Il y a tout et n'importe quoi dans cette BD atypique. Sur une très grande partie de l'ouvrage, la BD est muette. Et elle ne contient en général que 2 cases par planche (l'ouvrage étant grand format, cela donne de l'ampleur aux dessins).
Un Saint Nicolas façon cyber, qui dézingue un drone de la police. Laquelle police déloge des zadistes. Et pendant que Saint Nicolas marche sur une marée de bouteilles en plastique, les enfants mettent des masques anti-pollution ou anti-COVID et se font courser par la police, de nouveau, lors d'une manif. Puis les enfants sont plaqués au mur, mains derrière le dos avant d'être embarqués dans un fourgon...
D'une ZAD à un bidonville, il n'y a qu'un pas que Saint Nicolas franchit, pour... aller raconter des histoires aux enfants. Sacré Saint Nicolas... Quel sens de l'à-propos. On est dans la Jungle de Calais. Retour des keufs. Jungle de béton, forêt d'éoliennes.
SDF, clodos, recalés du système comme dit la chanson des Enfoirés, crevards, exclus, ils sont tous là. Mais dans un restaurant gastronomique, on retrouve l'élite politique qui dirige le monde, Macron avec Poutine et Trump de dos... avec (vu la nationalité du dessinateur)
Bart de Wever, leader nationaliste belge. Mais l'auteur n'étant pas un pro de la caricature, on aura un peu de mal à reconnaître
Marine le Pen ou
Charles Michel un peu plus loin.
Thierry van Hasselt n'est pourtant pas très loin de la légende de Saint Nicolas (mais ne faites pas lire cela à vos enfants). Dans le resto gastro, on sert un pied d'enfant au Grand Saint... et il se fâche. Il part en cuisine pour recoller les morceaux... Puis c'est la longue marche de "Nick" et des enfants... en route pour démonter Conforama, Carrefour ou Decathlon... Mais la lutte armée et l'affrontement mortel sont inévitables...
Et là, j'avoue que j'ai un peu décroché... mais j'étais (à l'insu de mon plein gré) arrivé au terme du voyage de Saint Nicolas... S'il revenait, il ne serait sans doute pas le bienvenu. Il terminerait sur un radeau en Méditerranée et se noierait dans l'indifférence totale. D'ailleurs, Saint Nicolas est mort, étouffé par la masse de jouets made in China inutiles que les enfants réclament et que leurs parents achètent pour se dédouaner du manque d'amour qu'ils leur accordent...
Les images "fortes" se succèdent. Sans explication pendant la majorité du tome. Cela laisse la porte ouverte à toutes les fenêtres point de vue interprétation. J'ai ressenti confusément que le propos était plutôt anar, contre les dérives de notre société, contre le consumérisme... mais cela pourrait tout aussi bien être anti-vax et pro-black block...
En tout cas, la vision noire et dépressive de Thierry van Hasselt pousse à réfléchir. Je ne pense pas qu'il veuille notre assentiment ou notre bénédiction. Je suis fermement convaincu qu'il pousse le bouchon loin afin de nous faire réagir. Afin de susciter un réflexe de rejet viscéral en nous. Quelle place accordons-nous à l'humain... telle est sans doute la question de base. Et graphiquement, il faut se souvenir (ou savoir) que
Thierry van Hasselt participe à la S Grand Atelier, un centre d'art brut et contemporain pour artistes fragilisés par une déficience mentale. Il y a un aspect expérimental très marqué à son oeuvre. Dans ce tome, il se rapproche à mon avis d'un
James Ensor ou d'un
Félicien Rops.
Et si tout cela n'était qu'une grosse farce carnavalesque et surréaliste... Rassurez-vous, Saint Nicolas reviendra le 6 décembre, rien que pour vos petits souliers.