La version que j'ai lue est un choix de textes, avec des résumés pour les parties manquantes, parue en poche chez Folio. le tout fait environ 400 pages.
L'action se passe dans le Forez au Ve siècle. Il s'agit d'une pastorale, les personnages sont des bergers et bergères, avec quand même également des nymphes, qui sont d'un rang social supérieur. Sans oublier les druides et autres personnages. Il y a un fond historique, des rois mérovingiens ainsi que des personnages historiques de l'époque sont évoqués, et cela prend même une certaine place, proportionnellement non négligeable, tout au moins dans la version écourtée que j'ai lue. Mais l'essentiel, ce sont les histoires d'amour. D'Astrée et de Céladon, bien entendu, mais également de tant et tant d'autres… Les histoires s'enchaînent, s'entremêlent, connaissent de nombreuses et compliquées péripéties. Les différents personnages illustrent une ou des visions de l'amour. Plus ou moins volage. Néanmoins, la principale prône un amour fondé sur l'estime, sur la raison en quelque sorte. Même s'il peut être passionné et faire souffrir, voire amener jusqu'à la mort.
C'est une lecture qui laisse une curieuse sensation. C'est frustrant de lire des morceaux choisis, et par moments bien sûr j'aurais préféré lire des passages qui étaient omis. En même temps, je n'aurais sans aucun doute pas tenu 5000 pages. Déjà que là j'avais tendance à me perdre parmi tous ces nombreux personnages….J'ai eu un aperçu, cela a quand même un intérêt surtout documentaire, même si ce n'est pas une lecture désagréable. Cela montre encore une fois à quel point une lecture peut devenir datée, quel qu'ait pu être son retentissement en son temps. Même si l'ouvrage a d'indéniables qualités littéraires. Mais 5000 pages sur ce type de sujet, c'est quasiment illisible de nos jours.
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La difficulte ici tient dans le style du livre ecrit entre le seizieme et le dix septième siecle avec le français de l'epoque.Une fois passé le temps d'adaptation,vous decouvrirez une histoire d'amour ecrite dans un style classique entre Astree et Celadon dans le Forez.Le dépaysement est garanti et vous devriez passer un bon moment,cette plongée dans le passé se lisant très bien finalement.
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Voilà un pavé qui m'a été difficile d'achever,roman pastoral par excellence il est néanmoins incontournable dans la connaissance des oeuvres classiques.
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Auprès de l'ancienne ville de Lyon, du côté du Soleil couchant, il y a un pays nommé Forests, qui en sa petitesse contient ce qui est de plus rare au reste des Gaules : Car étant divisé en plaines et en montagnes, les unes & les autres sont si fertiles, & situées en un air si tempéré, que la terre y est capable de tout ce que peut désirer le laboureur. Au cœur du pays est le plus beau de la plaine, ceinte comme d'une forte muraille des monts assez voisins, & arrosée du fleuve de Loyre, qui prenant sa source assez prés de là, passe presque par le milieu, non point encore trop enflé ni orgueilleux, mais doux & paisible. Plusieurs autres ruisseaux en divers lieux la vont baignant de leurs claires ondes : mais l'un des plus beaux est Lignon, qui vagabond en son cours, aussi bien que douteux en sa source, va serpentant par ceste plaine depuis les hautes montagnes de Cervières & de Chalmasel, jusques à Feurs, où Loyre le recevant, & lui faisant perdre son nom propre, l'emporte pour tribut à l'Océan.
Or sur les bords de ces délectables rivières on a vu de tout temps quantité de Bergers, qui pour la bonté de l'air, la fertilité du rivage, & leur douceur naturelle, vivent avec autant de bonne fortune, qu'ils reconnaissent peu la fortune. Et croit qu'ils n'eussent d'en envier le contentement du premier siècle ; si Amour leur eût aussi bien permis de conserver leur félicité, que le Ciel leur en avait été véritablement prodigue. Mais endormis en leur repos ils se soumirent à ce flatteur, qui tôt après changea son autorité en tyrannie. Céladon fut un de ceux qui plus vivement la ressentirent, tellement épris des perfections d'Astrée, que la haine de leurs parents ne peut l'empêcher de se perdre entièrement en elle. Il est vrai que si en la perte de soi-même on peut faire quelque acquisition, dont on se doive contenter, il se peut dire heureux de s'être perdu si à propos pour gagner la bonne volonté de la belle Astrée, qui assurée de son amitié, ne voulut que l'ingratitude en fut le payement, mais plutôt une réciproque affection, avec laquelle elle recevait son amitié & ses services. De sorte que si l'on vit depuis quelque changement entre eux, il faut croire, que le Ciel le permit, seulement pour faire paraître que "rien n'est constant que l'inconstance, durable même en son changement". Car ayant vécu bien-heureux l'espace de trois ans, lors que moins ils craignaient le fâcheux accident qui leur arriva, ils se virent poussez par les trahisons de Semyre, aux plus profondes infortunes de l'Amour : d'autant que Céladon désireux de cacher son affection, pour décevoir l'importunité de leurs parents, qui d'une haine entre eux vieille, interrompaient par toutes sortes d'artifices leurs desseins amoureux, s'efforçait de montrer que la recherche qu'il faisait de cette Bergère était plutôt commune que particulière. Ruse vraiment assez bonne, si Semire ne l'eût point malicieusement déguisée, fondant sur cette dissimulation la trahison dont il déçut Astrée, & qu'elle paya depuis avec tant d'ennuis, de regrets, & de larmes.
