Les mots susceptibles de définir cette pépites n'existent pas encore : parce que "Les sept morts d'Evelyn Harcastle" a probablement plusieurs années d'avance sur la littérature actuelle, les terme les plus appropriés pour en vanter l'audacieuse qualité n'ont certainement pas encore été inventés. Si l'on devait se contenter d'un seul mot, ce serait peut-être "Wouah!", qui résume à merveille l'effet de ce livre sur le lecteur.
Jamais totalement roman de fantasy ou de science-fiction, "
Les sept morts d'Evelyn Hardcastle" va pourtant y puiser les éléments qui, dans la forme du livre, donnent à l'intrigue policière de
Stuart Turton tout son génie. Car indubitablement, malgré la notion de boucle temporelle qui rythme les 500 pages addictives de ce roman, il reste bel et bien un polar dans son essence. Plutôt que de recouper les éléments de plusieurs protagonistes afin de résoudre un meurtre qui a déjà eu lieu, l'auteur met en scène un personnage principal qui va jouer successivement le rôle de tous ces protagonistes dans le but résoudre un assassinat qui n'est pas encore survenu. Chaque nouvelle journée tient alors autant de la pièce de puzzle que de la poupée russe : les divers éléments s'imbriquent les uns dans les autres et les uns aux autres pour, progressivement, révéler quelque chose de diabolique...
Stuart Turton, dont c'est ici le premier roman, fait preuve d'une audace nourrie de nombreuses inspirations, entre classique et modernité : impossible, dans ce jeu de rôle doublé d'un whodunit vintage et classieux, de ne pas songer au cluedo (le plan illustré du manoir en début d'ouvrage évoque d'ailleurs furieusement le plateau du célèbre jeu) auquel se mêleraient les règles d'un escape game aux allures de "Battle Royale", le tout arrosé de thé bien noir. le résultat, mené de main de maitre, a quelque chose d'une pièce de théâtre baroque où des mécaniques célestes sont constamment à l'oeuvre : chacun, à Blackheath, a son rôle à jouer. Mais comment faire preuve d'improvisation quand le déroulement de la partie vient sans cesse vous rappeler que vous n'êtes qu'une marionnette? Quelle part de libre arbitre lorsque la fin est déjà écrite? L'auteur ne choisit jamais la facilité, complexifiant les règles du jeu sans cesse, nous perdant avec le personnage principal et ses personnalités multiples dans les corridors sinueux de Blackheath. Chaque nouveau rôle endossé confronte le narrateur à la personnalité de son "hôte", laquelle l'influence dès lors fortement, risquant parfois de le corrompre totalement. Au fil des boucles qui se répètent, dans la quête de vérité autant que dans le cheminement initiatique du personnage principal (Que fait-il ici? Qui est-il vraiment?), la nature même du héros risque de se diluer tandis que l'auteur distille quelque chose d'unique, d'indescriptible, qui nous tient en haleine jusqu'au dénouement.
En bref : Page-turner de génie, "
Les sept morts d'Evelyn Hardcastle" et une véritable pépite, audacieuse et brillante. Tour de force littéraire qui mêle les genres et les codes sans jamais en pâtir (bien au contraire), ce roman est un polar diabolique à la construction labyrinthique et à la galerie de personnages fascinants. Cette lecture sans précédent est un véritable coup de coeur.
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