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Citations sur Dirty week-end (93)

Depuis ce jour, elle garda les rideaux tirés. Ça n’avait pas d’importance. Pas vraiment. D’ailleurs, on s’habitue à tout. Elle le savait. Elle l’avait appris. Elle laissait les rideaux tirés, sans que ça la gêne vraiment. Mais elle gardait également ses fenêtres fermées, au cas où. Et elle installa des systèmes de verrouillage, au cas où.
Bella dormit très mal, cet été-là. L’été est censé être une période languissante. Une période de laisser-aller, de dissipation, de relâchement et d’abandon. L’été des autres. Pas l’été de Bella. L’été de Bella fut un été moite de sueur, tendu, humide et solitaire. Confinée, renfermée, cloîtrée. Prisonnière entre ses murs, elle purgeait son temps. Sans aucun espoir de remise de peine.
Bella a le sommeil léger ces temps-ci. C’est difficile de dormir avec les fenêtres fermées. Le vent ne vient pas gonfler la toile de vos rêves quand vos fenêtres sont fermées. Un des problèmes de Bella, c’est que sa vie manque de vent.
Elle verrouille les fenêtres et respire l’air confiné toute la nuit. C’est ce que font toutes les Bella du monde/ Elles verrouillent leurs fenêtres et respirent l’air confiné.
Et ça les rend folles. Un peu. Suffisamment pour les ronger. Une sorte de sensation animale qui les envahit à quatre heures du matin quand le ciel s’éclaircit ; elles se mettent à avoir la migraine, leurs membres pèsent des tonnes, le manque d’oxygène ralentit leur circulation sanguine.
De l’air putride et des barreaux. Des hommes se révoltent pour moins que ça.
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Peut-être y avait-il une autre raison qui l’empêchait de passer à l’acte. Une raison qui la poussait à continuer, indifférente. Peut-être était-ce l’idée d’avoir vécu et d’être morte, sans laisser de trace. L’idée qu’en mettant fin à sa vie, elle n’aurait jamais eu de passé. L’idée que personne ne connaissait son nom. Car même si elle avait eu une vie médiocre, elle voulait que son nom soit connu. À défaut d’autre chose, elle voulait que son nom au moins soit connu.
Certaines personnes sont douées pour la vie, d’autres pas. Bella n’était pas douée. Nul ne lui avait jamais appris comment faire, alors elle avançait en trébuchant dans le noir. Elle se heurtait au bon goût, elle se prenait les pieds dans le raffinement, elle se cognait la tête contre le mur en brique de la réussite et du bonheur éternel.
Elle n’était pas très bonne à ce jeu, mais elle avait appris à être une bonne perdante. Perdre semblait lui convenir. C’était quelque chose de familier, comme une douleur qui a toujours été en vous, et qui vous manquera si jamais un jour elle disparaît. Le plus étonnant, c’est qu’elle n’en éprouvait aucune amertume.
Elle voulait juste qu’on la laisse en paix ; apparemment, ce n’était pas trop demander. Elle attendait peu, recevait encore moins, et remerciait Dieu de ce qu’Il lui accordait.
Elle s’était faite une place minuscule, et pas question de le lui reprocher. Elle s’était creusé un espace, dans un appartement en sous-sol, dans une rue qui descendait vers la mer. En été, elle s’étouffait de chaleur ; en hiver, elle frissonnait : elle passait ses soirées à chercher l’humidité, c’était une vie morne et grise, une forme de vie mutante, une vie avortée. Mais c’était la sienne, et elle l’acceptait ainsi.
Rien n’aurait changé, personne n’aurait jamais connu son nom, sans cet homme qui l’observait. Un homme ordinaire qui l’observait depuis sa fenêtre. Un homme qui l’observait et la désirait, là, debout derrière sa fenêtre. Il la voyait dans son sous-sol, et il fallait qu’il essaie. Il n’avait pas assez de bon sens pour la laisser en paix.
Il la voyait comme un récipient vide que lui seul pouvait remplir. Il s’imaginait la tirant par les cheveux pour lui faire traverser la rue. Il s’imaginait plaquant sa main sur sa bouche pour la plier à tous ses désirs. Malheureusement pour lui, il imaginait trop de choses. Un petit esprit avec de grandes idées.
Car Bella ne pouvait pas plier.
Comme il le découvrit, comme elle le découvrit, Bella ne pouvait que rompre.
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Voici l’histoire de Bella qui se réveilla un matin et s’aperçut qu’elle n’en pouvait plus.
