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Le roman s'ouvre sur l'adresse d'une mère, Malia, à son fils Nainoa qu'elle place sous les patronages des anciens dieux hawaïens.

« Et il y a toi, mon fils. Tu n'es pas un dieu, mais il y a quelque chose qui évolue en toi et qui en est peut-être un. Va-t-elle ressusciter ce qui existait auparavant ou construire quelque chose de neuf ? Je l'ignore. »

En quelques phrases, Kawai Strong Washburn emporte le lecteur dans un souffle mythologique peuplé de légendes. Malia est celle qui croit. Son fils aura un destin extraordinaire, elle a vu, lors de la nuit de sa conception les marcheurs nocturnes – les fantômes des ali'i, rois traditionnels disparus il y a fort longtemps - descendre aux flambeaux la vallée de la Waipi'o. Surtout il y a l'épisode fondateur des requins, splendidement relaté, Nainoa avait sept ans, en train de se noyer dans le Pacifique :

« Tu étais là, sur le flanc, ballotté dans la gueule d'un requin. Mais il te tenait délicatement, tu sais. Il te tenait comme si tu étais en verre, comme si tu étais son petit. Les requins t'ont ramené vers moi, et celui qui te tenait gardait le museau hors de l'eau, à la façon d'un chien. »

L'auteur aurait pu s'enfermer dans un récit juste "magique" mais il choisit et réussit à l'ouvrir vers une histoire de famille terriblement émouvante. A partir de ce miracle, Nainoa devient un héros local désormais doté d'un pouvoir de guérison qui fait affluer malades et se transforme en manne financière pour une famille vivant dans la pauvreté depuis l'effondrement de l'industrie sucrière à Hawaï. Mais le don de Nainoa, source d'émerveillement et d'argent est avant tout un fardeau déconcertant pour un enfant qui peut se muer en malédiction existentielle.

Avec une fluidité assez impressionnante, les frontières entre mondes réel et irréel se dissolvent. Kawai Strong Washburn tisse habilement les fils d'une légende familiale culturellement très ancrée à celle des destins très réalistes, eux, des différents membres de cette famille que l'on suit de 1995 à 2009 à travers les voix de Malia, de Nainoa le fils préféré, de son frère Dean et de sa soeur Kaui obligés de vivre dans son ombre, avec plus ou moins de rancoeur. le choix du roman choral est une évidence tellement les personnages sont forts, incarnés.

Les points de vue de chacun alternent et finissent par créer un choeur antique qui révèle brillamment la singularité et la solitude de chaque membre tout en mettant en relief tout ce qui les unit. Comme si tous étaient connectés, malgré leurs différences et leurs différends, à un lien plus fort que ce qu'ils sont individuellement. Même s'ils dérivent de plus en plus loin les uns des autres, les frères et soeurs éparpillés sur le continent, de Portland à San Diego, restent attachés. Et cet attachement viscéral passe par la terre, par Hawaï, personnage à part entière décrit avec passion et sensualité.

La tension entre magie et réalité, attente et déception, exil et foyer, trouve un juste équilibre dans ce récit fort sur les liens familiaux, tour à tour touchant, triste et drôle. Il se passe beaucoup de choses, souvent inattendues. Les événements ne sont pas gais et pourtant c'est la lumière et la chaleur de cette épopée familiale que je retiens, son envergure aussi à questionner les mystères de la condition humaine et le sens à donner à nos actes pour se construire une identité propre.



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Hawaï, les plages, les spots de surf et les colliers de fleurs …Oublions ce décor de rêve pour brochure touristique pour se plonger dans le quotidien beaucoup plus prosaïque d'une famille dans la tourmente, après que l'abandon de la culteur de la canne à sucre. Or il faut manger, il faut aussi assurer l'avenir des trois enfants : Dean, le basketteur doué, Nainoa, le miraculé d'un plongeon au milieu des requins et Kaui, l'intellectuelle.
Mais pour mettre à profit et développer leurs potentialités, il faut partir conquérir d'autres territoires et pour cela il faut de l'argent, perpétuelle quête pour ces parents soucieux de voir leurs enfants se sortir de la misère ordinaire.

Chacun se livrera, chapitre après chapitre, expliquant comment les espoirs s'envolent peu à peu. Roman choral avec ce paradoxe que le lecteur est le confident de pensées intimes, en opposition totale avec les silences qui masquent la vérité dans cette famille où les tentatives de communication tournent souvent à l'humour qui clôt le débat.

