J'aimais l'odeur des hommes à la naissance du cou.
J'ai besoin de Marc et il n'est plus là. Qu'on me laisse avec mes rêves si je ne sais pas vivre autrement. J'ai besoin d'être seule pour retrouver le sourire de Marc.
Je m'en souviens, comme si c'était demain, je m'en souviens pour l'éternité.
[...]
Ses mains m'effleurent, m'explorent, ses mains s'emparent de mon souffle et je le supplie : laisse-moi te refuser quelque chose.
Je n’ai jamais su me protéger, ça doit être une case qui me manque, dans l’hémisphère Nord du cerveau, ou un problème de connexion, il faut que je m’en occupe ; en attendant j’avance à découvert et je sais sourire en toutes circonstances.
Qu'on me laisse avec mes rêves si je ne sais pas vivre autrement.
Au-delà des mots, quelque chose parfois nous propulse vers la solitude de l'autre, vers son désespoir, son impuissance ou sa colère, cela même qui ne se partage pas et que l'on croit pourtant reconnaitre.
Apprendre à dire non est un travail de plusieurs années, apprendre à dire non plusieurs fois de suite relève de la compétition.
La soirée s'étire, j'aime cette fatigue quand elle s'empare des corps, rendus à leur fragilité, les bouteilles vides et les visages blêmes sous la lumière crue du néon de cuisine, j'aime ces conversations désordonnées, au-dessus des sacs-poubelles, l'odeur âcre des cendriers, les traces noires sous les yeux, pour toutes ces larmes qu'on ne sera jamais verser. Ce sont toujours les mêmes qui restent, ceux qui ne savent pas partir, je suis toujours la dernière parmi les derniers.
Je suis un hérisson éventré sur le bas-côté de la nationale.
Je préfèrerais être chez moi, comme avant, quand j'attendais Marc. Dans la pénombre. Ici les fenêtres n'ont pas de rideaux. Dans votre bureau la lumière s'étale sur le sol comme une flaque blanche et lorsque je demande qu'on baisse le store vous me répondez qu'on ne peut pas vivre comme ça, dans l'obscurité. Il faut de la lumière, dites-vous, pour y voir clair. Moi je voudrais mettre mes mains sur mes yeux, sur mes oreilles aussi, et ne plus rien voir ne plus rien entendre de ce qui vient du dehors, je voudrais rester au-dedans de moi-même, qu'on me laisse dans le souvenir de Marc, qu'on me laisse garder Marc pour moi toute seule, qu'on me laisse avec ce cri au fond de la gorge, et tant pis si j'étouffe. A quoi bon dire et redire, à quoi bon chercher dans le souvenir des raisons d'en être arrivée là, car il vous faut des circonstances, mais je n'ai pas besoin d'excuses ni de pardon, j'ai besoin de Marc et il n'est plus là. Qu'on me laisse avec mes rêves si je ne sais pas vivre autrement. J'ai besoin d'être seule pour retrouver le sourire de Marc.