Dans le dernier roman de
Don Winslow, tout est corrompu, le héros Denny Malone chef d'une unité d'élite de la police New-yorkaise, ses collègues, ses supérieurs, la police des police, les avocats, les procureurs, les politiques, les cartels de la drogue et même la mafia italienne... Tout ce petit monde passe son temps à tenter d'acheter, de piéger, ou carrément d'éliminer ses adversaires ou ses alliés, deux mots qui ne veulent plus rien dire tant la trahison et le renversement d'alliance semblent être l'unique mantra qui régit les grands fauves qui règnent sur la ville monde qui déploie ses tentacules et engloutit les petits dealers, les putes, les indics comme les flics, les avocats véreux et les hommes politiques.
La lecture de «
Corruption » est aussi addictive que la poudre blanche qui circule dans les dédales obscurs de la ville, le lecteur est emporté dans le tourbillon de la chute sans fin de Malone, et pourtant une fois le livre refermé une forme d'amertume surgit et avec elle une question : la littérature elle-même ne serait-elle pas corrompue par
Don Winslow ? Style hyper efficace, d'une concision extrême, à la limite de la télégraphie, phrases de quelques mots qui frappent comme un uppercut pour finir les chapitres, tout est mis en oeuvre pour que lecteur tourne la page, encore et encore, bref le livre se lit comme on regarde une série jusque tard dans la nuit, mais laisse a posteriori un sentiment d'inachevé, la sensation de s'être fait duper.
L'auteur est tellement attaché à démontrer une forme de virtuosité un peu vaine qu'il finit par donner à son livre l'allure d'un film de série B sur-vitaminé. le roman enfile les stéréotypes et les clichés comme des perles, à l'instar de la soirée « bowling » où les super-flics décompressent : restaurant chic pour carnivores fréquenté par la mafia, prostituées de luxe, boîte de nuit où nos princes décadents croisent le rappeur en vogue, pour finir par rentrer à fond de train, aussi blêmes que l'aube qui se lève sur leur royaume.
Le roman, dévoré par le souci d'efficacité de son auteur, en perd son âme, les courts instants de poésie, ces moments de silence, qui font depuis Chandler la noblesse du roman noir se sont envolés, on se demande avec nostalgie où est passée la magie de «
La griffe du chien », qui était un putain de livre, un vrai pour parler comme le héros corrompu du dernier
Don Winslow.