On sent aussi la charge mentale placée sur les épaules de ces enfants dans la précarité, mais lourds d'une injonction à réussir, d'autant plus délicate que cette précarité dont ils doivent s'affranchir est peu compatible avec un parcours étudiant paisible.

Si l'histoire est globalement sombre et pessimiste, les dialogues sont pétris d'ironie et d'humour parfois un peu leste (dès le départ, les émanations corporelles parfumées à l'H2S et les intrusions digitales inconvenantes, font partie des conversations du couple parental)

En filigrane, les dieux, dont on finit par douter, malgré les manifestations à mi chemin entre rêve et réalité, en raison de leur mauvaise volonté à venir au secours de leurs fidèles.

Un roman riche, émouvant, qui montre le verso de la carte postale idyllique.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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C'est un premier roman et Kawai Strong Washburn frappe assez fort : par le fond et par la forme.
Commençons par le fil conducteur du livre : la religiosité. Comme écrit dans le résumé, l'action principale se déroule dans l'archipel hawaïenne, mais vu de l'intérieur, non-touristique, et par une population autochtone. Les croyances animistes sont fortes : Les personnages, à divers degrés, sur différents modes croient qu'un esprit, une force vitale, interagit avec les êtres vivants, avec les éléments naturels, comme la pluie omniprésente. Des âmes ou esprits mystiques, manifestations de défunts ou de divinités locales, peuvent agir sur le monde tangible, de manière bénéfique ou non comme vont l'apprendre les héros du roman.
Voilà, chaque action est évaluée à l'aune de l'influence exercée par ces esprits sur les personnages. Influence réelle par moment, supposée à d'autres. A moins que ce ne soit le contraire.
Cette mystique se développe sur la misère qui gangrène ces îles suite à la disparition de la source de travail locale : la culture de la canne à sucre. Il n'y a plus de place économique pour ces îliens qui s'installent dans un mode de survie fait de petits boulots, de dettes, de désespoir.
On suit le parcours d'une famille de trois enfants dont l'un nous est présenté comme étant doué de pouvoirs réellement surnaturels. Son frère et sa soeur vont être impactés par ce don et c'est finalement ces trajectoires croisées qui tissent la trame du livre.
Découpé en quatre parties, comme les quatre étapes de ce chemin de croix, chemin de vie également : Libération, Ascension, Destruction et Renouveau. Et comme par hasard (ou pas) c'est un roman à quatre voix, celle de la mère, et des enfants qui se relaient pour nous narrer leurs souffrances, leurs doutes, leurs espoirs.
Finissons par la forme : l'écriture est assez hachée, dans un style non conventionnel, très dialogué. Parfois je me demandais même si j'avais bien compris le sens de la phrase. Beaucoup de termes hawaïens à assimiler qui participent à l'immersion dans cet univers : Haole par exemple qui désigne localement les non-natifs de ces îles. La plupart d'entre nous sommes ainsi des « haoles »...
Voilà, vous savez maintenant dans quel univers vous allez plonger. Personnellement, le côté social m'intéressait plus que le côté mystique et je me suis posé la question : était-il possible de faire l'un sans l'autre : le soignant sans le miracle, le basketteur sans le mana ... In fine je crois que non, le roman possède sa structure cohérente qui, je pense, fait que je m'en souviendrai longtemps.
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Se voir accorder un don des dieux à sa naissance est un présent inespéré. Pourtant, cette aptitude peut entraîner de très grandes responsabilités et sacrifices auxquelles l'être humain n'est pas préparé...

Alors qu'il était voué à une mort certaine après être tombé par-dessus bord lors d'une croisière en famille, le jeune Nainoa est finalement sauvé par un banc de requins qui vient le ramener à ses proches. Considéré comme un miraculé, l'enfant qui cultive un rapport particulier avec les animaux va développer au fils des ans de nouveaux dons aussi fascinants qu'effrayants qui permettront à sa famille de faire face aux difficultés financières auxquelles elle est confrontée. Pourtant, même si ce présent semble être un véritable cadeau des dieux, il fragilise jour après jour l'équilibre familial si important…

En refermant cet ouvrage, je n'ai pas été capable de savoir si j'ai apprécié ou si je suis passée à côté de ce roman.
J'ai trouvé intéressant de découvrir la triste réalité qui se cache derrière l'image de façade d'Hawaii, archipel paradisiaque du pacifique et les difficultés auxquelles ont dû faire face les locaux après l'affrontement de la culture de la canne à sucre. Tout au long du récit j'ai été transportée par ce conte aux légendes mystiques. Je me suis aussi attachée aux différents personnages qui peinent à trouver leur place au sein de cette famille et de la société. Pourtant, malgré une totale immersion dans ce roman hawaïen, je n'arrive pas à me prononcer sur ce livre. J'ai cependant regretté que cet ouvrage ne dispose pas d'annexes dans lesquelles sont traduits les termes hawaïens, ce que j'aurais apprécié trouver...

