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sur 93 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un check-point, à Ras-el-Bayada, au sud-Liban, pour surveiller la route de Tyr afin de créer une zone tampon entre le Hezbollah et Israël et la tension est déjà palpable.
Le Métier de mourir de Jean-René van der Plaetsen m'a plongé dans le quotidien de ces soldats tentant de sauvegarder une paix qu'ils savent fragile, leur vie étant menacée constamment. Cela se passe en 1985, dure trois jours et deux nuits, les 6, 7 et 8 mai et, depuis, nous savons que les malheurs n'ont cessé de s'abattre sur ce pays, le Liban, décrit souvent comme un paradis terrestre, en principe.
Dès les premières lignes, j'ai senti que l'auteur connaissait parfaitement son sujet et j'apprends qu'avant de devenir journaliste, Jean-René van der Plaetsen fut Chasseur alpin et surtout Casque bleu au Liban, faisant partie de la FINUL (Force intérimaire des Nations Unies pour le Liban), justement en 1985 !
Deux personnages monopolisent l'attention et découvrent peu à peu leurs origines, ce que fut leur vie jusque-là. Il y a d'abord Belleface, dit le Vieux, chef de poste, qui ne cesse de citer L'Ecclésiaste, ce qui est plutôt lassant. Il approche de la soixantaine et possède une immense expérience acquise dans la Légion étrangère pour la guerre d'Indochine où il a côtoyé de nombreux nazis tentant de faire oublier leur passé. Puis il s'est engagé avec Tsahal, l'armée israélienne, où il avait le grade de colonel.
L'autre est bien plus jeune, se nomme Favrier. Il est Français. Il pense à sa famille, à ses parents, à sa soeur restés à Barbizon et regrette surtout Claire qu'il aime toujours. Au contact de Belleface, il retrouve un père, un modèle et plusieurs séquences les réunissent. Ce sont des hommes faits pour la guerre mais ils savent apprécier un temps de baignade, tôt le matin, dans une petite crique bien protégée. Par précaution, ils nagent chacun à leur tour puis reviennent à pied au check-point afin d'assurer une nouvelle journée pleine de tension et d'insouciance malgré tout.
C'est lorsqu'une patrouille de Tsahal fait halte que Favrier réussit à en apprendre davantage sur Belleface, grâce aux confidences du commandant Avner Yarhi qui a appris à connaître l'homme au cours de la guerre des Six jours. S'il respecte son goût pour la solitude, sa tristesse insondable, il lui parle de cette femme, Ruth, qu'il aimait et fut assassinée par un Palestinien.
Ces hommes côtoient la mort, ont pour métier de la donner aussi, si nécessaire, mais ils n'aiment pas raconter ce qu'ils ont vécu ou subi. Belleface nous ramène au temps du ghetto de Varsovie puis au camp de Treblinka. Cet homme est donc un survivant de la Shoah et c'est parce qu'un prêtre lui a sauvé la vie et lui a confié sa Bible, qu'il se réfère sans cesse à ses textes, sans négliger sa pipe d'opium, chaque soir, habitude prise en Indochine et difficile à oublier.
Prix Renaudot des Lycéens 2020 succédant au roman de Victoria Mas (Le bal des folles), le Métier de mourir est un roman très particulier, sans beaucoup d'action. Il mérite d'abord d'être lu pour connaître un peu plus ce Moyen-Orient déchiré depuis si longtemps et ce Liban, si beau. Ensuite, grâce aux souvenirs de Belleface, il permet de prendre conscience des ravages causés par l'idéologie nazie, bien longtemps après la chute de ce régime.
Cette mort inéluctable qui rôde sans cesse finira-t-elle par avoir le dernier mot ?

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Printemps 1985. Israël s'est retiré du Liban après en avoir expulsé l'OLP, gardant le contrôle d'une zone tampon avec l'aide de l'Armée Sud du Liban. L'avant-poste de Ras-el-Bayada y a été placé sous le commandement du très respecté vétéran Belleface. D'origine polonaise, ce rescapé du camp de Treblinka a passé sa vie à combattre, d'abord comme légionnaire en Indochine, puis dans l'armée israélienne où il s'est élevé au rang de colonel. A cinquante-huit ans, le voilà à la tête d'une dizaine de miliciens, à surveiller route et mer par où peuvent à tout instant survenir les attaques terroristes du Hezbollah.