Bella n’a rien de particulier. L’Angleterre est pleine de gens blessés. Qui étouffent en silence. Qui hurlent à voix basse pour ne pas être entendus des voisins. Vous les avez sans doute vus. Vous les avez probablement croisés. Vous leur avez certainement marché dessus. Trop de gens n’en peuvent plus. Ce n’est pas nouveau. Seule compte la façon dont vous réagissez.
Bella aurait pu avoir une réaction décente. Elle aurait pu réagir comme les gens décents. Elle aurait pu remplir son petit ventre rond de barbituriques, ou bien se jeter, avec une belle désinvolture, du haut d’une tour. Les gens auraient trouvé cela triste, mais pas inconvenant. « Ah, pauvre Bella, auraient-ils soupiré en jetant ses restes dans la terre à l’aide d’une pelle. Sans doute n’en pouvait-elle plus », auraient-ils dit. Au moins avait-elle eu la décence de réagir avec décence.
Mais la douleur et Bella ne faisaient pas bon ménage. Elle fuyait la douleur, avec l’espoir de lui fausser compagnie. Elle fermait les yeux et retenait sa respiration en espérant que la douleur passerait son chemin. L’idée même de trancher dans la peau pâle et transparente, de coucher son corps nubile sur la voie de chemin de fer qui relie Londres à Brighton, de se pendre au plafond avec un fil électrique autour du cou (n’est-elle pas élégante, odorante, en pendeloque ?), cette idée suffisait presque à priver ses sphincters de leurs moyens.
Bref, la douleur n’était pas sa passe de thé.
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Si vous voyez une femme marcher, si elle rentre tranquillement chez elle, si vous la voyez passer sans bruit devant vous sur le trottoir. Si vous avez envie de briser ses os fragiles, si vous avez envie d'entendre ses supplications désespérées, si vous avez envie de sentir la peau rose se contusionner, et si vous avez envie de goûter la peau tendue qui saigne.
Si, en la voyant, vous avez envie d'elle.
Réfléchissez. Ne la touchez pas. Laissez-la poursuivre son chemin. Ne plaquez pas votre main sur sa bouche et ne la jetez pas à terre.
Car sans le savoir, sans réfléchir, sans le vouloir, vous aurez peut-être posé votre grosse main sur Bella. Or, elle s'est réveillée ce matin et s'est aperçue qu'elle n'en pouvait plus.
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Et quand les gentilles filles font du mal aux vilains garçons, elles prennent soin de les réveiller tout d'abord. C'est peut être idiot. Mais c'est comme ça.
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Vous savez de quelle manière certaines personnes traversent l’existence, en se répétant que tout va bien, que tout est super, que tout va de l’avant, qu’elles sont heureuses, très heureuses ? Même quand elles ne le sont pas. Même quand ce sont des individus rabougris qui mènent des existences rabougries.

Vous les avez croisées dans la rue parfois, anonymes parmi la foule. Arrêtées à une intersection, elles plissent le front lorsqu’un rayon de lucidité glacée menace soudain de les transpercer. Elles sont sur le point de voir les choses telles qu’elles sont réellement. Puis une de leurs connaissances passe en voiture, klaxonne et leur fait un signe de la main ; alors le froncement de sourcils s’évanouit, elles ne sont plus seules, elles retrouvent leur joie de vivre. Elles adressent un grand sourire à la voiture qui s’éloigne, et elles continuent à sourire en continuant à marcher. Ce large sourire idiot et fou que vous avez certainement déjà vu. Ce large et stupide sourire de gratitude.
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Elle croyait qu’il était possible de vivre sans souffrance. C’était un défaut de son caractère. Une faiblesse. Elle pensait que si vous ne faisiez aucun mal aux gens, ils ne vous en feraient pas.
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Elle songeait à quel point elle avait besoin d'une arme. N'importe laquelle. Un mousquet. Un fusil. Une carabine. Un file-moi-le-fric-et-tire-toi. Un rattrape-moi-si-tu-peux. Elle songeait à des explosifs. Elle songeait à des fusils à canon scié. Des lance-flamme, des canons et de la cordite. De la dynamite, du plastic, un pur plaisir. Elle pensait tactique. Elle pensait stratégie (…) Bella voyait remarquablement grand.
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Pour Bella, la justice n'est pas la justice biblique. Jamais elle n'appliquera le principe oeil pour oeil, dent pour dent. Cette parité laxiste et molle lui donnerai presque envie de vomir.
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Elle avait mis de la poudre, des nuances et de l'éclat. Elle s'était peinte, elle s'était transformée, réinventée, jusqu'à devenir leur fantasme le plus fertile. Une sirène aux yeux noirs surgie des profondeurs. La Lilith de leurs rêves.
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