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Maïca Sanconie (Traducteur)
EAN : 9782746701328
224 pages
Autrement (09/10/2001)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Dans la mémoire collective, les images des déportés d'Auschwitz sont celles, tristement familières, de cadavres entassés, de corps émaciés et de rescapés affamés. Or les images de ce "dernier" album sont, à l'inverse, et comme un éclatant pied de nez à l'Histoire, vivantes, chaleureuses. Portraits d'enfants, scènes de famille, de travail, d'école... Elles donnent une vision intime de ce qu'étai la vie -avant la guerre- et surtout, montrent les souvenirs que les dépo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Livre lu dans le cadre du défi lectures 2022 des Editions du Seuil, item : Lire un livre grand format (ici, 22 cm x 26,5 cm). Je me souviens avoir acheté ce livre il y a longtemps (Les Editions Autrement ont publié la version française en 2001) à la faveur d'une expédition au Salon du livre de Paris. Jusqu'alors, et si le l'avais régulièrement feuilleté, je n'avais pas pris le temps de le lire vraiment. C'est aujourd'hui chose faite et je ressors de cette lecture particulièrement émue.

De quoi s'agit-il ?
L'ambition réussie de Ann Weiss est, à partir de photos retrouvées en 1945 à Auschwitz-Birkenau, de redonner vie à quelques familles juives issues principalement des villes de Bedzin et de Sosnowiec, en Pologne, familles et amis déportés en 1943, et manifestement tous exterminés.
Redonner vie à ces familles et à leurs amis, c'est faire un pied de nez aux nazis qui ont tout fait pour détruire leur humanité, leur culture, leur intelligence, leur joie de vivre ... et même leurs souvenirs. C'est faire en sorte d'oublier l'image morbide et anonyme des cadavres entassés et faire en sorte qu'ils redeviennent vivants, le temps de la lecture et porteurs d'un message : "Ne nous oubliez jamais".
Voir la vidéo de l'INA à ce sujet : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/1841674001/ann-weiss-le-dernier-album

Qui est Ann Weiss ?
C'est la fille de deux rescapés polonais. Chercheur, auteure, réalisatrice de documentaires et éducatrice, elle est la fondatrice et la directrice de la Fondation éducative Eyes from the Ashes. Elle est également chargée des interviews et des analyses au Trancending Trauma Survival Project de l'université de Pennsylvanie. Dans le site qu'elle a créé (thelastalbum.org), elle évoque sa démarche :

"En octobre 1986, lors d'une tournée à Auschwitz, je suis tombé de manière inattendue sur une archive verrouillée dont le contenu allait devenir l'inspiration pour LE DERNIER ALBUM: Eyes from the Ashes of Auschwitz-Birkenau. J'y ai découvert plus de 2000 photographies personnelles, confisquées aux Juifs déportés en 1943. Ce sont les photos qu'ils ne pouvaient pas laisser derrière eux. Des millions de photos ont été apportées par des millions de personnes dans les camps de travail et de la mort nazis, mais il y avait un édit nazi secret pour détruire non seulement les gens, mais aussi pour détruire les symboles de leurs souvenirs, c'est-à-dire toutes leurs photos personnelles, toutes leurs lettres et tous leurs dessins. Les historiens ont supposé que, de tous les transports, seules les photos de ce transport ont miraculeusement survécu. Comment? Pourquoi ?"

Ces photos ont été retrouvées sur place en 1945. C'est en 1986 que l'auteure les découvre de manière fortuite. C'est en 1988 qu'elle sera officiellement autorisée à y avoir accès. Dès lors, elle consacrera près de dix ans de sa vie pour tenter de mettre des noms sur ces visages. En effet, pour elle, il était impensable de ne rien tenter pour soit retrouver les survivants potentiels, soit de la famille, des amis ou des survivants qui les avaient potentiellement côtoyés pour parvenir à mettre des noms sur des visages, mais aussi comprendre comment ils vivaient avant leur déportation en Pologne, qui ils étaient, quelle était leur personnalité, quels étaient leurs liens et fonctions au sein de la communauté juive. A travers ce Dernier Album, ce dont il est question, c'est de redonner vie (et dignité) à ces enfants, hommes et femmes de tous âges et, concerné ou pas par la juiveté, de rendre hommage à leur mémoire.

Le livre-album est organisé de la façon suivante :

- Un texte d'ouverture par Elie Wiesel :
"Raconter : tout le reste peut attendre. Tout le reste doit attendre.
Raconter : voilà notre obligation première.
Les commentaires, eux, viendront bien plus tard,
Pour ne pas masquer l'essentiel ni l'obscurcir.
Raconter pour se rappeler que l'homme est vulnérable
Face à l'accablement du mal.
Raconter pour que le dernier mot ne soit pas laissé au bourreau.
Ce dernier mot appartient à la victime.
Au témoin ensuite de le saisir, de le façonner, de le transmettre."

- Une dédicace personnelle de l'auteure à sa mère (rescapée et gardienne de la mémoire de la famille) et aux membres de sa famille (déportés et non revenus des camps) dont personne ne va visiter leurs tombes puisque inexistantes.

- Un avant-propos de Léon Wieseltier (extrait) :
"Regardez ces êtres condamnés et pourtant si ordinaires. Ils étaient si peu préparés à cette apocalypse, qui était en fait celle de leurs meurtriers : l'apocalypse, phénomène cosmique, a toujours pour objectif le meurtre d'autrui. Regardez ces pique-niques et ces bals, ces jardins, ces plages, ces écoles, ces skis, ces pianos, ces cols montants et ces fourrures, ces couronnes de Pourim, ces fiancés, ces maisonnées et ces idéaux : c'était là un univers de solide bien-être, de quotidien voluptueux, un univers heureux, décent et plein d'occupations correspondant aux rêves bourgeois et aux rêves juifs, un univers au robuste caractère sacré et au vigoureux caractère profane, un univers imprégné du sentiment de l'avenir. La crainte de leur extinction ne fait pas partie des inquiétudes de chacun de ces individus. Ils avaient foi dans leur monde. Leur ingénuité face au monde était tout simplement celle des gens qui font des projets et des enfants."

