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sur 99 notes
Javier Mallarino est un caricaturiste politique colombien célébre, dont l'humour féroce et le trait dévastateur, entier, font et défont les réputations, peuvent faire tomber des maires, des députés véreux, des magistrats, des narco trafiquants, encensé par les uns, détesté par les autres. Depuis les années 80, ses dessins paraissent au centre de la premiére page de la rubrique" Opinion": la caricature, " un aiguillon enrobé de miel."il inspire une sorte de crainte révérencielle aux journalistes. Il est animé par un désir de contestation qu'il exprime à l'encre de Chine. Les grands caricaturistes sont là dit- il " pour déranger, incommoder, être insultés". Talentueux et intransigeant , il ne supporte aucune forme de censure , se méfie des mondanités, vit séparé de sa femme dans les collines de Bogota. le matin, il lit toute la presse, l'après - midi, il envoie son dessin qui aura plus d'impact qu'un éditorial......
Mais le voilà qui s'apprête à être célébré dans la grande salle du théâtre Colon de Bogota à 65 ans, aprés 40 ans de labeur...lui, qui a été jadis menacé, " l'oubli est la seule réalité démocratique en Colombie" pense t- il, il accepte d'être interviewé par une certaine Samantha Leal. Il va vite comprendre que cette jeune femme est venue ici 28 ans plus tôt et il se souviendra alors qu'un député s'était jeté par la fenêtre....
Là, il doit confronter son passé, l'histoire de son pays et son intimité....un douloureux examen de conscience à propos de cette vieille histoire qui refait surface...la frontière entre vie publique et vie privée...
N'aurait t- il pas abusé en toute impunité de son pouvoir médiatique?
Réputé incorruptible, infaillible a t- il fauté?
Il ramène le passé à lui, cela l'oblige à se remettre totalement en question, il devra réfléchir à son métier et à la portée de sa propre réputation .
Mérite t- il vraiment les hommages qu'on lui rend?
Sur quoi au juste repose "sa réputation"?
Est - il coupable d'avoir détruit la vie d'un homme? Mis à part certains doutes et incertitudes, ce qui était publié dans la presse n'était - il pas avéré?
Une page de journal n'était- elle pas la preuve suprême de la réalité d'un fait?
Cet ouvrage impressionne par la force et la qualité des questions qu'il pose, une valse entre l'oubli et l'incapacité de se souvenir, la puissance de la mémoire mais aussi l'usure de faits lâches et honteux qui n'auraient pas su perdurer ou occuper une place dans l'histoire des hommes? Les distorsions ou plutôt les interférences, l'insatisfaction et la tristesse de ne pouvoir partager la mémoire d'autrui....le regret et la culpabilité....le pouvoir exorbitant des médias et ses conséquences imprévisibles....dévastatrices ....surprenantes ....qui aménent le héros à reconsidérer fondamentalement sa place dans la société. C'est aussi le portrait d'un homme, la mémoire et l'oubli qui font et défont l'individu et la collectivité, le décorticage de la mécanique de la réputation et l'exploration du passé ....si douloureux soit - il...

