Citations sur Autour de la lune (51)
Alors, ami Barbicane, s'ils sont aussi forts que nous, et même plus forts, ces Sélénites, pourquoi n'ont-ils pas tenté de communiquer avec la Terre ? Pourquoi n'ont-ils pas lancé un projectile lunaire jusqu'aux régions terrestres ?
- Qui te dit qu'ils ne l'ont pas fait ? répondit sérieusement Barbicane.
Mon ami, dit Barbicane, si la Lune est habitée, ses habitants ont apparu quelques milliers d'années avant ceux de la Terre, car on ne peut douter que cet astre ne soit plus vieux que le nôtre. Si donc les Sélénites existent depuis des centaines de mille ans, si leur cerveau est organisé comme le cerveau humain, ils ont inventé tout ce que nous avons inventé déjà, et même ce que nous inventerons dans la suite des siècles. Ils n'auront rien à apprendre de nous et nous aurons tout à apprendre d'eux.
Une embarcation accosta, celle de J.-T Maston. J.-T Maston se précipita à la vitre brisée...
En ce moment, on entendit une voix joyeuse et claire, la voix de Michel Ardan qui s'écriait avec l'accent de la victoire :
"Blanc partout Barbicane, blanc partout !"
Barbicane, Michel Ardan et Nicholl jouaient aux dominos.
Un joli pays ! dit Michel. N'importe ! Je voudrais déjà y être ! Hein ! mes chers camarades, sera-ce assez curieux d'avoir la Terre pour Lune, de la voir se lever à l'horizon, d'y reconnaître la configuration de ses continents, de se dire : là est l'Amérique, là est l'Europe ; puis de la suivre lorsqu'elle va se perdre dans les rayons du Soleil !
Ou l'attraction de la Lune finirait par l'emporter, et les voyageurs atteindraient leur but; ou le projectile, maintenu dans une orbe immutable, graviterait autour du disque lunaire jusqu'à la fin des siècles.
La Lune a-t-elle été habitée ? » demanda-t-il.
La réponse fut affirmative, à l’unanimité.
D'ou provenait la cause de cette ivresse singulière...?
Ardan redressa le capitaine, l'accota contre un divan, et le frictionna vigoureusement. Ce massage, intelligemment pratiqué, ranima Nicholl, qui ouvrit les yeux, recouvra instantanément son sang-froid, saisit la main d'Ardan. Puis, regardant autour de lui :
« Et Barbicane ? demanda-t-il.
Que s'était-il passé ? Quel effet avait produit cette effroyable secousse ? L'ingéniosité des constructeurs du projectile avait-elle obtenu un résultat heureux ? Le choc s'était-il amorti, grâce aux ressorts, aux quatre tampons, aux coussins d'eau, aux cloisons brisantes ? Avait-on dompté l'effrayante poussée de cette vitesse initiale de onze mille mètres qui eût suffi à traverser Paris ou New York en une seconde ? C'est évidemment la question que se posaient les mille témoins de cette scène émouvante. Ils oubliaient le but du voyage pour ne songer qu'aux voyageurs ! Et si quelqu'un d'entre eux -- J.-T. Maston, par exemple --, eût pu jeter un regard à l'intérieur du projectile, qu'aurait-il vu ?
Trois couchettes, épaisses et solidement conditionnées, avaient été placées dans le projectile. Nicholl et Barbicane les disposèrent au centre du disque qui formait le plancher mobile. Là devaient s'étendre les trois voyageurs, quelques moments avant le départ.