Une île lointaine

Nouvelle rencontre avec Lele Vianello qui fut un des assistants de Hugo Pratt. Cette filiation se retrouve dans son trait, ses traits mais aussi ses scénarios.

Lele Vianello nous propose l'histoire du capitaine Drake, marin qui va être pris dans un imbroglio qui le conduira en prison et il subira un jugement. On reprend les ingrédients qui fonctionnent bien : un méchant qui va vouloir se venger à tout prix, une belle traîtresse qui préférera protéger ses intérêts plutôt que d'aider son ami et amant, des sauvages anthropophages...

Le capitaine Drake sera emprisonné, exilé vers une île lointaine. mais il va s'évader et vivre comme un Robinson sur une île pas si déserte que cela.

Les puristes trouveront le scénario un léger. Certes mais il nous replonge dans l'univers d'Hugo Pratt et de Corto Maltèse car le Capitaine Drake ne peut cacher la filiation : même visage, même posture, même casquette, même volonté devant les difficultés.

Les amoureux de Pratt retrouveront la profondeurs des dessins à l'encre noire, les décors des tropiques vus dans certaines aventures de Corto. le scénario est simple, il s'appuie sur des valeurs simples comme l'amitié ou le fait de chercher à payer sa dette. Les sauvages sont magnifiquement dessinés et Lele Vianello arrive à créer une atmosphère inquiétante.

J'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir des éléments chers à Hugo Pratt. Lélé Vianello et son ami Fuga auraient pu prendre la suite du ma^tre mais cela n'a pas été le cas. Dommage car nous aurions sûrement eu une suite plus fidèle à l'oeuvre initiale dans dans le graphisme que dans les scénarii.

Lele Vianello est un auteur à découvrir. Si vous le rencontrez sur un salon BD, prenez le temps d'une dédicacer : Lele vous fera une aquarelle unique et magique. Vous l'aurez compris, j'ai un petit faible pour ce vieux monsieur et ses histoires.

Lele Vianello fut l'un des assistants d'Hugo Pratt. La manière avec laquelle il écrit le scénario et les personnages ainsi qu'avec laquelle il dessine sont donc très proches de la façon de faire du maître. C'est d'ailleurs Vianello qui aurait dû, en toute logique, reprendre le personnage de Corto Maltese, et non le duo Juan Díaz Canales et Ruben Pellejero, parachutés semble-t-il uniquement pour des raisons pécuniaires... Mais revenons à Vianello.

Je ne connais l'existence du bonhomme que depuis peu, en étant tombé par hasard en librairie sur ce que je pensais être un inédit de Pratt, « le Fanfaron », tant la ressemblance graphique était trompeuse. En regardant bien, nulle trace du nom de Pratt sur la couverture, à la place celui de Vianello, donc, et j'ai dû me rendre à l'évidence : il y avait bien quelqu'un capable de dessiner comme Pratt.

On trouve peu d'informations à propose de Vianello sur internet, et je n'ai hélas pas les compétences pour lire sa fiche Wikipédia existant seulement en italien. Difficile de savoir si les albums édités (avec soin) chez Mosquito sont des rééditions ou des éditions originales. Difficile donc de savoir quand ont réellement été créées ses oeuvres.

Je suis donc tombé récemment sur la dernière BD de Vianello publiée chez Mosquito : « Une Île lointaine », publiée en janvier 2019, sans trop savoir s'il s'agit d'un tout nouvel album ou d'une réédition. A voir les quelques maladresses du trait, je dirais toutefois qu'il s'agit d'un nouvel album. Vianello n'étant plus tout jeune, on peut comprendre que son coup de crayon soit parfois hésitant.

Pour autant, je ne voudrais pas laisser l'impression que cette BD est mauvaise, c'est d'ailleurs tout le contraire, on ressent l'ambiance des albums de Pratt, avec ce héros, lointain cousin de Corto, ici nommé Julian Drake. Un marin roublard cherchant à se sortir d'une mauvaise passe. On retrouve ce mélange de gravité et de légèreté, cette ironie, cette nonchalance, le tout dans un univers exotique, parmi les îles du Pacifique.

Bien sûr, ce n'est pas aussi bon que les meilleures oeuvres du maestro, mais pour ce qui semble être plutôt une oeuvre « sur le tard » de Vianello, nous avons affaire ici à une BD accomplie. Malgré les grandes cases typiquement « prattiennes » qui font que les 60 pages se lisent rapidement, Vianello sait ménager un rythme à son histoire, avec un début, un milieu et une fin, cette dernière arrivant de façon harmonieuse, sans être trop abrupte.

Et quel plaisir de revivre un instant cette atmosphère si particulière, ce goût pour l'aventure dans des contrées reculées, avec notre héros malicieux. Et puis le fin mot de l'histoire vient donner un peu de panache, et révèle chez Vianello un goût pour l'humanisme digne du Pratt des grands soirs.

Pour tous les orphelins de Pratt, c'est donc vers l'oeuvre de Vianello que je vous invite à vous tourner, si vous souhaitez revivre les grands moments du maître, agrémentés de la sensibilité propre à son digne successeur.
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