Un roman d'actualité?
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Après "une rétrospective" que j'ai trouvé non seulement intéressant, instructif mais aussi poignant, je me suis lancée dans "les réputations" avec confiance.
Hé oui, ;-) la réputation de Juan Gabriel Vasquez ... ;-)
Contrairement à "une rétrospective", ici, le personnage central est un homme fictif mais
Javier Mallarino, caricaturiste politique colombien se retrouve sans aucun doute dans nombre de caricaturistes.
Les questionnements sur la mémoire, l'oubli et la réputation sont remarquablement bien amenés. Ce sont des sujets qui ne peuvent laisser indifférents et qui plus est sont traités avec intelligence et une plume sensible et délicate.
Le travail de Isabelle Gugnon la traductrice, est de fait à louer également.
Ce roman fait tristement écho à bon nombre de situations que l'on a pu lire ou voir à travers nos médias.
C'est un roman intelligent que j'ai lu avec beaucoup de plaisir. Même.si la traductrice est excellente, je regrette de ne pas être capable d3 lire ce roman dans sa version originale !!!
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De Juan Gabriel Vasquez, on en était resté à un roman remarquable : le bruit des choses qui tombent. Son successeur : Les réputations, s'il est en peu en-deçà, reste tout de même un excellent livre qui reprend les thèmes favoris de l'auteur colombien : la mémoire, l'oubli et la responsabilité de nos actes. Son héros, caricaturiste de son état, a bâti sa notoriété sur son acuité de la perception de la vie politique de son pays et son insolence provocatrice. On le sait, un bon dessin vaut largement plus qu'un éditorial et à l'heure où on le célèbre notre homme ne se doute pas qu'une histoire dont il ne se souvient même plus va remettre en cause toutes ses certitudes. Lui qui a fait et défait des réputations s'aperçoit, un peu tard, qu'il s'est peut-être trompé, qu'il n'a passé sa vie qu'à s'ériger en juge, sans tenir des dommages collatéraux. Comme toujours, l'élégance du style de Vasquez fait merveille. Dans Les réputations, il ne laisse aucun répit à son personnage principal, le précipitant de la cime vers l'abîme avec une précision qui s'apparente à de le cruauté. Mais ce faisant, il élargit le spectre et s'adresse à chacun d'entre nous. Qu'avons nous fait de nos vies ? N'avons pas, nous aussi, même en toute bonne foi, blessé ou davantage quelques uns de ceux qui nous ont côtoyés ? Comme l'écrivait René Char : "La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil." le roman de Juan Gabriel Vasquez en est la parfaite illustration.
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Javier Mallarino est un caricaturiste connu et reconnu pour ses dessins humoristiques qui paraissent quotidiennement dans un journal. « Une autorité morale pour la moitié du pays, d'ennemi public numéro un pour l'autre moitié et, aux yeux de tous, d'homme capable de faire abroger une loi, contrarier le jugement d'un magistrat, renverser un maire ou menacer sérieusement la stabilité d'un ministre avec pour seules armes du papier et de l'encre de Chine. »
C'est aussi – paradoxe ! – l'un des humoristes les plus lus, et pourtant personne ne reconnaît son visage dans la rue.
Mallarino est sur le point de recevoir une prestigieuse reconnaissance au Théâtre Colon de Bogota. Magdalena, son ex-femme avec qui il ne vit plus, sera bien présente dans l'assistance. C'est elle qui, la première fois qu'il s'est vu rectifier l'un de ses dessins par un rédacteur en chef soucieux de ne pas déplaire aux annonceurs, l'a incité à s'adresser au quotidien libéral le plus ancien du pays, en proposant, outre le dessin refusé, un contrat très particulier : le journal ne l'embaucherait pas avec un salaire fixe, mais il enverrait tous les jours un dessin que le journal s'engagerait à publier.
« Il pressentait que la place qu'il occupait dans le monde venait de changer radicalement. Il ne se trompait pas. A cet instant débuta la période la plus intense de son existence, dix ans au fil desquels, après avoir vécu dans l'anonymat, il se fit une réputation, puis accéda à la notoriété au rythme d'une caricature par jour. »
Cette période fantastique est célébrée par la Ministre de la Culture en personne, dans un brillant discours qui décrit les quarante années de sa carrière de caricaturiste.
Seule sa fille Béatriz est absente de la cérémonie.

Pourtant, le lendemain de la commémoration, quand il ouvre sa porte à une jeune journaliste, Samantha Leal, venue lui demander une interview, il a presque oublié la séance de dédicace après les discours, mais surtout il ne souvient pas d'avoir accepté – il ne le fait jamais d'ordinaire – de recevoir chez lui cette jeune femme pour l'interview. Il se sent bizarrement bien avec elle. Il se sent « loquace, communicatif, ouvert, prêt à se livrer ». Mais il n'est pas au bout de ses surprises.
En effet, quand elle lui dit qu'elle souhaite voir son bureau, là où il réalise ses dessins, et qu'elle découvre enfin le dessin qu'elle recherche, elle lui révèle enfin le véritable motif de sa visite…

On ne dira rien de l'histoire de Samantha et de la deuxième partie du livre qui s'ouvre alors.

Disons simplement que l'essentiel de son histoire va porter sur le pouvoir que peut avoir un journaliste qui caricature les hommes publics. Un pouvoir qu'on peut qualifier de terrifiant.
Ajoutons que Samantha a déjà rencontré Mallarino quand elle était petite. Qu'elle a vécu une scène traumatisante dont elle a oublié tous les détails. Et dont Mallarino est partie prenante.