#item 60
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RAGNAROK À HAWAII

Soyons parfaitement honnêtes : que savons-nous réellement d'Hawaii, de sa culture millénaire, de son panthéon, de ses autochtones passés et présents quand bien même nous aurions un vague idée de la vivacité de sa vie tectonique et de ses volcans, de ses paysages à couper le souffle, de ses plages idylliques, de ses "spots" inimitables pour surfer ultra-chevronnés - souvenons-nous même que le Surf, ancien sport des Dieux et des Rois, doit une large part de sa reconnaissance mondiale à sa survie à Hawaii - ; que c'est le cinquantième État américain (le dernier dans l'ordre d'adhésion à l'Union, le seul hors Amérique du nord, l'un de deux seuls non contigu aux autres avec l'Alaska) ; que sa capitale est Honolulu, dont la simple évocation est une invitation à l'exotisme et au voyage ; que le bombardement japonais massif de la flotte U.S. à Pearl Harbour, en 1941, fut la goutte de feu qui fit déborder le vase interventionniste américain ; que Bruno Mars en est originaire, que Barack Obama y naquit ; que le ukulélé en est l'instrument iconique par excellence ; que la série "Magnum", avec Tom Selleck dans le rôle-titre, participa à populariser les "charmes" naturels de ce chapelet d'îles incroyables, ou encore celle, de deux décennies antérieure, intitulée Hawaii Police d'État...

Clichés ! Clichés ! Clichés encore ! Car, au fond, en dehors de la jolie carte postale, reconnaissons que nous ne savons pas grand'chose de ces îles terriblement lointaines. Moins encore de ses premiers habitants, polynésiens probablement arrivés des Îles Marquises, de Tahiti un peu, 1500 ans auparavant, qui allaient voir leur existence bouleversée par l'arrivée de James Cook en 1778 (même si des contacts antérieurs avec des européens sont attestés) qui rebaptisera ces confettis de l'immensité pacifique "îles Sandwich" - Cook y perdra d'ailleurs la vie - en hommage à un aristocrate britannique du même nom, que les américains, russes, britanniques et français allaient essayer de se partager au fil du XIXème siècle, entre intérêt stratégique, économiques (comme lieu de ravitaillement et de vente, souvent d'alcool, pour les navires baleiniers ou de commerce) et politique. Mais à la fin, ce sont les USA qui gagnent, pour paraphraser l'antienne, tandis que la population autochtone aura vu sa population amputée de 80 à 90% de ses membres (essentiellement de maladies "importées" par les colons blancs Coqueluche, rougeole, dysenterie, syphilis et même lèpre) en moins d'un siècle, imposant aux Tycoons de l'époque l'introduction d'une main d'oeuvre (très) bon marché originaire de Chine, des Philippines et du Japon : le "socle" ethnologique du Hawaii moderne était créé. Et c'est ainsi que la population indigènes de l'archipel ne serait plus (tout dépend, par ailleurs, du mode de comptage) que la troisième, voire quatrième en importance, loin derrière les "haoles" (les blancs) puis les descendants des immigrés japonais et, selon les critères, philippins. Un peuple tout à la fois chassé de son trône et minoritaire chez lui... La "conquête de l'ouest" sur les îles. 

Ce ne sont que quelques éléments, très fugaces, et bien incomplets, de ce qu'est le cadre du premier roman de Kawai Strong Washburn, et c'est fort loin de tout expliquer, mais c'est tout de même indispensable pour mieux en comprendre l'atmosphère ainsi que certains enjeux de cet ouvrage. 

