C'est un roman que j'avais très envie de lire car il aborde un sujet qui me questionne : la bipolarité. J'aime essayer de comprendre les autres dans ce qu'ils traversent, dans leur mode de fonctionnement, dans la façon dont ils appréhendent le monde. Même si je reste persuadée qu'il existe autant de façons de le percevoir que de personnes sur cette TerreE, et qu'il est toujours dangereux d'étiqueter une personne. Mais cela a le mérite d'apprendre à mieux comprendre. Et je salue la démarche de
Louis Vendel, car ce livre est nécessaire.
Cela étant dit, qu'il a été difficile pour moi de le lire. Malgré l'intérêt de l'histoire et une très belle plume, je n'arrivais pas à rentrer dedans. Je lisais quelques passages, puis je le reposais. J'avais l'impression d'avancer fastidieusement dans ma lecture, sentant que je mettais une distance non voulue mais bien consciente avec cette histoire. Puis enfin, page 215, une brèche s'est ouverte et j'ai fondu en larmes sur cette phrase que j'ai notée : « C'est une fatigue des yeux, une perte de force dans les poings, c'est un inconfort tenace d'être soi, comme une envie irrépressible d'échapper à son propre corps. » Je crois qu'à ce moment, j'ai lâché cette nécessité d'être dans le contrôle de ce que ce texte venait faire résonner en moi. Il n'est plus resté au niveau du mental mais s'est infusé dans mon corps et je l'ai ressenti dans mes tripes. Cela s'est révélé être une expérience assez puissante.
La lecture a été ensuite bien plus fluide. Pourtant, c'est le moment où l'auteur aborde le Tour de monde, avec de nombreuses descriptions. C'est lent, à l'image de cette marche, à l'image de la difficulté de Solal à avancer dans la vie. Mais là encore, n'avance-t-il pas bien plus vite que certains d'entre nous ? C'est une expérience immersive, qui va bien au-delà d'une lecture de roman. Je crois que la façon de narrer l'histoire a beaucoup joué. J'aurais d'ailleurs davantage classé cet ouvrage dans les témoignages ou même mieux, les essais. J'espère ne pas décevoir l'auteur en disant cela. J'aime beaucoup les essais. Et je trouve qu'ils ont un côté noble que n'ont parfois pas les romans.
Je crois que cet ouvrage est surtout une déclaration d'amitié. Je ne peux m'empêcher de relever une expression qui m'a profondément émue : « C'est qu'il y a, me dis-je, dans l'amitié véritable, une petite parcelle de l'amour absolu. »
Apprendre à comprendre l'autre dans toute sa complexité, pour l'aimer davantage. Je crois qu'il y a de ça. Apprendre à lui laisser la liberté de s'emparer de sa vie comme il l'entend. de façon plus générale, cela m'a beaucoup fait réfléchir.
J'ai aussi particulièrement apprécié le fait que l'auteur se questionne sur sa raison d'écrire ce roman (un peu dans la même veine que «
Ne t'arrête pas de courir » de
Mathieu Palain). S'atteler à retranscrire une histoire sans l'édulcorer, essayer de comprendre, raconter vrai, quel exercice périlleux. Et pourtant, l'auteur l'a relevé avec brio.
J'ai aimé la démarche, j'aime ce qu'il en ressort. Je me suis mise à la place de Solal. Comme l'auteur, je me suis demandée où se situait la frontière entre les "malades" et les autres. Moi qui me sens si différente de Solal, j'ai pourtant constaté de nombreux parallèles avec ma propre vie, notamment ces moments où je me décevais moi-même. Je me suis surprise à parfois envier Solal, de vivre sa vie si intensément, se permettant de suivre ses pulsions sans se soucier du regard des autres et sans retenue.
Enfin, je me suis posé la question du choix du titre. «
Solal ou la chute des corps » (que j'adore). J'imagine qu'il fait référence à deux choses. Au moment où Solal prend conscience de sa condition de mortel, après une chute d'un balcon tout d'abord : « Depuis l'accident, sa condition éphémère et fragile ne le quitte plus. Est-il parti pour fuir cette idée ? Il me semble plutôt qu'il apprend à vivre avec. » Au côté héréditaire et inéluctable de la maladie ensuite, sachant que l'oncle de Solal a aussi chuté quelques années auparavant dans l'océan (même si on ignore les circonstances). C'est mon interprétation du titre, mais je serais curieuse d'avoir celle de l'auteur.
Malgré la difficulté que j'ai eu à le lire, je recommande évidemment ce roman, qui me semble apporter une lumière bénéfique sur ce que peut être la bipolarité.