Mon père et ma mère avaient accepté de cacher cette bonne polonaise car elle était juive. Beaucoup de gens sont passés à la maison ; il y a même eu un couple de Noirs. Je ne savais pas d’où ils sortaient, s’ils étaient juifs, déserteurs ou espions ! Mais ils ont habité chez nous pendant une longue période. Au dernier étage, planqués dans une petite piaule au grenier. Mes parents étaient comme ça, chaleureux et accueillants. Sans cette mésentente sournoise et silencieuse au cœur de leur couple, ils auraient pu, tout simplement, être des gens formidables. Comme beaucoup de jeunes mariés à cette époque, ils avaient rapidement conçu trois enfants, qu’ils ont dû ensuite supporter jusqu’à la fin de leurs jours.
Moi, tout gosse, je ne comprenais pas pourquoi il avait fait du mal à cette maman qui était plutôt sympa avec nous. Sans la vénérer – ça n’est pas le genre de la famille : chez nous, chacun devait se démerder avec son amour –, je l’aimais. Elle nous habillait, nous faisait monter à cheval : elle s’occupait bien de nous. Pour la tendresse toutefois, il fallait repasser. Ma chère mère ne dispensait guère son affection. Les bisous ou les câlins, à la maison, ça n’existait pas. Elle devait préférer son amant pour ça. Ou peut-être ne savait-elle pas faire autrement ? Quant à mon père, je ne me souviens pas de moments particulièrement tendres.
J’ai beaucoup volé… pour revendre. Des ampoules aux sacs de billes, j’étais devenu multicarte. Plus tard, grâce aux bénéfices de mon petit commerce, j’arriverai même à m’offrir une guitare. Je ne voyais pas à mal, je savais juste où trouver de l’argent en cas de besoin.
Thomas Pitiot chante Vassiliu