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Pavel Vilikovsky (Autre)Vivien Cosculluela (Traducteur)
EAN : 9782889560462
192 pages
Editions de l'Aire (12/02/2019)
4/5   2 notes
Résumé :
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C'est une des dernières oeuvres de Pavel V.ilikovsky., parue en 2014

Neige d'été est le titre français. C'est joli ; le titre slovaque est neige fugace ou éphémère. Titre énigmatique dans les deux langues. Dans la traduction de Vivien Cosculluela aux éditions de l'Aire à Vevey.

La forme est originale, comme toujours chez cet auteur qui innove dans ses différents récits. Dans Vert et florissant par exemple, la narration était accompagnée d'un intertexte plus ou moins cocasse, en tout cas décalé, tel le Traité sur l'équitation de Xénophon . Ici le texte est découpé en sections désignées par des lettres et des numéros. On va de 1 à 5 et chacun de ces numéros correspond à des thèmes qu'on pourrait qualifier peut-être de « moments », dans un esprit lefebvrien, En effet ces thèmes, inégalement développés suivent un fil, un fil de vie, de critique de la vie quotidienne, associant une réflexion généraliste et une expérience pratique, (bien que l'horizon marxiste me semble bien lointain). le lecteur est invité à dégager et à nommer au fur et à mesure, l'identité de chacun de ces fils, dont l'un est par exemple qu'est-ce que l'identité? Il n'est pas question de se laisser simplement porter par l'histoire. La lecture est ici nécessairement une cocréation.
Comme dans une recherche personnelle, quelques individualités se détachent, fidèles accompagnatrices du narrateur – le frère, (faux) jumeau est un linguiste qui, appliquant à chaque chose son esprit scientifique, a tôt fait de tout mettre dans de petites cases, la mère associée à des expériences à jamais énigmatiques, un ancien condisciple un peu filou qui prône à présent le salut par le bouddhisme, et surtout la femme du narrateur qui elle, a une histoire, celle de sa progressive dégénérescence cérébrale.
En fait, c'est à une décomposition, un effilochement que nous assistons au cours du récit : le narrateur est englouti dans la perte des repères de sa femme qui remet en question sa propre mémoire, et par là son identité.
Ce livre sans histoire est une représentation de la vie même au moment où elle se décompose entre analyses, réflexions et pertes. le thème de la mort s'impose bientôt, équitablement réparti entre les différents numéros. Un des fils du récit lui est plus explicitement consacré, celui de l'avalanche, le glissement d'une masse neigeuse qui ensevelit tout sur son passage. Tout – c'est les personnes, mais aussi les peuples, les petits peuples tels les Indiens dont le frère a étudié la langue (et les Slovaques menacés de disparition).

Finalement, au fil de la lecture, tout en se rattachant aux thématiques proposées dans ces « moments », on ressent une tension « structurante » entre le désir de structure, la reconstruction du vécu réparti dans de petites cases désignées par des lettres et des numéros, comme l'aurait fait le frère (peut-être un alter ego) et la force de l'avalanche destructrice, du mouvement qui emporte tout sur son passage .

Il est de plus en plus certain que le cloisonnement de la réalité ne tient pas, ne résiste pas à l'épreuve de la vie. A propos de la disparition des tickets de quai dans les gares, l'auteur donne sa définition de l'amour : l'amour, c'est quand quelqu'un s'en va et que l'on a le sentiment de vouloir lui dire quelque chose. On sent que c'est quelque chose d'important et d'urgent, même si ça n'en a pas l'air, mais on n'arrive vraiment pas à se souvenir de ce que c'est…cela ne nous dérange pas d'aller à la caisse et de sacrifier soixante centimes pour acheter un ticket de quai…Quelqu'un pourrait penser que mesurer ou comparer l'amour avec un ticket de quai revient à déconsidérer un sentiment noble. ….Mais le ticket est l'expression symbolique de notre incapacité désespérée à dire et de notre espoir d'y arriver cependant, même si le temps vient à manquer et que nous sentons d'ores et déjà que nous n'y arriverons pas. Cette douleur douce-amère, c'est d'après moi ça, l'amour, mais je ne veux cependant imposer ma vue à personne. Si l'amour est si en vogue, c'est parce que chacun peut s'imaginer sous ce terme ce qu'il souhaite. . C'était le numéro 2j, plutôt centré sur l'identité, mais on y distingue sans difficulté le thème du départ, de l'éloignement, de la perte, de l'échec, mais aussi celui du sentiment amoureux, autre thème de ce récit.

Incapacité désespérée à dire, mais espoir d'y arriver cependant : c'est une définition modeste et désabusée du rôle de l'écrivain. La synthèse pourrait-on dire de l'identité, qui passe par une nomination et du naufrage de ces notions. Pas plus que l'âme, le caractère, la personnalité ou l'identité, l'amour ne peut faire l'objet d'une définition, mais c'est le langage qui fait débat. Si l'amour est en faveur, c'est que chacun peut s'imaginer sous ce terme tout ce qu'il souhaite.

Une oeuvre littéraire slovaque ne fait généralement pas l'impasse sur la spécificité centreuropéenne de cette question de l'identité. Madame Kral est-elle vraiment Madame König ? le narrateur fait évidemment allusion au fait que les citoyens de la Tchécoslovaquie ont dû /ou parfois préféré /changer de nom (comme un Mohammed chez nous qui deviendrait Kevin pour plaire aux identitaires). le frère a aussi un grand-père qui a eu un nom hongrois, un nom slovaque, ainsi qu'un diminutif hongrois. Son identité en était-elle affectée ?

L'intellectualisme de ce propos pourrait faire penser au genre de l'essai philosophique. Ce n'est pas affaiblir la valeur d'un texte littéraire que d'y voir une expérimentation et une réflexion qu'on chercherait plutôt dans les essais. le narrateur de ce livre est cependant aussi un poète dont son frère se moque, car il est pourvu de la sensibilité de celui qui entend l'herbe pousser . C'est lui qui peut entendre aussi, grâce à la finesse de son ouïe la première plaque de neige se détacher.
….Actuellement, une avalanche se dirige vers nous.
Dieu ne fait plus partie de l'équation. Un skieur indiscipliné avait fait du hors piste quelque part ou un alpiniste sans foi avait grimpé à des hauteurs où il n'y avait peut-être même plus de neige, mais des plumes dont les anges s'étaient débarrassées à l'automne pour que de nouvelles puissent ensuite leur pousser, des plumes d'hiver, plus épaisses. Peut-être que ce n'est pas une avalanche de neige qui déboule sur nous, mais une avalanche de plumes, dis-je à Stéphan. On ne la voit pas encore et…lorsqu'elle s'écrasera sur nous nous ne la reconnaîtrons pas comme étant une punition divine. La majorité des humains votera juste démocratiquement pour la désigner comme une catastrophe naturelle.

C'était le fragment 3c. Tant qu'il y a des anges, on peut croire que les choses ont un sens.
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