Faut-il raviver la mémoire et raconter ce qui s'est passé ?
Faut-il démasquer ce qui est inavouable ? Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire ?
Mais qu'est-ce que la vérité ? Est-ce qu'il n'en existe qu'une seule ?
Restaurer la mémoire, est-ce une tâche à laquelle l'historien – l'écrivain – doit se livrer ?
Juan Gabriel Vasquez explore le thème de la mémoire et de ses ressorts. de la même manière que Javier Marias dans son Comme les amours, il remonte l'histoire à la trace … mais ce qu'il pourrait y découvrir n'est pas toujours souhaitable.
Culpabilité, recherche de la vérité, ou de la véracité, l'écrivain explore avec son double caricaturiste des thèmes auxquels sont confrontés les écrivains qui puisent dans la grande histoire de quoi nourrir la leur. Comme dans le bruit des choses qui tombent,

« La mémoire a la merveilleuse capacité de se rappeler l'oubli, son existence, sa manière de se mettre en faction, nous permettant ainsi d'être prêts à nous souvenir ou de tout effacer si on le souhaite. »

« C'est une pauvre mémoire que celle qui ne fonctionne qu'à reculons » dit la Reine Blanche à Alice au Pays des Merveilles. Dans un final hommage à Carlos Fuentes où il joue magistralement avec les temps, Juan Gabriel Vasquez imagine l'avenir immédiat de Javier Mallarino et clôt un roman remarquable à l'attention de tous ceux qui sont en quête de sens.

Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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J'avais beaucoup aimé "le bruit des choses qui tombent" et même si ce roman me semble un ton en dessous, il est intéressant et se lit très vite.
Cette courte histoire nous plonge dans le monde des médias et de la portée des informations véhiculées.
Une réputation est fragile, un simple article ou dessin peut vous porter aux nues comme vous descendre en flèche.
Le héros, Javier Mallarino, dessinateur caricaturiste colombien, est admiré mais aussi détesté. D'un coup de crayon il peut mettre à mal une réputation et détruire une vie.
Suite à la visite d'une jeune femme qu'il avait oublié, il va se remettre en mémoire un épisode sombre de sa vie et s'interroger sur la société et la place qu'il y occupe.
Un bon roman sur le pouvoir des médias.
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Je ne sais pas vraiment quoi penser de ce roman. Si le style est soigné, le contenu me laisse perplexe. Je ne sais pas si c'est le personnage central qui m'indispose ou la fin que je trouve un peu trop mystérieuse, mais j'ai le sentiment d'être restée sur ma faim. Pourtant, la réflexion ici développée par Vasquez est brulante d'actualité : la caricature comme message politique, les réputations qui se font et se défont, la presse qui relaie les informations sans souci des dégâts (tant pour l'entourage des personnes incriminées que pour leurs victimes), le cynisme teinté de mépris de ceux qui sont autorisés à nous dire ce que l'on doit penser, etc. Tous sujets vraiment passionnants qui obligent chacun à se pencher sur son rapport à la presse, à l'information, à sa tendance au voyeurisme.
Javier Mallarino, caricaturiste colombien, reçoit une distinction pour l'ensemble de son oeuvre. A cette occasion, il est approché par une jeune femme, Samantha, qui se dit journaliste et à qui il donne rendez-vous le lendemain pour une interview. Il s'avère qu'elle est en fait une ancienne camarade de sa fille et que, lors de la cérémonie de la veille, des images lui sont revenues qui ont fait surgir de lointains souvenirs qu'elle veut explorer avec lui.
C'est, encore une fois, très bien écrit, avec des allers-retours dans la vie professionnelle et affective de Javier. On le voit évoluer dans sa perception d'une nouvelle réalité qui n'est finalement qu'une prise de conscience de son propre narcissisme - la dénonciation de faits sociaux ou d'hommes politiques ne servant que sa propre gloire. Javier Mallarino n'est donc pas un homme bien sympathique et peut-être ai-je besoin de développer un peu d'empathie envers les personnages pour adhérer au propos. Et même si sa part d'humanité se dévoile peu à peu à travers un questionnement sur la responsabilité, cela intervient bien tard...
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Le célèbre caricaturiste politique colombien Javier Mallarino,dû au jeu du hasard le jour de sa consécration par les autorités pour l'ensemble de son oeuvre,,doit confronter son passé et sa conscience.Une ancienne histoire refait surface,celle d'un incident auquel Mallarino avait assisté vingt-huit ans auparavent.Il avait alors usé de son talent et de son influence pour discréditer et accuser le coupable présumé.Mais Mallarino a-t-il réellement vu l'acte délictueux?Cet homme considéré comme indépendant et incorruptible n'a-t-il pas abusé de son pouvoir médiatique?Avec le recul,le doute l'effleure et c'est une totale remise en question qui s'empare de lui.
Ce récit très fort,composé en trois parties,pose de multiples questions,sur la mémoire("c'est une pauvre mémoire que celle qui ne fonctionne qu'à reculons"),l'oubli,sur ce qui fait une réputation et l'abus de pouvoir médiatique même avec de bonnes intentions.J'ai tout aimé,l'histoire,le style fluide et ce parfum spécial à la littérature sud-américaine.C'est le premier livre que je lis de Vasquez et je ne vais pas tarder à entamer ses autres livres.
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La capacité de nuisance des médias sur la vie privée de chacun ne peut se concevoir qu'au prix d'une déontologie des plus rigoureuse. En relisant ma critique de " L'honneur perdu de Katharina Blum " paru en 1974, je me rends compte que "Les réputations" ne renouvelle pas vraiment le sujet. Bien sûr, le thème est toujours d'actualité et le livre bien écrit se lit avec intérêt, mais sans y découvrir grand chose. J'ai notamment regretté que la réflexion intéressante arrive si tard, à la fois dans l'histoire, plus de 20 ans après, et dans le livre, seulement à la fin. Qui plus est, j'ai trouvé cette réflexion très superficielle, le caricaturiste décrit étant plus centré sur lui-même que soucieux de ses responsabilités.
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Un caricaturiste célèbre reçoit un prix pour sa carrière lorsqu'il est interpellé par une fausse journaliste qui lui rappelle un incident survenu chez lui quinze ans auparavant avec un député.

