Comme la tristesse peut se vivre sans peine et sans chagrin, il est des solitudes que n'envahit pas l'ennui et des ennuis plus féconds que bien des réflexions. Ce sont des niches de liberté intime et lumineuse que la quête sociale et les corrosions narcissiques nous empêchent d'apprécier. Ainsi ne parvenons-nous pas à percevoir le pouvoir du silence, la richesse du vide, les bienfaits de la rêverie. (Page 190)
Grognons, austères, craintifs, prudents, pessimistes, nombreux sont les anxieux invivables qui assombrissent leur entourage de mille craintes qui les assaillent. Ne pas leur ressembler est une priorité pour tous ceux qui savent qu'on ne vainc pas ses monstres intimes en pourrissant la vie des autres. (Page 92)
Pour supporter les tragédies du passé de ma famille, j'ai construit des machines de guerre. Pour supporter mon mal de vivre, je me suis armée contre l'angoisse. La douleur d'être a souvent pris toute la place. (Page 58)
Chaque jour paisible pouvait accoucher du chaos.Il fallait toujours rester sur ses gardes.Je devins une pro de la vigilance et de l'anticipation.
Je fus rodée à l'incertitude.Rien n’était jamais acquis.Le moindre petit bonheur devait se saisir au vol,avant qu'il ne disparaisse.
Résultat les jeunes femmes n'ont jamais de temps libre, encore moins de temps vide.
Si elles en avaient, elles le rempliraient.
Car le temps vacant est une denrée convoitée dans une société qui tire profit de tout.
Chacune se voit invitée à le consacrer à son corps, à ses loisirs. Jogging, régimes, massages, shopping. Sports, vacances, voyages.
Autrement dit, réussir à toujours remplir son temps libre, l'optimiser.
Et plutôt fuir la solitude que la rechercher.
Tout le monde se pose la question du sens de sa vie, du sens de la vie. Certains ne cessent d'y songer, d'autres n'y pensent qu'à deux reprises dans leur existence. Lors de la traversée de l'adolescence et lorsqu'ils se savent atteints d'une maladie qu'on dit mortelle. Je fais partie des chroniques, de ceux qui cherchent depuis toujours le pourquoi des choses. Je le cherche sans espérer le trouver. Pour le plaisir, par habitude, par besoin, par incapacité à m'en abstenir. Une démarche qui tient plus de la névrose que de la philosophie. (p.43)
Chaque livre me rassurait sur mon statut d'être humain. Certes, nous étions misérables, mais nous l'étions tous, sans exception. Je n'étais plus seule au royaume des déments et des morts. (p. 51)
Les livres remplacèrent mes jeux d'enfant sauvage et nourrirent mon imagination. Des mondes et des langages inconnus vinrent enrichir mes fantaisies personnelles, leurs décors autant que leurs intrigues. Tout cela me donnait des ailes pour espérer m'échapper un jour et des idées pour tenter de changer le monde.
Le temps d'une lecture, je vibrais, je vibrais. Je m'épanouissais au pays de la création, de la liberté, de la révolte et de la résistance. (p.95)
"Il s'agit de tout ce qui permet de vivre AVEC sa vie, DANS sa vie plutôt que de lutter contre elle"