Sur ce bout de territoire chauffé à blanc par le soleil, entre poussière du désert et éclat aveuglant de la mer, le temps s'écoule au ralenti d'une interminable attente, passée en alerte permanente. Chaque fois qu'il prend son tour de garde à la barrière du check-point, chacun de ces combattants sait que le pire peut arriver, caché sous les apparences les plus banales. C'est donc avec au ventre la peur de l'imprévisible et la hantise de l'imparable, que l'on se laisse enfermer dans le huis-clos d'un drame annoncé, sous la menace d'un ennemi d'autant plus terrifiant qu'invisible et impalpable.


Dans cette fournaise qui ne demande qu'à exploser, les esprits gambergent. Favrier, un jeune engagé français fasciné par l'imposante aura de Belleface, s'attire la sympathie du vieux guerrier qui se plaît bientôt à projeter en lui le fils qu'il n'a jamais eu. Peu à peu se révèle le parcours douloureux et secret de ce personnage taciturne, inspiré de l'histoire vraie racontée à l'auteur par son grand-père, lui-même militaire de carrière. Cet homme, demeuré anonyme, prend au fil du récit la dimension d'un héros digne et courageux, incroyable trompe-la-mort désespérément condamné à la solitude par son exceptionnelle longévité dans le « métier de mourir », mais aussi sage et fataliste témoin de l'éternelle et folle faiblesse humaine, tragiquement soulignée par la litanie de ses références bibliques, extraites de l'Ecclésiaste.


La narration, puissante et sobre, exsude l'amour profond de l'auteur pour le Liban et témoigne de sa connaissance fine du contexte du pays. Casque bleu dans cette zone en 1985, il a lui-même assisté à cette guerre d'usure silencieuse, qui, à force d'attaques sporadiques et terriblement meurtrières, très souvent sous la forme d'attentats à la voiture piégée, a fini par permettre au Hezbollah de récupérer le terrain abandonné par les forces armées israéliennes. Et, alors qu'il est issu d'une famille de militaires, son livre est aussi une réflexion sur les valeurs qui motivent des hommes à s'engager dans le métier de soldat, par vocation et par idéal, parce qu'à leurs yeux leur vie vaut d'être donnée pour la cause qu'ils défendent.


En mêlant les accents antiques d'une tragédie grecque aux sonorités modernes d'une guerre contemporaine, ce livre bâti tout en tension et profondeur, comme un fatidique compte à rebours vers ce que l'on devine d'emblée une dramatique explosion finale, fait résonner avec beaucoup de tristesse l'apparente infinitude des conflits qui embrasent le Proche-Orient, épicentre de nos civilisations, de nos religions, mais aussi d'une violence dont les vagues n'ont pas fini d'ébranler le monde.

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Le choix des lycéens de primer un livre portant un tel titre avait éveillé ma curiosité. le métier de mourir est un ouvrage qui sort de l'ordinaire, comme d'ailleurs son auteur, dont c'est le deuxième roman. Jean-René van der Plaetsen a mené une longue carrière de journaliste au Figaro, après avoir été, dans sa jeunesse, soldat en mission au Sud-Liban, en tant que Casque Bleu. Une expérience personnelle qui l'aura inspiré.

Quand ils évoquent le personnage principal d'un roman, les gens disent parfois « le héros », un terme souvent injustifié. Dans le métier de mourir, il serait légitime de l'employer pour Belleface. C'est en tout cas clair dans l'intention de l'auteur. Celui que ses hommes appellent le Vieux est un militaire de carrière juste et courageux, une personne de bonne moralité, qui a crapahuté en Indochine dans la Légion étrangère, participé aux campagnes de Tsahal, où il accède au grade de colonel, avant de prendre, à l'âge de la retraite, un poste dans l'Armée du Liban-Sud. En 1985, il est assigné à la surveillance du check-point de Ras-el-Bayada, à l'entrée d'une zone franche entre Israël et le Liban. Un endroit stratégique, susceptible d'être attaqué par le Hezbollah.

