Ce roman, bâti sur le mode narratif et dont les dialogues sont rares, est d'un style littéraire s'apparentant à
Balzac ou
Victor Hugo, deux auteurs du XIXème que j'adore. La beauté des phrases, son esthétisme est comme une symphonie pour
Marguerite Yourcénar tout comme pour ces deux grands écrivains.
Cependant la comparaison s'arrête ici, car elle ne sait pas susciter l'émotion ou distiller le suspens. Rien n'est dévoilé de la vie personnelle de Zénon ou de ses pensées intimes et de ce fait rien ne génère de l'empathie. Entre le manque de sentiments et le manque d'actions, c'est la platitude totale, du moins pour ce qui est des soixante premières pages.
On pourrait y ajouter le manque de vocabulaire adapté à ce récit, ne permettant pas de s'immerger totalement. « Les dieux ont soif » d'
Anatole France, « 1793 » et « Notre-Dame de Paris » de
Victor Hugo ou encore « Les chouans »
De Balzac, se sont abstenus de le faire, mais ces écrivains sont parvenus à créer l'émotion et/ou à contextualiser historiquement l'époque, ce qui n'est pas le cas de
Marguerite Yourcénar.
Le plus navrant c'est qu'elle ne donne aucune explication sur les personnages ayant réellement existés. Dans son récit, une foultitude de personnages historiques et fictifs se bousculent sans que l'on puisse les différencier. Contrairement à
Pierre Naudin dans ses sagas historiques, il n'y a aucune note de bas de page sur « qui fait quoi » et « qui est qui ». le pis étant qu'une partie importante du récit ne se déroule pas en France. Ainsi Marguerite la régente, dont on nous parle dans l'un des chapitres, n'est identifiable qu'un ou deux chapitres plus loin, comme étant la douairière du Pays-Bas. Encore faut-il se rappeler ce qui a été conté précédemment et parvenir à le relier au fait suivant !
Bien souvent, des écrivains comme
Jean d'Aillon ou
Pierre Naudin, fournissent en annexe des biographies concernant les personnages historiques principaux, permettant d'étayer pertinemment les nombreuses notes disséminées au coeur du récit. D'autres écrivains tels
Ildefonso Falcones, au lieu d'utiliser les notes de bas de page, décrivent avec force de détails les implications historiques des différents protagonistes. Dans ses romans, il est ainsi possible d'apprendre de façon ludique l'histoire de l'Espagne et de ses peuplades, même si à l'origine, elle était étrangère aux lecteurs. de même
Marc Paillet a su retracer l'époque de Charlemagne ou encore
Robert Harris faire revivre, avec sa trilogie sur
Cicéron, la civilisation de la Rome antique et de ses castes, pourtant aux antipodes de la nôtre.
Bref, malgré la mélodie des mots, il manque sérieusement une âme à « L'oeuvre au noir ». Un roman doit faire vibrer le lecteur, le divertir et l'instruire, ici ce n'est pas le cas sur les deux premiers points car tout est intellectualisé et aseptisé. Cela crée un récit rébarbatif et lassant à souhait. L'intrigue se fait attendre, le récit part dans toutes les directions et ressemble à un capharnaüm. Quel rapport peut-il bien avoir entre la science de Léonard de Vinci et ce qui est censé être le synopsis de ce roman : la réforme protestante ? Dommage, cela semblait prometteur.
J'étais pourtant venu à bout du premier volet de
Proust « Du côté de chez Swann » car j'avais trouvé les personnages attachants. « L'oeuvre au noir » est bien plus un essai historique qu'un roman car il faut de solides connaissances sur l'histoire européenne pour parvenir à suivre. L'ennui a eu raison de moi, j'ai abandonné au bout d'une soixantaine de pages. Lire doit être un plaisir et ce n'est pas le cas avec ce roman. Certains penseront peut-être que je suis trop bête pour comprendre mais ceux ayant des goûts et des attentes analogues aux miens seront éclairés par ma critique.