Ainsi, Au temps des requins et des sauveurs détaille-t-il l'histoire d'une famille originaire de l'île d'Hawaii - Grande Île, pour la distinguer de l'archipel tout entier -, celle où fut tué James Cook, celle où naquit Kamehameha Ier, le premier roi unificateur en 1810, celle qui connut les fastes puis le déclin fatal de la production de la canne sucrière - celle-là même où travailla Augie, jusqu'à la fermeture de la dernière plantation en 1996, le père de Nainoa, son second fils et personnage central mais pas unique de ce roman choral. le lecteur va ainsi suivre, à la manière d'une succession de monologues intérieurs aux styles aussi différents que possibles les uns des autres, les destinées de la mère, Malia, du premier puis du second fils, Dean et Nainoa ainsi que de la puînée, Kaui. À noter qu'Augie, le père, ne "participe" à cette saga familiale qu'assez indirectement, et c'est une unique, mais essentielle fois, qu'on le "voit" participer directement à la narration de cette étonnante chronique. de la conception - quasi mythologique et téléologique - de Nainoa jusqu'à son sauvetage miraculeux, digne d'une parabole christique, par un cercle de requin et sous les yeux de ses proches et de marins ébahis tandis qu'il était destiné à une noyade certaine, jusqu'à son assomption puis à sa quasi déification, Kawai Strong Washburn conte par le menu la vie de cette famille sans cesse assiégée par la pauvreté, contrainte à la migration intérieure vers l'île populeuse d'Oahu - sorte de mythe intérieur et moderne de l'argent et de l'ascension sociale facile, selon l'origine -, déracinée donc au sein même de ses propres totems et territoires. On regarde ces trois enfants grandir de manière bien différentes, pour ne pas écrire parfaitement différenciée - il est évident que l'éducation et la prise en charge familiale des deux garçons ne sont décidément pas les mêmes que celles de la cadette, dont on n'attend rien d'autre que de soutenir et d'admirer ses deux aînés - au fil de leurs années d'enfance jusqu'aux débuts de leur âge adulte.

Que dire de ce roman qui n'ait déjà été exprimé par d'autres, non sans talent, sur ces pages babeliennes ? Qu'il résiste, pour une large part, à mon analyse et à mon appréciation, m'ayant laissé parfois au bord, et pas seulement parce qu'il parle d'un monde que je ne connais que trop mal (toute proportion gardée, je me suis remémoré mes premiers pas dans la littérature japonaise, fait tout autant d'envies que d'une certaine forme d'incompréhension), tandis qu'à d'autres moments, très forts, il a pu emporter mon enthousiasme.
On perçoit bien toute la force symbolique émanant autant du rapport à la culture des grands anciens, à leurs divinités presque totalement abolie - malgré leur survie dans l'imaginaire hawaiien, dans les contes, la musique, omniprésente et symbolisée à elle seule par un instrument caractéristique : le ukulélé ; par la danse des femmes aussi, le fameux hula - et la critique drastique du monde nouveau fait d'argent roi, d'immeubles de plusieurs étages, de "resorts" et de tourisme effréné, de petits boulots de misère pour les uns (d'avant) ou de richesse à portée de main (d'ailleurs). Cet affrontement qui vient, celui des Dieux anciens et favorables à leur terre immémoriale contre l'émergence des Géants modernes et destructeurs de mondes, il intervient dès les premières lignes de l'ouvrage, en la personne de Malia, la mère/alma mater, tandis qu'elle et son jeune époux viennent à peine de concevoir quelque part dans la montagne à l'arrière d'un pick-up défoncé - on n'est pas sérieux quand on a vingt ans - leur jeune idole, ce second fils bientôt thaumaturge, deux décennies avant qu'il entre en son crépuscule - Ragnarok vous dis-je !-. Cette ligne de faille se retrouvera au sein même de cette famille qui n'en finira pas de se séparer (une fois les enfants, devenus majeurs mais pas vaccinés, disséminés aux vents mauvais de la côte Pacifique des USA), l'aîné ayant un prénom appartenant à la langue de l'envahisseur - Dean -, pratiquant, avec grand talent d'ailleurs, l'un des sports le plus emblématique de l'Amérique triomphante (le basket-ball) plutôt que le surf, américanisé d'ailleurs jusqu'au mode d'expression, de vie et aux pratiques alimentaires les plus néfastes, tandis que le second ainsi que la cadette ont chacun des prénoms "locaux", pratiquent, avec art et presque par prédestination, qui le ukulélé, qui le hula, ce qui ne les empêchera pas, l'une comme l'autre, de s'égarer à leur tour dans le dédale des grandes villes américaines, tandis que l'aîné ira littéralement tout y perdre avant la rédemption, en un véritable retour de l'enfant prodigue ! 