- Une introduction de James E. Young (extrait) :
"Bacon reprit : "Ils ne voulaient pas seulement nous détruire, mais aussi détruire nos univers, nos vies, nos souvenirs. Rien que pour cela je ne pourrai jamais leur pardonner. "
Je me rendis compte alors, bien sûr, que ce qu'on a appelé la "double mort" des Juifs durant l'Holocauste était une réalité bien pire. Les Juifs d'Europe furent assassinés au moins deux fois par les nazis : non seulement leur vie et leur humanité leur avaient été ôtées, mais les souvenirs qu'ils avaient gardés de leur vie avant la guerre furent détruits et remplacés par les souvenirs que les nazis avaient de leurs victimes."

- Un encart d'une vingtaine de pages évoquant le contexte et l'histoire de ces photographies retrouvées.

- Les photographies (en noir et blanc) réparties par thématiques diverses : l'orphelinat, les écoles, le lycée, le hassidisme, le sionisme, Robert Desnos et légendées en fonction des connaissances de l'auteure et des informations recueillies auprès soit des survivants, soit des associations représentatives.

- Les photographies (en noir et blanc) des différentes familles répertoriées. Ces photos sont légendées à partir des éléments recueillis par l'auteure et replacées dans leur histoire et contexte à partir des témoignages de membres rescapés ou de leurs descendants, et autres amis toujours vivants.

- Une postface de l'auteure qui conclut : "Ce livre est une prière et un souvenir, un espoir et un chant". Sa conclusion est une adresse au lecteur : "Vous avez vu les images. Vous avez entendu les récits. Vous êtes maintenant un témoin au deuxième degré des "vies qui ont existé jadis" - comme disait ma mère. Selon Elie Wiesel, il appartient ensuite "au témoin de saisir, de façonner, de transmettre" les paroles jamais prononcées par les victimes... J'aurais voulu que le monde se souvienne des voies rendues silencieuses, celles du passé et celles du présent. En laissant entendre à la fois leur chant et leur plainte. La conclusion vous appartient."

MON AVIS SUR CE LIVRE :
J'ai toujours été sensible au devoir de mémoire en direction des personnes victimes de l'holocauste, mais aussi en direction des personnes engagées dans la Résistance. Et une grande partie de ma bibliothèque regorge de témoignages de rescapés ou d'anciens résistants. Je ne saurais expliquer pourquoi. Il y avait donc une évidence à ce que ce livre résonne en moi et me donne envie de l'acquérir.

J'ai aimé ce livre :
- pour son objectif : donner à voir positivement les victimes de la Shoah dans leur vie d'avant la déportation, leur redonner une dimension humaine et souriante à la vie.
- pour son caractère documentaire : les contextes sont clairement évoqués, documentés et étayés de témoignages.
- pour l'émotion qui ne manque pas d'émerger de ces photos en noir et blanc. On ne peut s'empêcher de penser : pourquoi eux et pourquoi pas moi ! On ne peut que se dire : comment cela a été rendu possible ? Pourquoi cela n'a-t-il pas été dénoncé par les politiques, par les Etats, par le peuple en temps et en heure ? Pourquoi a-t-on laissé faire ? Et de se dire : Non, plus jamais ça, à l'encontre de n'importe quelle communauté ou ethnie.
- pour la rétrospective qu'il permet de faire d'une époque, d'une communauté et de son mode de vie.

Le seul aspect qui m'a un peu gênée : les listes de noms légendant les photos. C'est un peu rébarbatif à lire, surtout qu'il s'agit de noms polonais... Mais, néanmoins, ces légendes ont toute leur raison d'être dès lors qu'elles permettent de mettre des noms sur les visages de personnes aujourd'hui disparues.

Que vous dire en conclusion ?
Ce dernier album est un livre document d'une grande valeur pour qui s'intéresse au sujet ou pour toute personne cherchant, peut-être, à retrouver traces de tel ou tel membre de sa famille et de ses amis.



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Découvert il y a longtemps, cet album dispose d'une force émotionnelle peu commune. le pari d'Ann Weiss est de montrer que sous les cendres, il y a la vie. de très nombreuses photos ont été sauvées à Auschwitz et conservées après la libération du camp. En les publiant dans cet album, l'auteure recrée l'ambiance de plusieurs villes polonaises où la communauté juive avait ses quartiers, ses belles synagogues, ses écoles huppées ou non, ses cercles intellectuels ou sportifs. Il se dégage de ces clichés un amour de la vie si immense que la mort est défiée.
Un album que je ne feuillette jamais sans un mélange d'effroi et de vraie joie.
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Video de Ann Weiss (1) Voir plusAjouter une vidéo

Ann Weiss : le dernier Album
Attablé à la Closerie des Lilas avec Henry DOUGIER, directeur général des éditions Autrement, Olivier BARROT présente le livre de Ann WEISS "Le Dernier Album : La Vie, sous les cendres d'Auschwitz-Birkenau", édité par Autrement. Cet ouvrage rassemble des photographies personnelles de Juifs déportés dans le camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau au cours de la Seconde Guerre...
>Histoire de l'Europe depuis 1918>Seconde guerre mondiale: 1939-1945>Histoire sociale, politique, économique (169)

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