AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,76

sur 111 notes
5
2 avis
4
5 avis
3
2 avis
2
2 avis
1
2 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pas facile de lire Monsieur Teste, de comprendre ses mots au moment de l'endormissement. C'est compliqué un Monsieur Teste. Vous n'imaginez pas... Mais pour autant quel bonheur de vivre avec lui. On ne sait jamais ce qu'il va dire, ni s'il va dire quelque chose. On le voit plonger dans ses pensées, entrer dans son moi intérieur et on imagine toutes ces bulles de pensées s'entrechoquer ou s'élever vers ...un horizon qui ne m'est pas accessible. Parce qu'il est unique et seul. Il n'apprécie pas sa propre pensée d'après « l'expression de celle des autres ». Mais chez moi, « il y a une belle partie de l'âme qui peut jouir sans comprendre ». Ma vie est « nulle et utile ; la sienne, toute en habitudes et en absence. »

« Mais je vous avoue que rien ne m'attache plus à lui que cette incertitude de son humeur. Après tout, je suis bien heureuse de ne point trop le comprendre, de ne point deviner chaque jour, chaque nuit, chaque moment prochain de mon passage sur la terre. Mon âme a plus de soif d'être étonnée que de toute autre chose. L'attente, le risque, un peu de doute, l'exaltent et la vivifient bien plus que ne le fait la possession du certain. »

Si vous rencontrez Monsieur Teste, ne faites pas le détour, foncez et lisez la Lettre de Madame Émilie Teste, des mots que je trouve si beaux.

Mais que dis-je ? ...je me laisse aller... « L'expression d'un sentiment est toujours absurde. »

Commenter  J’apprécie          464
Valéry écrit La soirée avec Monsieur Teste « pendant l'octobre 93 ». Il a 22 ans. Il vient de rentrer à Montpellier après quelques mois à Paris où il a rencontré Louÿs et Mallarmé et fréquenté l'Opéra (« Une immense fille de cuivre nous séparait d'un groupe murmurant au-delà de l'éblouissement. Au fond de la vapeur brillait un morceau nu de femme, doux comme un caillou »).

Edmond Teste, c'est à dire lui-même, a la quarantaine — on ne peut pas être revenu de tout en sortant de l'adolescence. Il est fantomatique (« tout s'effaçait en lui, les yeux, les mains »), boursicoteur, vivant dans un petit garni : « Je n'ai jamais eu plus fortement l'impression du quelconque ». « Il mangeait comme on se purge, avec le même entrain ». Il n'a pas d'opinions. Il est l'esprit libre « qui fait tuer ses joies par ses joies, la plus faible par la plus forte, — la plus douce, la temporelle, celle de l'instant et de l'heure commencée, par la fondamentale — par l'espoir de la fondamentale ».

Valéry/Teste est dépressif. « Je me suis rarement perdu de vue ; je me suis détesté, je me suis adoré ; — puis nous avons vieilli ensemble. Souvent, j'ai supposé que tout était fini pour moi, et je me terminais de toutes mes forces ».
Teste/Valéry lui ouvre le temps, l'emploi du temps, la patience : « L'art délicat de la durée, le temps, sa distribution et son régime, — sa dépense à des choses bien choisies, pour les nourrir spécialement, — était une des grandes recherches de M. Teste ». Il n'y a pas de système Teste, plutôt une humeur, une prise de distance, la tentation d'une maitrise démentie par la porosité de l'intellect et du sentiment : « Et je sentais qu'il était le maître de sa pensée : j'écris là cette absurdité. L'expression d'un sentiment est toujours absurde. » le poète (qui a écrit La fileuse en 91) se révolte contre le solipsisme, la sécheresse de son modèle : « Pourtant, répondis-je, [sortant de l'Opéra] comment se soustraire à une musique si puissante ! Et pourquoi ? J'y trouve une ivresse particulière, dois-je la dédaigner ? J'y trouve l'illusion d'un travail immense, qui, tout à coup me deviendrait possible… Elle me donne des sensations abstraites, des figures délicieuses de tout ce que j'aime, — du changement, du mouvement, du mélange, du flux, de la transformation… Nierez-vous qu'il y ait des choses anesthésiques ? Des arbres qui saoulent, des hommes qui donnent de la force, des filles qui paralysent, des ciels qui coupent la parole ? ».

Valéry tue Teste symboliquement dans cette étrange et longue scène où son mentor l'invite chez lui, se déshabille, se met au lit et lui dévoile sa douleur physique et morale : « Il se dévêtit tranquillement. Son corps sec se baigna dans les draps et fit le mort. Ensuite il se tourna, et s'enfonça davantage dans le lit trop court » […] « Je n'attends que mon cri,… et dès que je l'ai entendu — l'objet, le terrible objet, devenant plus petit, et encore plus petit, se dérobe à ma vue intérieure… ». Quel objet ? Je pense à l'objet désagréable de Giacometti mais il est de 1931.

La suite de ces vingt pages est tardive, écrite en 1926 quand Valéry est devenu le poète officiel de la Troisième République. Rien d'aussi sincère et personnel que la Soirée, publiée 30 ans plus tôt. On y trouve la lettre de Madame Émilie Teste, bien surprenante car M Teste est célibataire et proche de sa fin dans la Soirée, bonne à lire comme exemple de l'emprise. On y trouve encore un bric-à-brac qui contient quelques pépites, certaines ajoutées post mortem dans l'édition Gallimard de 1946. Par exemple une brève mention de « ceux qui veulent me traduire en français », allusion au colonel Godchot qui publia en 1933 son « Essai de traduction en vers français du Cimetière marin de Paul Valéry ».
Commenter  J’apprécie          121
J'avais une vingtaine d'années quand j'ai lu cet ouvrage tant vanté ,pour la première fois. Je n'ai pas dépassé la première partie ,"La soirée avec Monsieur Teste" car j'avais l'impression de n'y rien comprendre ,mettant cela sur mon "inculture" de l'époque. L'ayant exhumé de ma bibliothèque je m'y suis remis avec 50 années de plus (à une vache près) . Cette fois je suis allé au bout mais la pensée très abstraite de Valery m'est restée obscure ,je ne vois pas vraiment ce qu'il veut communiquer au lecteur à travers cet étrange personnage qui paraît-il est un double de lui ,j'ai par contre apprécié la beauté de la langue dans les descriptions.
Commenter  J’apprécie          30
Superbe ouvrage de l'auteur qui s'éloigne ici de sa poésie cherie pour nous offrir un récit court et intense sur la vie du héros:un regal !
Commenter  J’apprécie          00
Je me souviens avoir passé une bonne soirée avec ce MR TESTE....
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (286) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3674 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}