Il est dense, ce roman, très dense. Au point qu'on finit par se demander si son auteur n'a pas voulu trop en mettre, trop en dire. Au risque de mal fixer ses personnages, d'en faire des clichés plutôt que des symboles, de chercher à être moderne et classique à la fois, d'être sur le front de la critique sociale et - pour être en vogue - sociétale, tout autant que dans le roman psychologique ou dans le huis-clos familial. Sans doute est-ce là l'écueil majeur de ce premier texte, grand par certains aspects, pénible et décevant par d'autres : qu'il est la gangue de laquelle cinq, dix autres romans, majeurs cette fois, pourront éclore et s'épanouir, si le génie surpasse le seul talent. Qu'il faudra aussi, pour y parvenir, échapper aux modes, aux tics du temps (cette manière un peu forcée de vouloir à tout prix donner la parole, chacun leur tour et en respectant un certain équilibre, aux principaux personnages de papier ; vouloir faire contemporain en adoptant une langue supposément vulgaire qui ne peut pour autant être qu'une pure construction littéraire - on ne fait pas du J.D. Salinger à tous coups -, etc), trouver une harmonie un peu moins hachée (les pages sans grand rythme véritable succèdent à de réels moments de grâce, un peu trop fréquemment pour ne pas finir par user le lecteur), en bref, trouver sa voix/voie propre, ce dont il nous faut admettre que l'auteur à toutes les armes pour ! Un roman en demi-teinte, au final, mais qui nous aura aussi permis de ne pas rester campé sur nos trop rares connaissances littéraires relatives à cet archipel, paraît-il de toute beauté. Et même si Samuel Langhorne Clemens, jeune journaliste qui se fera bientôt connaître du monde entier sous son nom de plume - Mark Twain - ainsi que, quelques décennies plus tard, un certain Jack London (ses Histoires des îles sont de véritables pépites tandis qu'elles n'hésitent pas à franchir la face sombre du miroir hawaiien d'alors, prémices de celui d'aujourd'hui) ont pu nous donner quelques idées de ce qu'étaient jadis ces confettis pacifiques, tant de temps à passé qu'il était juste d'aller y revoir de plus près (d'autant qu'après recherche, aucun autre auteur ni poète indigène n'est traduit dans notre langue). Ceci est corrigé - pour un peu - grâce à la très belle traduction de ce texte indubitablement fort (et éprouvant) à propos duquel il me faut, enfin, remercier les Éditions Gallimard, qu'on ne présente plus, à travers leur très belle collection «Du monde entier», ainsi que notre irremplaçable site de lecture en ligne préféré, Babelio, sans lesquels nous n'aurions sans doute jamais croisé la piste de ces dieux pas encore totalement disparus !

