À quelques pas de lui, immobile, le regardant de ses yeux bigles, se tenait un monstrueux cératosaure. Sa carapace d'un gris sombre se nuançait de stries rougeâtres et de reflets émeraudins. Il agitait d'un mouvement saccadé ses membres antérieurs, armés de griffes comme ceux des allosaures et des zanglodons. Comme eux il se dressait sur ses lourdes pattes de derrière, et sa gueule largement ouverte laissait apercevoir ses dents longues et pointues ainsi que des couteaux. II fixait Monteux, sans pousser le moindre rugissement. Seul le souffle régulier exhalé par sa poitrine colossale attestait qu'il vivait réellement, et qu'il pouvait, d'un simple coup de ses moignons, pulvériser les deux dormeurs.
Monteux, après le cri étouffé que lui avait arraché le saisissement, était demeuré muet, les lèvres blanches, sans salive. Le cératosaure le dominait d'une dizaine de mètres, et Monteux avait en ce moment l'impression très nette qu'il devait lui arriver, une fois debout, à peine au-dessus de la cheville. Chose extraordinaire, il se sentait paralysé, ne pouvait faire aucun effort pour se relever et s'enfuir. Il considérait avec une stupéfaction angoissée la corne acérée qui terminait le nez du gigantesque cératosaure et lui donnait une apparence encore plus effroyable. Il lui semblait que cette corne fouillait férocement sa chair palpitante, et déjà tout s'évanouissait à ses yeux exorbités.
Extrait de Les Semeurs d'épouvante de Fernand Mysor