J'ai été impressionné par la table des matières, strictement cadrée : premier jour, deuxième jour, troisième jour. L'attente d'une hypothétique attaque terroriste rappelle un peu celle du roman culte de Dino Buzatti, le Désert des Tartares. Dans le métier de mourir, l'attente ne dure que trois jours, mais son intensité dramatique est d'autant plus forte. le dénouement est fracassant.

Le sujet du livre dépasse largement ces trois journées d'expectative, vécues sous un soleil de plomb, dans un paysage grandiose de premier matin du monde et dans un contexte politique conflictuel qui ne surprend plus personne. le roman restitue en effet toute la vie du héros, sous forme de témoignages indirects et de souvenirs qui lui reviennent, traînant avec eux leurs lots de nostalgie, de tristesse et de colère : l'enfance heureuse dans une famille juive aisée de Varsovie, la déportation et l'extermination des siens à Treblinka, le sacrifice d'un prêtre lui ayant permis d'en réchapper miraculeusement…

S'en est suivi un long parcours de baroudeur, au cours duquel Belleface a construit sa morale de soldat, une démarche nourrie aussi par la lecture de l'Ecclésiaste, ce livre de l'Ancien Testament constitué d'aphorismes sur le sens de la vie. Tout ne serait que vanité, il n'y aurait rien de nouveau sous le soleil… Faut-il alors se résoudre à ne rien transmettre de ce qu'on a appris ? Et si Favrier, le jeune soldat français présent aux côtés de Belleface, pouvait lui tenir lieu de fils spirituel et entendre le secret qui hante le vieux militaire ?

J'ai beaucoup aimé ma lecture… pendant les deux tiers du livre. Je l'ai trouvé superbement écrit, car j'apprécie les phrases longues à la syntaxe grammaticale impeccable. Les paysages sont rendus avec un lyrisme de bon aloi, les environnements sont décrits avec un sens du détail qui dénote des qualités d'observation et d'expression hors du commun. Les parcours familiaux et les configurations psychologiques des personnages sont captivants.

Mais j'ai fini par me lasser de l'immobilité de la narration, de son rythme ralenti par l'abus de détails et de son basculement vers le prêche philosophique, ponctué de révélations métaphysiques. Quant au grand secret inavouable, il ferait sourire les lecteurs de thrillers.

Le livre a cependant le mérite de rappeler certaines problématiques géopolitiques, dans un Liban multiculturel où ce sont les religions qui régissent les comportements. Un monde magnifique, mais désespérant. Car là où l'humanité s'est jadis civilisée, les fous de Dieu ont pris un avantage sur les sages qui doutent. Parmi les citations en exergue, un extrait d'une sourate m'a fait froid dans le dos.

