portant finalement des messages très féministes dans l'ensemble et qui nous invite à ne jamais cesser de nous questionner sur ce que nous impose parfois absurdement la société. Les protagonistes féminines remettent en cause le traditionnel statut de mère et d'épouse pour enfin penser à leur bien être et se mettre en quête de relations saines.

Un recueil d'une grande justesse nous invitant à enflammer nos âmes afin d'inspirer les personnes qui nous entourent à en faire de même. Bref, j'ai adoré Les Âmes Enflammées et je vous le recommande vivement si vous cherchez une lecture bienveillante et inspirante.
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Un manga reçu dans le cadre d'une masse critique. Merci à toi Babelio !

Ça débute pas mal ; c'est ingénieux l'idée de cet être surnaturel qui surgit et se nourrit du feu intérieur des humains.

Mais que c'est long ; que ces humains sont pénibles avec leurs questionnements à deux balles qui n'en finissent plus.

Ça manque de la subtilité des romans ; si le dessin exprime un sentiment -et il y réussit ici sans conteste - il n'aura jamais la force et la puissance d'un écrit.

Ca manque tout autant de la profondeur de l'essai ou de l'analyse, qu'elle soit politique, sociologique ou anthropologique. Non pas que ce soit ici l'objet mais ça rendrait le truc un peu moins superficiel.

Allume ton feu ma poule ! On a un peu envie de leur filer de l'allume feu à certains de ces personnages. Histoire de précipiter la flambée qui mettra fin à tout ça.

Bref, c'est sans grande prétention. C'est verbeux et un peu chiant en fait. Ou pour être un peu plus aimable : très inégal.

Je sais que je vais ici un peu à contre courant compte tenu des critiques élogieuses que j'ai pu lire. Mais je n'y ai pas trouvé mon compte, ni la profondeur annoncée. Peut-être ai je déjà allumé mon feu pour reprendre la métaphore un peu nunuche de l'ouvrage.

J'ai surtout eu l'impression de lire un truc sur le développement personnel, genre à la mode que je déteste. Un truc un peu mou où l'auteur - ainsi qu'elle le concède- n'a voulu blesser personne.