RESSOUVENIRS
Rocher, où souvent à cachette,
Nous nous sommes entretenus,
Que peuvent être devenus
Tous ces amours que je regrette ?
Les Dieux, tant de fois invoqués,
Souffriront-ils d'être moqués,
Et d'avoir la prière ardente
D'elle et de moi reçue en vain,
Puisqu'ores son Âme changeante
Paie ces Amours d'un dédain ?
Veuille le Ciel, disait Astrée,
Que je meure avant que de voir
Que mon père ait plus de pouvoir,
D'une haine opiniâtrée,
En sa trop longue inimitié,
À nous séparer d'amitié,
Que notre Amitié ferme et sainte
À nous rejoindre et nous unir :
Aussi bien de regret atteinte
Je mourrais la voyant finir.
Et toi, vieux saule, dont l'écorce
Sans plus se défend des saisons,
Dis-moi, n'ai-je point de raisons
De me plaindre de ce divorce,
Et de t'en adresser mes cris ?
Combien avons-nous nos écrits
Fiés dessous ta sûre garde,
Dans le creux du tronc mi-mangé ?
Mais ores que je te regarde,
Combien, Saule, tout est changé !
RESSOUVENIRS
Fontaine, qui des Sycomores,
Le beau nom t'en vas empruntant,
Tu m'as vu jadis si content,
Et pourquoi ne le suis-je encores ?
Quel erreur puis-je avoir commis
Qui rend les Dieux des ennemis ?
Sont-ils sujets, comme nous sommes,
D'être quelquefois envieux ?
Ou le change propre des hommes
Peut-il atteindre jusqu'aux Dieux ?
Jadis sur tes bords, ma Bergère
Disait, sa main dedans ma main :
‒ Dispose le sort inhumain
De notre vie passagère,
Jamais, Céladon, en effet
Le serment ne sera défait,
Que dans cette main, je te jure.
Et vif et mort je t'aimerai,
Ou, mourant, dans ma sépulture,
Notre amitié j'enfermerai.
Feuillage épais de ce bel Arbre,
Qui couvres d'ombre tout l'entour,
Te ressouviens-tu point du jour
Qu'à ses Lis mêlant le Cinabre,
De honte elle allait, rougissant,
Qu'un Berger près d'elle passant,
Parlant à moi l'appela belle,
Et l'Heur, et l'Honneur de ces lieux ?
Car je ne veux, me disait-elle,
Ressembler belle qu'à tes yeux.
RESSOUVENIRS
Ici mon beau Soleil repose,
Quand l'autre paresseux, s'endort,
Et puis le matin quand il sort,
Couronné d'œillet et de rose,
Pour chasser l'effroi de la Nuit,
Deçà premièrement reluit
Le Soleil que mon âme adore,
Apportant avec lui le jour
À ces campagnes qu'il honore,
Et qu'il va remplissant d'Amour.
Sur les bords de cette Rivière,
Il se fait voir diversement :
Quelquefois tout d'embrasement,
D'autres fois cachant sa lumière,
Il semble devenu jaloux
Qu'il se veuille ravir de nous,
Ainsi que sous la nue sombre,
Le Soleil cache sa beauté,
Sans que toutefois si peu d'ombre
Puisse bien couvrir la clarté.
Mais que veut dire qu'il ne brûle,
Comme on voit que l'autre Soleil
Sèche les herbes de son œil,
Durant l'ardente canicule ?
Pourquoi, dis-je, ne sèche aussi
Mon Soleil les herbes d'ici ?
J'entends, Amour, c'est que ma Dame
N'élance ses rayons vainqueurs
Dessus ces corps qui n'ont point d'âme,
Et ne veut brûler que des cœurs....
"Aux Rochers, ce dimanche 29 septembre 1680
Quoique nous soyons dans une solitude en comparaison de vote château de Grignan, nous ne laissons pas d'avoir fort souvent trois tables de jeu, un trictrac, un hombre, un reversis. Nous avons présentement Mme de Marbeuf, qui est bonne à tout ; elle est commode et complaisante. La princesse éclaire ces bois comme la nymphe Galatée."