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Voici une de mes découvertes de la rentrée littéraire, à une époque où la littérature semblait encore indispensable à notre société dans une période troublée. Hélas, l'actualité nous montre aujourd'hui que certains pensent différemment, mais cela est un autre débat.
J'ai donc eu l'occasion, sur un salon, de rencontrer et d'échanger avec Jean-René van der Plaetsen l'auteur de ce roman qui a su, lors de notre conversation, éveiller ma curiosité.
Le métier de mourir, un titre qui suscite bien des interrogations, en tout cas, pour ma part, je me demandais bien à quoi il faisait allusion.
Van der Plaetsen nous éclaire bien vite, son "héros " est un soldat.
Oh, lui, ne se prend pas pour un héros, plutôt pour un survivant.
Adolescent il a échappé à la mort dans un camp de concentration, puis il a connu la légion en Indochine, il fut soldat de Tsahal (l'armée israélienne) et aujourd'hui (enfin, en 1985), il se retrouve commandant d'une poignée d'hommes pour l'Armée du Liban-Sud  sur un check-point,  à Ras-el-Bayada à la frontière avec Israël.
L'auteur va nous faire passer trois jours dans l'ombre de cet homme mystérieux qui semble avoir un lourd secret.
Un jeune soldat français, fraîchement arrivé, va tenter de savoir qui est ce Belleface qu'il admire. le vieux, c'est ainsi qu'il l'appelle, prend cette jeune recrue sous son aile et à bien l'intention de lui enseigner l'art de la guerre et surtout le mettre en garde sur les dangers qui les entourent.
Sous la plume de van der Plaetsen, les personnages vont se dévoiler. Lentement, mais ça, c'est la chaleur, il sait nous la faire ressentir, comme il sait faire monter la tension du lecteur.
Il y les personnages, bien sûr, mais il y a aussi l'ambiance. Nous sommes dans une région particulière. La mort rôde,  c'est palpable.
On sent bien qu'il va se passer quelque chose, mais comme dans la vraie vie, on ne sait pas quoi, ni quand.
Certes, le rythme de la narration peut perturber, mais encore une fois, c'est parce que l'écrivain tient compte du contexte et du climat. Une région isolée, un soleil de plomb, la Méditerranée, quelques hommes armés, une atmosphère presque trop calme....
L'auteur, dont l'expérience de casque bleu a certainement nourri ce récit, raconte ici, quelques jours de la vie d'un homme qui, me l'a-t-il avoué, a réellement existé.
De ces lectures que l'on n'attend pas forcément mais qui viennent enrichir votre bibliothèque.




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Le parcours de deux hommes enrôlés au Liban, en 1985. Deux hommes au parcours différents, tout comme les raisons qui les ont menés au front.
Un combat qui se traduit en fait par une longue attente, interminable. Mais plus que d'un front meurtrier et combatif, il s'agit en fait d'une attente pernicieuse, le danger pouvant survenir à tout moment, inattendu.
Au fil de la lecture, j'ai partagé les trois longues journées de ces deux soldats, Belleface et Favrier. J'ai appris à les connaître en même temps qu'eux-mêmes se découvrent l'un l'autre, bien qu'il leur soit difficile de se livrer sur leur passé. Leur histoire nous permet de nous évader du Liban et de passer par l'Indochine ou les campagnes du Tsahal.
Une lecture poignante et empreinte d'une intensité dramatique prégnante où la mort est omniprésente. Bien que l'on sache pertinemment qu'elle emportera l'un ou l'autre, c'est une évidence et une fatalité (je n'en dévoilerai pas plus volontairement), la tristesse nous atteint malgré tout.
Un livre orignal qui mérite d'être découvert.
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Belleface, le « vieux », est l'archétype du soldat baroudeur, du vétéran qui a traversé toutes les guerres, grâce à un mélange de courage, de compétence, d'expérience, de chance d'avoir eu le temps d'acquérir cette expérience, et d'une farouche volonté qui lui vient de son passé.
Juif polonais, il a connu l'horreur nazie. D'abord dans le ghetto de Varsovie, puis à Treblinka dont il est revenu vivant, miraculeux rescapé de la Shoah qui a anéanti toute sa famille.
Légionnaire en Indochine, il a été fait prisonnier à Dien-Bien-Phu après avoir survécu à la dramatique évacuation du camp tonkinois de Cao-Bang et à la meurtrière bataille de la route coloniale n° 4.
Il s'est ensuite engagé dans l'armée Israélienne, où il a atteint le grade de colonel, avant de rejoindre l'Armée du Liban Sud plutôt que de prendre sa retraite. Ses souvenirs sont remplis de fantômes : les membres de sa famille, la femme qu'il a aimée, les nombreux camarades morts au combat.

Favrier est un Français récemment arrivé au sud Liban. Ses motivations sont un peu floues. le jeune homme lui-même se demande à un moment s'il est venu pour oublier un échec sentimental ou pour savoir qui il est vraiment. le vieux soldat se prend d'amitié pour celui en qui il voit le jeune guerrier qu'il était quelques décennies auparavant. Il a envie de le former, lui transmettre son savoir. Mais sa sensibilité s'étant exacerbée avec l'âge, il ressent même une attirance filiale, au point de le considérer comme le fils qu'il n'a jamais eu.

