« Ma mère était infinie, ma mère était le présent » .
« Mon père était un artiste . Il avait du style. »
« le passé est porteur de joie. le passé est un ouragan » .
Trois courts extraits de cet autoportrait brut sans fard, ni tabou, pétri d'humour et d'ironie d'un écrivain confronté à la douleur de la disparition de ses parents : véritable LETTRE D'AMOUR .
Un ouvrage difficile d'accès quelque part : un chaos narratif marquant pour le lecteur obligé de se concentrer, chaos aux souvenirs multiples , ravivés par une tendresse intense doublée d'une terrible culpabilité d'avoir fait incinérer son père le 19 décembre 2005.
« À la mort de mes parents ,ma mémoire est devenue un fantôme irritable , effrayé , enragé » .
L'auteur a hérité de quelques rares photos jaunies de ses défunts parents.
Souvenirs anciens , enchanteurs de l'eau de Cologne de sa mère , « Une femme drame » , des volutes formées en coeur par les cigarettes de ses géniteurs , des originaux pour l'époque , ils n'allaient jamais à la messe ….ce qui ne convenait guère , il faut l'avouer , en Espagne dans les années 60 et 70.
Souvenir ému de la Siat 600 : «Motif d'espoir athée et matériel » , des costumes de représentant de son père , de la silhouette paternelle au cours de l'été 69 :
Ordesa,
Ordesa, la couleur jaune , d'une vallée des Pyrénées où l'auteur passait enfant , ses vacances .
En 2015 , assailli par la nostalgie ,la culpabilité l'auteur décide de passer un scanner cérébral, et sans résultats , tout était normal, entame donc la rédaction de ces pages ,magnifiques , tantôt désespérées, tantôt amères , impudiques parfois, déchirantes , prenant aux tripes , incroyablement poétiques , une magie de mots qui peuvent désarmer , bien sûr .
« Puisque j'ai fait brûler le corps de mon père, je n'ai pas d'endroit où le retrouver , si bien que j'en ai inventé un ; l'écran de cet ordinateur » .
De réminiscences en odeurs différentes , multiples contextes , de notes , de degrés , de sensations nombreuses, le lecteur remonte le temps jusqu'aux années 60 , de l'Espagne franquiste à la monarchie actuelle , partage le vécu d'une famille de « classe moyenne basse » profondément marquée par la guerre civile , tentant bien sûr d'aspirer à un confort évident , souvent oubliée par la prospérité .
Une Espagne cachée , enfouie ,à l'image de la vie de ses parents que l'auteur convoque au fil des pages , comme un tout petit enfant lâcherait la main des êtres qui l'ont vraiment aimé !
Cri de détresse. , archives encombrées de la mémoire ou des mémoires d'un homme assailli par ses souvenirs , ses regrets , son passé, ses perceptions sincères .
Cet ouvrage trouble , désarme par sa dignité , sa vérité , sa profondeur à l'aide d'une prose débridée , un chaos narratif , une langue acide mêlant colère , amour , intime et universel à travers le destin de toute une génération sacrifiée .
Un livre « LETTRE D'AMOUR » , archives , mémoire, lumineux , foisonnant , riche , très complexe bouleversant , touchant par sa vérité ,et sa détresse , à la beauté mélancolique .
Assez difficile à lire mais passionnant de bout en bout ….