Après la guerre
-
Ce tome est le dernier de la série et il faut avoir commencé par le premier car il s'agit d'une histoire complète :
Birthright, tome 1 : le Retour (épisodes 1 à 5). Celui-ci regroupe les épisodes 46 à 50, initialement parus en 2021, écrits par
Joshua Williamson, dessinés et encrés par
Andrei Bressan et mis en couleurs par
Adriano Lucas.
Un mois plus tard. Une journaliste expose la situation au journal télévisé. le gouvernement des États-Unis ne communique pas en toute transparence sur les événements survenus à l'échelle mondiale. Les sources de la station ont confirmé qu'une guerre s'est déroulée pendant six semaines entre une autre dimension et celle de la Terre, en plein Oregon. La région a été bouclée. Il n'y a aucune image de la guerre accessible au public, mais il est évident que la zone a été dévastée. Il semble que la guerre ait été contenue, et qu'elle soit achevée, et que le portail qui l'ait rendue possible ait été fermé. À ce jour, le peuple et les dirigeants des nations exigent des réponses. La journaliste conclut en indiquant que le monde s'en trouve changé et ne sera plus jamais le même. Il ne reste qu'à espérer que le pire soit derrière. En plein coeur de la zone dévastée, Mikey Rhodes, Boomer et Rya avancent précautionneusement : ils viennent de découvrir les restes d'un commando militaire dont les hommes ont été taillés en pièce. Ils ont la conviction que c'est l'oeuvre d'une créature en provenance de Terrenos. Boomer indique qu'il doit retourner à la base parce que de nombreux pillards sont à la recherche d'artefacts de Terrenos pour en faire des armes. Rya indique qu'elle reste avec Mikey car cela lui donne une occasion de lui parler. Elle se remémore les bons moments avec lui sur Terrenos : un vol dans le ciel dégagé, une sorte de rendez-vous galant pour un repas en tête à tête, une nuit en amoureux dans une caverne avec un bon feu. le présent est bien moins innocent.
Au temps présent, Mikey Rhodes avance précautionneusement prêt à manier sa lourde épée. Rya suggère de mettre du coeur à l'ouvrage de manière à retourner s'occuper de leur fille Mya au plus vite. Cela fait penser à Mikey aux jours où ses parents le laissaient à la garderie et quand ils venaient le chercher. Rya en profite pour continuer sur le thème : il lui semble que Mikey souffre de l'absence de ses parents, et qu'il devrait en parler à son frère Brennan qui doit se sentir terriblement coupable. L'un des deux monstres de Terrenos passe à l'attaque, puis l'autre. Les deux guerriers sont prêts et ripostent avec efficacité. Mikey se dit qu'ils ne pourront jamais être autre chose que des combattants, qu'ils ne connaîtront jamais une vie paisible. Rya met en avant que la situation sur Terrenos était très différente, que le danger était omniprésent et que ce qui les motivait était l'espoir de temps meilleurs. Mikey lui demande si elle sait ce qu'a de particulier ce jour. Elle ne sait que répondre. Il lui rappelle qu'il s'agit de leur anniversaire de mariage sur Terrenos. Une fois leur mission accomplie, ils rentrent à la base et retrouvent leur fille. Après l'avoir couchée, ils sortent sur leur pas de porte et découvre Boomer dans un drôle d'état.
Le précédent tome avait apporté au lecteur ce qu'il attendait depuis le début, ou tout du moins ce qui semblait être inéluctable et même prophétisé : le conflit entre les armées du roi-dieu Lore et le héros annoncé par les prophéties. Les auteurs avaient raconté cette guerre, sans tergiversation ni décompression. Ce qui n'avait pas empêché que ledit tome se termine sur un suspense terrible, laissant augurer une nouvelle phase du récit, pouvant possiblement être l'objet de plusieurs tomes. Il s'avère que celui-ci, le dixième, est le dernier. le lecteur s'attend donc à une forme d'épilogue après la résolution du projet d'invasion de la Terre par les forces de Terrenos. Effectivement, le scénariste a construit ces 5 derniers épisodes sur une structure permettant de découvrir ce qui se passe après avec des chapitres de longueur variable : un mois plus tard, deux mois plus tard, quatre mois plus tard, six mois plus tard, un an plus tard… Sur cette trame, le lecteur s'attend à découvrir ce que sont devenus les principaux personnages : Mikey Rhodes, Brennan Rhodes, Rya, Boomer, et les autres principaux survivants, sans oublier les deux disparus à la fin du tome 9. C'est le cas, mais pas juste sous la forme d'une visite de courtoisie à chacun. Pour ce dernier séjour au contact de Terrenos, le scénariste reprend peu de temps après la terrible bataille et les survivants sont confrontés aux répercussions.
