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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce petit livre me permet d'appréhender Voltaire quand il enfile un nouveau costume assez tard dans sa vie, celui de redresseur de torts.

Deux affaires sont traitées. Tout d'abord l'affaire Lally. Lieutenant général des comptoirs de l'Inde pendant la guerre de Sept Ans, il dut capituler face aux Anglais. S'étant fait de nombreux ennemis à Pondichéry, il fut accusé de nombreux forfaits. Bien qu'à l'abri en Angleterre, Lally décida de venir se défendre en France. Il fut embastillé, condamné et décapité.
Pire est le cas du chevalier de la Barre. Accusé avec deux de ses amis de n'avoir pas salué une procession et d'avoir profané une statue du Christ à Abbeville, il fut supplicié, condamné, décapité et son corps jeté au bûcher (avec un exemplaire du Dictionnaire Philosophique de Voltaire pour que les flammes soient plus belles).

Voltaire entend parler de ces affaires et se démène par lettres et essais interposés pour démonter l'instruction à charge et obtenir la réhabilitation de ces hommes.

Si je n'écoutais que la douce voix du Cartésien toujours à l'affut en moi, je penserais qu'il n'est pas possible de juger cette affaire car nous n'en entendons qu'un son de cloche, celui de la Défense. Cependant je vais me laisser aller à la partialité et m'insurger comme Voltaire sur les méthodes iniques de l'accusation.

Il est clair que Lally sert avant tout de bouc émissaire pour la perte des Indes. Il faut un coupable. le lieutenant général, largement détesté à Pondichéry, en est un idéal.
Le cas de la Barre est encore plus révoltant. Non seulement l'un de ses ennemis se trouve parmi ses juges, mais encore l'accusation, s'appuyant sur les méthodes éprouvées du tribunal ecclésiastique, aligne les arguments qui feraient rire de nos jours mais qui à l'époque conduisaient à la mort. Les monitoires amènent des individus peu crédibles à venir déposer des rumeurs (« le sieur Alinet dépose avoir ouï dire qu'un nommé Bauvalet avait dit que le sieur d'Étallonde avait dit qu'il avait trouvé… »). La condamnation à avoir la langue tranchée, être pendu puis jeté au feu, est hors de proportion avec le sujet d'accusation : ne pas avoir salué une procession. Voltaire le répète, en aucun endroit sur Terre, en Russie ou chez les Algonquins, on ne condamne aussi durement alors que la condamnation n'est obtenue que par quelques voix d'avance sur l'acquittement.

C'est une désagréable surprise pour moi, qui ne connaît pas très bien ce 18ème siècle, de constater combien l'arbitraire religieux a encore de pouvoir. Mais c'est aussi la confirmation que les Lumières sont bien allumées. Par son action quasi-journalistique et sa ténacité, Voltaire refuse cet arbitraire, le combat, et gagne au final la réhabilitation posthume des condamnés. Il nous montre la voie : il ne faut pas faire une confiance aveugle à la justice d'état, surtout lorsqu'elle est dirigée par la religion. Il faut la contrebalancer par un autre pouvoir, celui de la presse par exemple.
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Après l'affaire Calas, Voltaire doit encore affûter sa plume pour combattre l'intolérance, pour un procès qui, indirectement, le concernait. le chevalier de la Barre qui fut supplicié à l'âge de dix-neuf ans pour ne pas avoir salué une procession possédait, en effet, un exemplaire du "Dictionnaire philosophique".
Voltaire use, dans cette affaire, d'un argument qui pourrait intéresser particulièrement les juristes sarkosistes qui s'acharnent à vouloir mettre sur un même plan les auteurs de délits, qu'ils soient de jeunes pré-adolescents impubères ou de vieux bougres cinquantenaires endurcis. Car pour le jeune chevalier, les juges ne tinrent aucun compte de l'âge de l'accusé.
Bien d'autres arguments nourrissent ce pamphlet contre une justice expéditive, partisane et intolérante. Une bonne lecture pour nous rappeler ce qui a pu changer en bien dans nos systèmes judiciaire et politique, mais aussi dans ce qui n'a pas changé, plus de deux-cents ans plus tard : le plaisir de nuire, l'abus de pouvoir, l'intolérance, l'absurdité, la vanité…
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quand la vindicte populaire l'emporte sur la raison
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Thomas-Arthur de Lally, décapité pour avoir capitulé à Pondichéry face aux troupes anglaises pendant la Guerre de Sept Ans ; le jeune chevalier de la Barre, torturé et décapité pour avoir omis de saluer une procession religieuse : deux jugements rendus ou confirmés par le Parlement de Paris en 1766. Louis XV refusera d'accorder sa grâce au chevalier et confirmera une sentence presque aussi sévère que celle qui fut réservée à Robert-François Damien qui tenta d'assassiner le roi moins de dix ans auparavant.
Voltaire dénonce dans les lettres ici rassemblées l'arbitraire de la justice, accomplie par des magistrats qui ont acheté des charges pour lesquelles ils n'ont aucune compétence, et la persistance des superstitions religieuses en cette fin du 18ème siècle. Ces affaires révèlent également les querelles qui divisent le royaume de France, au sein du clergé (entre jésuites et jansénistes), entre le roi et le Parlement de Paris.
Parmi les arguments que Voltaire avance pour dénoncer l'absurdité de la condamnation du chevalier de la Barre, il rappelle que Montesquieu, président à mortier du Parlement de Bordeaux, put se moquer dans ses Lettres persanes (1721) du pape, de la Trinité et de l'Eucharistie sans être inquiété ; et que le chevalier de la Barre ne provoqua aucun trouble à l'ordre public.
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Grande fan de l'écriture De Voltaire, je ne pouvais pas passer à côté de ce court recueil de textes polémiques, acheté au Château de Ferney-Voltaire en février 2023. On retrouve dans les affaires défendues ici, (Lieutenant Lally et Chevalier de la Barre) toute la verve, la précision et la finesse De Voltaire dernière manière, quand il se recueillait à Ferney (à 100 mètres de la Suisse en cas de départ précipité...) pour compulser les cas de justice et partir défendre (souvent de manière posthume) les condamnés injustement. Les deux affaires sont très différentes : Lally parle d'un lieutenant jugé en cour martiale pour abandon et retraite face aux Anglais, quand La Barre était un jeune noble qui aurait blasphémé au passage d'une procession et qui fut torturé odieusement. Mais on retrouve dans les deux cas le talent du philosophe, qui au fil des correspondances dénoue l'écheveau embrouillé des affaires. Tandis qu'en sous-texte se lit sa fébrilité et la conviction d'être en avance sur son temps ("comment peut-on en être encore là ?" croit-on lire toutes les deux lignes.) Une petite lecture facile pour découvrir ce pan de l'homme Voltaire.
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