L'écriture est fluide et l'histoire est agréable à lire. Je ne connaissais pas cet auteur colombien et je n'hésiterai pas à me plonger dans une autre de ses oeuvres.

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Ce récit de 180 pages est très bien mené : on assiste à une cérémonie de consécration officielle d'un caricaturiste politique, Javier Mallarino, dont le trait incisif et les légendes caustiques ont marqué l'actualité sociale et politique, lui assurant un pouvoir redouté.

Pourtant une rencontre inattendue amène l'intéressé à se rappeler une aventure personnelle, et par suite un cruel dessin - qui eut des répercussions politiques et humaines importantes. Vient alors dans l'esprit du caricaturiste le temps du doute :

« Les certitudes acquises à un moment donné du passé pouvaient avec le temps cesser d'être des certitudes : un évènement survenait, un fait fortuit ou volontaire et , brusquement, son évidence était invalidée, les choses avérées cessaient d'être vraies, les choses vues et celles qui étaient survenues n'avaient jamais été vues et celles qui étaient survenues n'avaient jamais eu lieu : toutes ces réalités perdaient leurs place dans le temps et dans l'espace pour être englouties, pénétrer dans un autre monde ou une dimension différente et inconnues. »

J'ai bien aimé l'écriture à la 3e personne, distante du protagoniste, mais aussi parfois proche de lui et de ses pensées intimes. Pendant la cérémonie officielle, le caricaturiste joue son personnage, tout en suivant ses propres réflexions, le regard sur sa femme dont il est séparé.

Pour autant, l'auteur ne prend pas le parti de Javier Mallarino, il laisse le lecteur deviner ses doutes, réfléchir sur son rôle dans cette triste histoire - - dont on ne saura pas le fin mot. Il est vraisemblable qu'à une nouvelle lecture on jetterait un regard nouveau sur l'intrigue et sur la fin du récit.

En filigrane on s'interroge sur le pouvoir de la plume capable de sceller un destin, par un dessin ou une phrase lapidaire. «  La caricature[est] un aiguillon enrobé de miel », dit Mollarino, c'est-à-dire qu'on vise le plaisir des lecteurs aux dépens d'une victime, sacrifiée sur l'autel public.

Le titre « les réputations », concerne autant la vérité de l'artiste glorifié que l'homme politique sacrifié. Nous en sommes réduits, comme dans le monde contemporain des medias, à nous demander si le masque/réputation correspond à la personne, s'il l'étoffe ou s'il l'étouffe.

Les entourages respectifs sont aussi impliqués, y compris la fille du caricaturiste dont on parle peu dans le récit, mais qui, in fine, revient sur la scène.

J'ai donc apprécié ce roman sobre aux résonances multiples, car, comme le dessinateur satirique, le romancier décape les apparences pour mettre au jour une société, souvent très rapide dans ses jugements comme dans ses condamnations, qu'il s'agisse du quotidien ou de la vie officielle.
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