Remarqué en 2019 avec son roman jeunesse
L'Estrange Malaventure de Mirella, la française
Flore Vesco décroche le prix du Vendredi et le prix Imaginales pour cette relecture du Joueur de flûte de Hamelin.
Toujours chez L'école des loisirs, elle récidive avec
D'Or et d'Oreillers qui, cette fois, s'appuie sur le conte du danois
Hans Christian Andersen écrit en 1835 et qui s'intitule
La Princesse au petit pois.
L'histoire, nous le connaissons tous, raconte comment un prince et sa reine de mère vont choisir une jeune fille échouée un soir d'orage dans leur demeure. La méthode ? Une pile de vingt matelas et un petit pois qui va sérieusement perturber le sommeil de la prétendante. C'est certain, seule une « vraie princesse » peut se montrer aussi délicate et le prince épouse donc la belle
Moralité : ne vous fiez pas aux apparences (et mangez cinq fruits e légumes par jour !).
Que vient donc apporter
Flore Vesco à cette histoire archi-connue ?
Tout d'abord, sa plume magnifique qui sait jouer avec les mots comme un joueur de flûtes sait embobiner les rats. Maniant la langue française avec une souplesse rare,
Flore Vesco s'amuse, créant des palindromes et des anacycliques, donne des titres très imagés à chaque chapitre autour du corps, insuffle la vie dans des expressions populaires pour en user littéralement.
Dans D'Ors et d'Oreillers, la magie permet de « jeter un oeil », de pouvoir affirmer que « c'est mon petit doigt qui me l'a dit » ou que l'on a « donné sa langue au chat ».
Car
Flore Vesco s'amuse à déstructurer ses protagonistes, à pénétrer dans les corps et dans la chair pour en extirper des sentiments à fleur de peau.
Son récit commence d'ailleurs comme le conte original avec un beau prince, Lord Handerson (clin d'oeil évident à l'auteur original), et une famille de trois soeurs célibataires en manque de mari : la famille Watkins. Par une nuit d'orage, voici les trois soeurs à Blenkinsop Castle pour affronter l'étrange épreuve du Lord : dormir sur une pile de matelas chacune leur tour.
Seulement voilà, une autre prétendante s'invite sans le savoir dans le domaine du riche héritier : Sadima, la dame de compagnie (et de ménage) des trois soeurs.
Flore Vesco va donc prendre au pied de la lettre la morale de l'histoire originale en montrant que Sadima, la pauvresse qui ne devrait pouvoir que rêver à la vie de princesse, va se révéler bien plus digne que les filles de bonne famille naturellement destinées à ce genre de choses.
À moins que ce ne soit le Prince lui-même qui finissent par abdiquer pour la belle Sadima…
Flore Vesco s'amuse donc à entretenir le mystère qui règne entre les murs de Blenkinsop Castle. La magie devient à la fois un moteur de l'intrigue, un privilège et un secours. La demeure du prince prend vie petit à petit sous la plume de l'autrice qui, au diapason de son exercice lexical, joue avec la chair, les parties, les métaphores, les sensations. Lové au coeur de cette histoire surnaturelle, un message féministe sur la place de la femme, qu'elle soit riche et enfermée dans une cage dorée ou pauvre et mise à l'écart de la société. La chose est habile, maligne et fichtrement bien vu pour un conte au départ pensé et axé sur le désir de l'homme. C'est aussi le poids de l'influence maternelle et des conventions que vont affronter Sadima et Handerson, brisant les tabous de classes et de morale.
Malheureusement, D'Ors et d'Oreillers, s'il impressionne par sa façon de réinventer les personnages et l'intrigue, ne sort jamais d'un schéma narratif archi-classique de conte qui laisse une sensation d'ennui diffus une fois que l'on découvre le fin mot de l'affaire. Viendra ensuite l'inévitable romance (avec de longues séquences érotico-niaise sauvées par la plume impeccable de la française) puis l'épreuve, la confrontation finale et l'happy-end.
Flore Vesco se laisse piéger par la structure, elle qui prend pourtant un malin plaisir à démonter les concepts et les personnages. Nous sommes loin de l'onirisme contemplatif d'un Moi, Peter Pan ou du jusqu'au boutisme nihiliste du Puits.
Qu'à cela ne tienne, le roman de
Flore Vesco reste en grande partie un vrai plaisir de lecture et une relecture enthousiasmante d'un conte qui avait bien besoin d'un dépoussiérage en règle.
Malgré une structure narrative prévisible dans son enchaînement et qui tire parfois à la ligne pour laisser les amoureux s'explorer l'un l'autre, D'Ors et d'Oreillers s'affirme comme une relecture intelligente et remarquablement bien écrite du conte traditionnel de
la princesse au petit pois, le message féministe et social en prime.
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