PS : Malgré quelques préventions, déceptions diverses et mises en garde éparses accompagnées d'une notation mitigée - qui vaut ce qu'elle vaut -, j'aurais malgré tout tendance à conseiller ce roman aux lectrices et lecteurs avides de vraie découverte d'un monde exotique (au sens plein), d'un peuple qui lutte ces dernières décennies pour retrouver une part de reconnaissance culturelle et politique (dans la mouvance des populations amérindiennes dont les populations d'Hawaii ont été jusque-là parfaitement écartées pour de sombres motifs juridiques et de date d'annexion de l'archipel à la fin du XIXè !). Quant aux avis d'une présentatrice TV ou d'un ancien président américains mis en avant par l'éditeur, le crédit que je leur porte est proche de néant, mais si ça peut faire plaisir à d'aucuns...
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Quand on m'a proposé « Au temps des requins et des sauveurs » premier roman de Kawai Strong Washburn, j'ai vu le sujet et sans aucune hésitation j'ai accepté. La culture Hawaïenne loin des clichés à travers une famille, entre conte et légende et puis l'espoir secret de croiser une jolie vague même si rien ne laisse supposer ce genre de rencontre au détour d'une page, j'étais presque emballé.
Et puis… le livre est arrivé et puis… le petit mot de Gallimard, sympa même si complètement impersonnel, tous ne le font pas, et puis le truc qui me plombe avant le « nous vous souhaitons une très bonne lecture » : « Son livre s'est retrouvé notamment sur la liste de lecture de Barak Obama et parmi les coups de coeur de la présentatrice Oprah Winfrey ».
Et alors, je dois en conclure que c'est un chef d'oeuvre parce que machine et bidule ont adoré? Perso c'est du niveau de « vu à la télé », ça aurait plutôt tendance à me faire fuir. Bref, j'y suis allé quand même et même si ma motivation en avait pris un coup, j'y suis allé sans arrière pensée.
Page 92, fin de la première partie et fin du match pour moi. Je ne vais pas insister avec ce livre qui ne m'intéresse pas. Je ne suis pas client de ce style… d'écriture on va dire. le but d'une « masse critique » n'est pas de massacrer un bouquin qui ne nous a pas plu alors j'arrête à la page 92.
Comme je l'ai déjà fait, je suis prêt à envoyer le livre à qui le veut pour en faire un billet. Envoyez moi en mp une adresse où l'envoyer et il quittera la Bretagne sans tarder. Deux billets ont déjà été fait et ils sont plutôt positifs, si ça peut motiver quelqu'un.
Merci à babélio de m'avoir proposé ce titre et à Gallimard de me l'avoir envoyé.
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Hawaii - 1995 - Nainoa Flores (Noa) tombe à la mer lors d'une promenade en mer sous les yeux de ses parents qui voient des requins encerclés l'enfant puis le ramener vers l'embarcation jusqu'à ses parents, sans lui faire aucun mal. Cet événement va marquer, on s'en doute, la famille à plus d'un titre. Rien ne sera plus pareil pour chacun des membres de la famille, à la fois individuellement mais également collectivement. Noa va devenir une sorte de messager aux pouvoirs divers mais surtout celui de guérir ou faire revenir à la vie. Au fil des années celui-ci va vivre des événements qui vont soit lui donner une position privilégiée dans la communauté de l'île mais également au sein de la famille, la sauvant d'une ruine suite à l'abandon de l'exploitation de la canne à sucre dont elle tirait ses revenus, mais également auprès de ses parents Malia, la mère et Augie, le père ainsi que les autres enfants Dean, l'aîné et Kauri, la plus jeune, chacun prenant la parole pour raconter son parcours sur une quinzaine d'années, depuis ce jour "béni" des Dieux, chacun exprimant son ressenti et l'impact que cette "bénédiction" a eu son devenir.

Mais est-ce une bénédiction ou un sortilège ? Noa va devoir affronter ses pouvoirs et en connaître les limites,  trouver les réponse à ses questionnements pour retrouver la paix, celle d'avant comme la recherche d'un paradis perdu, celui d'une île avant que le monde ne s'emballe et ne le détruise.

Ce premier roman de Kawai Strong Washburn est avant tout un hymne à une île, à ses paysages, ses croyances à travers un enfant doté d'un pouvoir qui peut se révéler à la fois bénéfique mais également se retourner sur celui qui le possède c sans compter son entourage qui ne reçoit rien du ciel mais devra pourtant vivre avec.

"Plus je comprenais ce dont nous sommes tous faits, plus les personnes que je touchais se gravaient en moi, continuaient à pleurer, à me montrer leurs blessures, toujours, sans cesse, encore et encore. (p164)"

Ne pensez pas lire un roman avec en toile de fond l'Hawaii paradisiaque mais plutôt celui avec l'envers du décor : ici il est question de la misère qui s'installe quand la culture de la canne à sucre disparaît, n'offrant ensuite que des petits boulots mal payés qui anéantissent rêves et projets avec ce que cela peut entraîner pour les êtres.

Certains avaient des ambitions sportives, d'autres des capacités intellectuelles qui leur offraient les meilleures perspectives universitaires, une porte ouverte sur le continent américain avec son rêve mais les mirages ont leurs dangers et la famille va se désagréger petit à petit, chacun s'enfonçant pour mieux se reconstruire.

Découpés en quatre parties, comme quatre étapes du parcours : Libération, Ascension, Destruction et Renouveau donnant la parole tour à tour principalement à la mère et ses enfants, dans une écriture empreinte des traditions, usages, objet, mythes et paysages hawaïens (un lexique aurait peut-être utile afin d'éviter d'interrompre ma lecture pour connaître les définitions de ceux-ci), l'auteur à travers cette micro-société que représente une famille évoque également la transformation d'une terre, d'un lieu en pleine mutation et révélera à chacun de ses personnages sa vraie nature.

