Ensuite on est allés voir la sorcière de la Forêt Noire.
- J’ai été sage, grand méchant loup.
- Certes, vous êtes irréprochable depuis votre arrivée en ville. N’empêche que je vous soupçonne d’avoir repris vos vieilles habitudes alimentaires. N’est-ce pas mamie ? Le pain d’épices, on s’en lasse à la longue, hein ?
- En squattant ici, je suis le symbole vivant de ta rédemption définitive. Qui peut douter de ton repentir si l’un de tes vieux ennemis, un succulent cochon, dort chez toi sans craindre pour ses jarrets ? Et puis je déteste la ferme. Je suis un cochon des villes. J’aime le raffinement.
- N’empêche que su tu te refais la belle. Je te dénonce. Tu prends un petit déj’ avant que je te jette ?
- C’est quoi ?
- Œufs au bacon.
- Je retire ce que j’ai dit. Tu reste un monstre pur porc.
- Mais vous vous imaginez, vous, mariée pendant mille ans sans qu’il y a ait des hauts et des bas ?! Quel couple filerait encore le parfait amour après tout ce temps ? Aucun !
- Dans les romans policiers, c’est la scène du dénouement. Celle où le brillant détective dévoile toute la vérité. Dans une œuvre de fiction, l’auteur marquerait une pause dans le récit pour demander au lecteur s’il a assemblé tous les indices.
- Venons-en aux faits, jeune homme.
- Désolé, mais tous les vrais flics rêvent secrètement de cet instant… Et rares sont ceux qui ont l’occasion de le vivre. Alors laissez-moi le savourer.
- En découvrant un tel spectacle, aucun homme ne se soucie de préserver les indices quand la femme qu’il aime est peut-être en train de se vider de son sang dans la pièce voisine.
- La prochaine fois que tu simules un crime, renverse le mobilier n’importe comment… au lieu de le disposer soigneusement comme cela t’arrange.
Un individu peut donner un litre de sang toutes les six semaines sans souffrir d’effets indésirables.
- On n’est plus au Moyen-Âge ! Lâche-le, Barbe-Bleue ! Si je pose les mains sur toi, ça ne finira que lorsque l’un de nous deux sera mort.
- Et alors ? Ce ne serait pas la première fois que je tue un loup ! J’ai protégé mes terres contre cette vermine pendant des siècles.
- A distance et avec une lance je parie… entourée d’une flopée d’hommes armés pour te protéger. Voyons voir ce que tu vaux avec ton lardoir pour seule défense.
[Bête] Nous avons déjà un château et des terres inutiles, abandonnés à jamais dans les royaumes. Pourquoi vouloir gagner d’autres terres et un autre titre inutiles ?
[Belle] Parce que ce sont tes terres et ton titre. Je ne suis qu’une paysanne qui a fait un mariage d’argent. Je veux quelque chose à moi. Si je gagne, je serai princesse de droit.
- Salut, Pinocchio. Il y a longtemps que je ne t’ai pas vu. Tu t’amuses bien ? Non. Je ne m’amuse absolument pas. Je ne m’amuse jamais à cette célébration ridicule.
- Pourtant tu viens tous les ans.
- Pour la seule raison que tôt ou tard, la fée bleue qui m'a changé en véritable petit garçon finira par se montrer, et que je pourrai lui botter son joli cul pervenche.
- Mais c’est toi qui voulais être un vrai petit garçon.
- C’est exact. Mais de là à rester à jamais un gamin… Cette pétasse éthérée a exaucé mon vœu au pied de la lettre. J’ai plus de trois siècles, et je suis pas encore pubère. Je veux grandir, je veux que mes couilles descendent, et je veux niquer.