Le récit présente une unité de lieu, Ras-El-Bayada, un check-point censé protéger Israël des attaques du Hezbollah palestinien. Il présente également une quasi-unité de temps, du 6 au 8 mai 1985.
La vie du camp où Favrier côtoie diverses nationalités, se passe dans l'attente d'une éventuelle attaque, que Belleface pense imminente, rappelant tout naturellement « Le désert des Tartares ». Attaque qui, si elle paraît inéluctable, peu prendre diverses formes et venir de partout, avec cependant une forte probabilité pour la route de Tyr et des véhicules piégés, qui fait espérer à tous les soldats ne pas être de garde à la barrière à l'instant fatidique.

À défaut d'action, les deux hommes échangent beaucoup, et se posent de nombreuses questions existentielles d'où la qualification de roman métaphysique. Belleface se retranche régulièrement sur des citations de « L'Ecclésiaste » qu'il répète à l'envi et qu'il tire d'une bible qui a une histoire particulière. « Le vieux » dévoile peu à peu à Favrier, soit directement soit par l'intermédiaire de tierces personnes, ce que fut son parcours jusque-là. Et ce qu'il hésite à révéler au Français, le lecteur l'apprend à travers ses réflexions personnelles.

Un roman surprenant, dans lequel un vieux soldat, une légende qui n'a connu que le combat persuadé que sa condition de Juif ne l'autorisait à aucune autre alternative, essaye de transmettre à un novice de façon presque philosophique ce qu'il a retenu d'une vie et d'un métier où la mort semble être la seule des réelles certitudes.

Merci à lecteurs.com et Pocket pour cette lecture.
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Le protagoniste énigmatique et si transparent ne travaille pas dans les transmissions mais a quelque chose à transmettre. Son secret est justement là : ce qu'il pourrait dévoiler de lui ne tient pas tant à ses actes qu'à la raison de ses actes.
Dans le lien entre la solitude et l'attente il y a ce temps qui pèse où l'irrémé-diable rime trop avec les visions multi cultuelles. Les citations de sagesse biblique en fond de scène sont l'armature de l'acceptation de vivre, renforcée par l'identité de celui qui a transmis ce livre-témoin, témoin d'une course relais, d'endurance.
La teneur de ce livre est la lenteur, parce que c'est l'attente et la veille qui constituent le corps de la vie militaire, avec, en temps de guerre et plus spécialement ici, un risque sûr à un moment imprévisible. Cette lenteur contient toutes les raisons de penser, de s'enfouir dans sa mémoire pour ne pas s'enfuir dans la déraison.
Le lieu est déterminant et lieu de tragédie. Il est improbable que Jean-René van der Plaetsen ne connaisse pas cette région, tant sont réalistes l'ambiance et le décor intrinsèquement mêlés.
Et il a l'art de nous faire comprendre qu'un groupe d'hommes dans ce contexte font anagrammer les notions de «aride » et « aider ». Et il rend vraisemblable que des hommes aguerris tombent dans la confidence.
Et tout ce moment de vie, épuré de toute évasion vers la consommation, où le cerveau choisit plus le désir de projets que d'imaginaire, rend fort présente l'absente de ce scénario : la compagne, la mère, la soeur, une femme qui aura été source de vie ou de décision. Et elle vient donc là où on ne l'attendait pas.
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Le propos du livre n'est pas sans doute pas de décrire la vie des soldats au sud Liban, côté israélien, au niveau d'un check point.
Le personnage de Favrier, jeune Français qui s'est engagé ici pour défendre la civilisation occidentale (pourquoi pas ?) est tout aussi secondaire.
C'est Belleface, "l'Ancien" qui intéresse ici, l'ancien baroudeur ; de la jungle du Tonkin au désert du Moyen Orient dans l'armée israélienne, cet ancien rescapé de Tréblinka, où toute sa famille a été assassinée, ne craint pas la mort ; il s'est forgé au long des années une philosophie, illustrée par de fréquentes références à L Ecclésiaste. S'il imagine un instant le jeune Favrier en fils spirituel, ce roman est avant tout une réflexion sur la solitude : étonnante solitude vécue dans la contemplation des paysages.
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Je viens de terminer ce livre que j'ai adoré. L'auteur retranscrit très bien à mon avis la recherche de sens dans laquelle s'inscrit une génération de jeunes et comment cette recherche fait échos aux enjeux religieux autour d'Israel. le narrateur nous fait découvrir la naissance d'une relation maître-disciple en même temps qu'il raconte la guerre sous différentes formes et continents. La description en toute simplicité des paysages m'a donné très envie de visiter le Liban. Je regrette simplement certaines impressions de redite dans le livre autour des épreuves du Vieux. Mais en conclusion, je recommande vivement le livre !
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Nous sommes en 1985, auprès d'un check-point de Ras-el-Bayada, une zone tampon en territoire libanais où les soldats sont chargés de préserver Israël des attaques du Hezbollah. En ce lieu où l'attaque terroriste est une menace permanente, nous assistons à la relation naissante entre Belleface, le responsable du check-point et Favrier, un jeune soldat français nouvellement affecté.