C'est un récit où transpire la nostalgie d'un paradis perdu mais également l'évocation de ce que l'on pourrait prendre comme un bienfait dans un premier temps et qui se révèlera une arme silencieuse, destructrice où chacun perdra beaucoup et dont Noa sera le porteur. Et si les requins n'étaient pas venus que pour porter un message à Noa mais à chacun d'entre eux....

J'ai aimé mais j'ai eu un peu de problème avec la fluidité de l'écriture sans réellement trouver ce qui me gênait, peut-être tellement imprégnée de la culture hawaïenne, dont je connais peu de choses en dehors de celles des plages, des palmiers et des danses hawaïennes avec fleurs piqués dans les cheveux et dont je n'ai pas toujours réussi en saisir toute l'essence.

Une saga familiale dans un Hawaii loin des clichés paradisiaques où le pouvoir du surnaturel révèle les failles à la fois des humains mais également d'une société qui détruit ce qu'elle avait de plus beau à l'image du jardin d'Eden.

J'ai aimé.
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N'attendez pas que je vous fasse un résumé de ce roman ; ce livre vaut beaucoup mieux.
Mille fois mieux, car il mérite une découverte totale.
AU TEMPS DES REQUINS ET DES SAUVEURS nous raconte l'histoire du monde, l'histoire de la vie et du sang qui s'écoule et rugit dans nos veines. Il s'agit de l'histoire de la mort qui survient telle un couronnement au terme de la vie quand il est devenu temps pour le vivant de s'éparpiller, de restituer et de faire don. Il s'agit de l'histoire des peuples qui se ressentent comme tels et qui ont conscience d'appartenir à un grand Tout. C'est aussi l'histoire des passions et celle des pulsions, l'histoire de la musique des Hommes et de la musique du Monde.
Le thème abordé est bien celui de la découverte ou de l'ignorance de la culture hawaïenne ; Kawai Strong Washburn signe ici un premier roman fondamental qui aborde le virage entre la vie des ancêtres, leurs traditions, leurs coutumes et la vie moderne ; ses personnages souffrent de la charnière temporelle formée par la période d'avant la déferlante américaine et du consumérisme et celle de la vie moderne - si l'on peut dire.
Pour le touriste abruti de consommation, d'aéronefs blanc immaculé, de cocktails alcoolisés et de comptes en banques suffisamment approvisionnés, Hawaï peut sembler un paradis tropical offrant une myriade de plages vierges, de couchers de soleil féériques, de cataractes ombreuses et musicales se jetant depuis la roche en de longues et fines suites de perles argentées. Hawaï peut aussi paraitre comme un tableau coloré de forêts luxuriantes et de récifs coralliens peu profonds où filent des nuées de poissons multicolores et les ombres de requins fascinants et dangereux… Mais ce qui distingue ce chapelet d'îles du reste de monde, c'est sa culture ; une culture faite de coutumes, de musiques, de légendes, de traditions et de valeurs uniques.

Mais de nos jours, que sont devenus les neiges d'antan, les rois anciens, les dieux et les vallées sacrées ?
Le délitement des liens familiaux ou celui des terres et des roches formant les îles, surprenant et entrainant innocemment dans leur chute le pèlerin en quête de vérité, sont-elles l'oeuvre de la nature ou une autre façon de nous parler ?

À chacun, l'âge venu, la découverte ou l'ignorance.
Kaui, Dean ou Nainoa, Malia ou Augie pourraient chanter comme le faisait le groupe Tri Yann en 1976 ; des paroles que je reprends presque mots pour mots en remplaçant français par américain et Bretagne par Hawaï.
- "Américain d'état civil, je suis américain et j'assume à chaque instant ma situation d'américain. Mon appartenance à Hawaï n'est en revanche qu'une qualité facultative que je peux parfaitement renier ou méconnaître...
Je l'ai d'ailleurs fait...
J'ai longtemps ignoré que j'étais hawaïen... Américain sans problème. Il me faut donc vivre Hawaï en surplus et pour mieux dire en conscience... Si je perds cette conscience, Hawaï cesse d'être en moi.
Si tous les hawaïens la perdent, elle cesse absolument d'être... [...] À chacun, l'âge venu, la découverte... ou l'ignorance."

Je vous invite au voyage...

