On peut lire ce roman comme une description du milieu théâtral, des relations complexes amour/haine qui se développent au cours des répétitions. Description qui sonne juste, même si elle pourra paraître caricaturale par moments.
Evidemment, on peut le lire aussi comme une fable, une transposition, les deux actrices principales du récit vivant des bouleversements comparables aux héroïnes grecques qu'elles incarnent. le débat classique sur le brouillage de la frontière entre l'acteur et son modèle.
Enfin, on peut aussi le lire à la lumière de la vague post-me too. Car les deux femmes, chacune à leur manière, sont les jouets des hommes, qui décident pour elles. Alexandra, abandonnée par son amant, est l'objet d'une tentative de conquête acharnée par Lucerne, le metteur en scène: si le roman était écrit de nos jours, on appellerait cela du harcèlement. de son côté, Alma fait tout ce qu'elle peut pour plaire à Lucerne... J'ai trouvé intéressant à ce titre le personnage de la petite Lilou, actrice totalement novice, engagée parce qu'elle est la femme du servile régisseur, et qui sera la seule à vraiment s'émanciper de la tutelle des hommes.
Le livre tombe parfois dans le cliché, il y a bien sûr le jeune homosexuel confident, le gros dragueur bien lourd, l'alcool, la drogue... Et puis la fin où les deux actrices obtiennent leur émancipation par le théâtre. Mais on peut se demander si elles ne sont pas condamnées à revivre les mêmes galères avec d'autres troupes. Dans la pièce, Penthésilée dévore littéralement Achille... le parallèle est évident: on ne peut que détruire ceux que l'on aime.
J'ai trouvé aussi un peu étonnantes le nombre de fois où les personnages se rencontrent par hasard dans les rues. En Avignon pendant le festival, cela peut se comprendre, mais dans Paris cela sonne un peu faux. Petit défaut qui ne gâche pas la lecture,
Anne Wiazemsky a réussi un roman captivant.