Tout commence donc sur les ruines du champ de bataille, qui ne sont plus fumantes, mais qui cachent encore des combattants refusant de se rendre. le couple de Rya et Mikey devient rapidement le point focal de ce passage, et le lecteur sent son coeur se serrer à l'évocation des moments heureux du couple sur Terrenos. Ces 6 pages sont faciles : la mutation d'une solide amitié en un amour profond. Toutefois, la narration visuelle fait toute la différence, et fait remonter à la mémoire du lecteur, les pages magnifiques de la série. Il ressent le plaisir du jeune Mikey à courir dans la nature dans un lieu calme de Terrenos, à profiter d'un vol paisible dans les bras de Rya, dans un ciel magnifique. L'artiste sait créer des endroits concrets, leur donner de la consistance au-delà de clichés visuels prêts à l'emploi. le coloriste vient complémenter les traits encrés détourant les formes, avec de magnifiques effets : les rayons du soleil transperçant le feuillage des arbres, les nuages s'imprégnant de la lumière du soleil couchant, le reflet d'un feu de bois sur des parois rocheuses, c'est magnifique. le dessinateur s'implique dans chaque case pour représenter le paysage naturel, une tente, ou l'environnement d'une caverne, et tout autant pour les personnages et leur tenue vestimentaire de Fantasy. le lecteur ressent les hésitations du jeune Mikey encore adolescent en train d'expliquer ce qu'est un rendez-vous à Rya pour qui il est visible qu'il éprouve plus qu'une amitié de frère d'armes. Il la voit touchée par son attention de lui avoir préparé un repas, puis surprise de sourire et d'éprouver une forme de contentement quand il fait des ombres chinoises sur la paroi de la grotte. Bressan & Lucas mettent en scène des personnages extraordinaires dans un monde de Fantasy, en sachant faire s'exprimer leur humanité et leurs émotions délicates.
Ces épisodes reposent donc sur un fil directeur qui amène les héros à neutraliser les dernières menaces restantes après la guerre, ce qui fournit l'occasion d'autant de scènes d'action spectaculaires. Dans ce registre, le lecteur a pu apprécier tome après tome, la force des images du dessinateur et l'inventivité. Il ne faiblit pas un seul instant pour ce dernier tome : les caractéristiques physiologiques des deux monstres et leur vivacité quand ils attaquent Rya & Mikey, la rage primale de Boomer quand il est dans sa forme bestiale, les énergies magiques manipulées par Brennan, la créature magique géante qui se déchaîne à Tokyo (avec des réminiscences voulues de kaiju), sans oublier l'agressivité de Kalista. À nouveau,
Andrei Bressan impressionne par le degré de détails qu'il met dans ses dessins, tout en conservant une lisibilité immédiate, et
Adriano Lucas par la richesse de sa mise en couleurs qui respecte les traits encrés, et ne cherche pas à les supplanter. le lecteur se régale une dernière fois de cette narration visuelle réfléchie, riche et vivante. Il se replonge aussi bien sur Terre que sur Terrenos en ressentant toute la différence que font ces dessins entre des endroits concrets, bien pensés, tangibles au point de pouvoir s'y projeter, par opposition à des décors de carton-pâte sans caractéristiques, sans identité.
Tout du long de ces épisodes, le lecteur retrouve cette sensation fragile qu'est le lien familial, son effet rassérénant, mais aussi ses à-côtés parfois aliénants. Il voit bien les changements survenus depuis le début du récit, la manière dont les personnages ont évolué et grandi pour la plupart. Il ressent une réelle empathie pour chaque frère, que ce soit le doute de Mikey de savoir s'il peut vraiment accepter une vie apaisée, et la culpabilité de Brennan ne pouvant pas supporter de laisser les choses en l'état. Dans sa postface, le scénariste confirme que sa volonté était bien dès le départ de mettre en oeuvre des changements tout du long de son récit, et de faire ressentir ce que ces changements peuvent avoir d'angoissant, mais aussi ce qu'ils peuvent amener de bon. Lors de la discussion entre Mikey et Kalista, il évoque également ce qu'ils ont d'inéluctable, et le fait que l'individu ne peut rien y changer, qu'il n'a pas de prise sur eux, et qu'il doit s'adapter. Cela a pour effet de faire prendre un peu de recul au lecteur, et de lui faire considérer le récit sous angle. Ça ne lui enlève rien à son potentiel de divertissement, aux plaisirs générés par ce récit de genre, mais ça augmente sa profondeur de champ, si besoin il en était.
Ce dernier tome vient boucler le récit de belle manière. Il confirme l'issue de la guerre entre la Terre et Terrenos, et montre le chemin que prend la vie des principaux personnages encore vivants. Il est tout aussi divertissant que les précédents, avec une narration visuelle riche et personnelle, rendant concrets et vivants les personnages et les lieux. le scénariste conserve une dernière surprise poignante pour la dernière scène, et le lecteur se félicite d'avoir tenté l'aventure de cette série, d'avoir accompagné Mikey et Brennan, et leurs compagnons, dans ce récit de Fantasy aussi spectaculaire que sensible.