Belleface, un surnom que nous comprendrons au fil de l'histoire, est un juif polonais de cinquante-huit ans, rescapé des camps de Treblinka. Peut-on survivre à la Shoah? Ancien légionnaire, retraité colonel de l'armée israélienne, il renonce à son grade pour intégrer l'Armée du Liban Sud. Énigmatique et secret, peu de gens connaissent réellement son histoire et c'est ce qui fascine Favrier, jeune homme incompris de son propre père.

D'ailleurs que fait-il là, ce jeune français? Fuit-il le confort familial, un amour perdu ou honore-t-il la mémoire d'un ami libanais en venant défendre cette terre si belle et chargée de la présence de Dieu? Comprendre Belleface pourrait lui apporter une réponse.

« Un idéal permet de pousser un homme jusqu'au bout de lui-même, jusqu'à ses dernières extrémités – et cela, c'était le territoire même des soldats, et leur quotidien en temps de guerre. »

Mais Belleface ne parle pas de lui, même si il sent en Favrier ce fils qu'il n'a jamais eu et auquel il pourrait transmettre sa mémoire.

» Il était bien gentil, ce Favrier, mais il ne connaissait encore rien de la vie. Que pouvait-il savoir, à son âge, de la souffrance? Et du désir de survie – ou plutôt de la nécessité de vaincre? »

Au fil des soirées solitaires et opiacées de Belleface, nous découvrons les périodes de son existence dont il ne parvient pas à tourner la page. La drogue lui permet d'atteindre ses souvenirs les plus enfouis, le drame de son enfance, les horreurs de la guerre au Vietnam aux côtés de légionnaires parfois sortis des rangs des nazis. La vie de Belleface est semée de pertes d'êtres chers. La mort se lit dans les yeux de celui qui n'a jamais tenu à la vie. Qui se souviendra de lui après sa mort?

» Compter aux yeux d'une personne, cela voulait dire qu'on avait servi à quelque chose lors de notre passage sur terre. »

Favrier peut-il être cette personne pour le soldat qui ne possède qu'une vieille bible et s'obstine à citer en permanence L'Ecclésiaste.

La rencontre des deux hommes est très belle en ce lieu perdu où le danger est imminent. Malgré un récit plutôt lent et lourd, marqué par l'attente et le poids de la guerre, Jean-René van der Plaetsen maintient le suspense en ne nous dévoilant qu'au fil de l'eau le mystère qui entoure la vie de Belleface et l'issue que l'on sent tragique de cette rencontre.
L'auteur, ancien casque bleu au Liban en 1985, connaît bien ce milieu. Je ne suis pas très réceptive aux métiers de la guerre même si je comprends et respecte l'engagement de certains, risquant leur vie pour sauvegarder les nôtres. Si les personnages sont très beaux, que nous comprenons les motivations de leur engagement, il n'en reste pas moins qu'il y a au fond d'eux ce besoin de vengeance, ce désir de mort, parfois difficile à accepter.
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