Et je remercie l'opération Masse Critique ainsi que les éditions GALLIMARD pour m'avoir soumis ce roman... délicieusement atypique.
Merci aussi à la personne qui se charge des envois car son écriture est fort belle ; quel bonheur de recevoir un pli où l'adresse manuscrite est apposée avec autant de grâce !
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Hawaï, 1995, Nainoa Flores, sept ans, est sauvé de la noyade par un banc de requins. Sa famille voit ce miracle comme le signe ultime des dieux. Leur enfant est l'élu et son sauvetage est un message des anciennes divinités de l'île.
Cet événement extraordinaire va marquer le début du délitement d'une famille très unie auparavant. Comme Nainoa est « spécial », ses besoins et ses désirs sont placés au-dessus de ceux de ses frères et soeurs, créant un fossé insurmontable entre tous les membres de la famille.
Les chapitres narrés alternativement par la mère et ses 3 enfants vont nous faire traverser 15 ans. 15 ans au cours desquels chaque membre du clan Flores est aux prises avec son identité, essayant de se comprendre et de comprendre la terre hawaïenne qui l'empreigne.

Loin des clichés de la saga familiale et de ceux sur Hawaï, cette histoire pleine de promesses n'a pas réussi à m'emporter totalement. Pendant toute ma lecture je me suis demandé quel était l'élément manquant pour que ce roman soit un grand roman au lieu d'être juste un bon moment. C'est quoi le machin en moins ou le machin en trop?
J'ai bien sûr quelques pistes:
D'abord une structure narrative vue et revue dans la littérature américaine depuis quelques années. 1 chapitre / 1 narrateur: je sature réellement de ce stratagème qui finit par me sembler facile et qui ici, à mon avis, découd totalement le récit.
Ensuite les nombreuses références à la culture, au folklore et aux croyances hawaïennes qui auraient méritées de la part de Gallimard quelques notes de bas de pages. J'ai du souvent fouiller de mon côté pour comprendre des mots.
Pour finir, l'impression que l'auteur a voulu dire trop de choses sur son île (la dimension mystique, les problèmes économiques, l'exil des jeunes sur le continent, etc… ).

Loin d'être désagréable, « Au temps des requins et des sauveurs » me laissera donc la sensation d'un souffle brisé, d'une émotion qui affleure mais qui jamais ne s'envole.
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Hawaï, c'est exactement comme la Bretagne.
Soleil, eau turquoise...?
Non (vous vous en doutiez) : mais modernité, productivité et tourisme de masse, les mots magiques qui ont anéanti le mode de vie traditionnel, la culture et l'environnement. Pour se retrouver à vendre des colliers de fleurs en plastique (Hawaï) et des menhirs miniatures en résine (Bretagne) - le tout, fabriqué en Chine. Vous voyez le parallèle ?
Ce roman raconte comment la présence américaine et le tourisme ont ruiné la société et la culture hawaïennes.
Fin de l'agriculture vivrière, contraignant la population à travailler dans les plantations de canne à sucre, et à se nourrir d'une alimentation importée.
Folklorisation du mode de vie traditionnel : le surf fait vendre des marques de vêtements, le massage traditionnel des guérisseurs devient un attrait touristique, danse hula et ukulélé sont le passage obligé des dîners-spectacles...
Hausse spectaculaire du coût de la vie, en présence d'une population riche de militaires américains et de touristes internationaux, plongeant dans la misère les familles locales cantonnées aux bullshit jobs.
La famille Flores (chacun prenant la parole tour à tour) est un de ces ménages pauvres, qui compte ses sous et vit dans une très grande précarité. Une famille aimante et joyeuse pourtant, les parents très amoureux, partageant les valeurs traditionnelles et spirituelles de leur île ; les enfants beaux, intelligents, pleins de promesses d'avenir.
Mais y a-t-il un avenir à Hawaï ?
Les trois enfants vont tenter leur chance sur le continent : l'aîné dans l'espoir d'une juteuse carrière de basketteur pro, cherche à sauver le porte-monnaie familial. le cadet, investi d'une mission mystique, veut sauver les gens. La benjamine sera-t-elle celle qui sauve Hawaï toute entière ?
Alors oui, vous allez trouver des requins dans ce très beau roman ; mais trouver des sauveurs s'avère beaucoup plus compliqué.
Excellente traduction de Charles Recoursé.
Challenge États-Unis (Hawaï)
LC thématique de juin 2022 : "Titres à rallonge"
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