Iron Widow, c'est un livre dont je trouve les concepts très intéressants. le contexte est prometteur : une vision futuriste de notre monde, mêlant mecha et culture chinoise dont je ne connais personnellement rien. Je ne suis d'habitude que très peu intéressée par les livres dystopiques, mais je me suis laissée tentée parce que je savais que l'auteur.rice avait une aisance à aborder des thèmes que j'apprécie (la sexualité, le genre, le féminisme...)
Et bien que je lui adresse cette note de 2.5 étoiles, ce serait mentir que de dire que je n'ai pas été déçue. J'aurais adoré pouvoir apprécier le livre dans sa globalité, et même alors que les concepts sont bons, je n'arrive pas à ignorer les points négatifs.
Sans mettre d'ordre particulier, voici ce que j'ai pensé du film.
- Les décors, la culture, la géographie : quel dommage d'être plongé dans un livre où je n'arrive à rien me représenter. Les noms de région et de groupes ethniques/différents clans sont donnés, mais il n'y a aucune explication. Pas même une carte pour indiquer quelle distance il y a entre certains points, ce qui rend la lecture confuse quand le personnave voyage d'un point A à un point B et que l'on ne sait même pas où est ce que cela se situe.
De plus, j'aurais aimé avoir un plus grand aperçu de la "culture" chinoise. Bien sûr, cette culture est présente par de nombreux biais : la nomination des lieux et personnages, le rapport à la nourriture (le peu que l'on en voit), les esthétiques liées aux tenues, et les quelques pratiques culturelles dénoncées au début du livre par la protagoniste. Mais je trouve que cela reste de surface et de manière superficielle.
Cet argument rejoint le suivant : les décors. Je trouve très difficile de se représenter les scènes dans le livre. Il n'y a que très peu de descriptions, et celles-ci auraient pourtant bien à bénéficier de leur apport car, comme indiqué un peu plus haut : il est impossible de s'yr etrouver parmi les différents noms de régions, de contrées. Je ne saurais même pas dire à quoi ressemble le pays (apparenté à la Chine) de la protagoniste! Est-ce que c'est l'exacte même que de notre monde ? Possède-t-elle des similarités ? Est-ce qu'il y a des différences drastiques et notables ?
Bref, toute cette partie amène un mélange regrettable : j'ai eu l'impression, durant le milieu du livre, d'enchainer les scènes sans qu'aucun élément de temporalité ou de géographie ne m'indique ce qu'il se passe. Je ne sais même pas combien de temps s'est écoulé entre le début du livre et la fin. Deux mois ? C'est facile de remettre en cause la crédibilité de l'ouvrage quand on a du mal à se repérer.
Enfin. Ce n'est pas si important, selon moi, si les personnages sont bien amenés et construisent un élément solide de l'histoire et de l'environnement dans lequel ils sont placés.
- Les personnages, Zetian, Yizhi, Shimin : Iron Widow, c'est un livre qui se veut féministe. Dans un monde dirigé par le patriarcat, Zetian a l'objectif de libérer les filles prisonnières des garçons qui les utilisent afin de pouvoir faire la guerre à l'aide des Chrysalides, gigantesques "mecha" issus des corps de leurs ennemis, les Hunduns. Les filles sont systématiquement utilisés et dégradés, elles meurent dans les affrontements, et leurs familles ne souhaitent que les utiliser pour qu'elles soient populaires et leur apportent de l'argent.
En somme, c'est un univers cruel envers les femmes.
le problème majeur que j'ai avec cette thématique, c'est le rapport à la protagoniste qui déclare toujours vouloir venir en aide aux femmes. Elle le rappelle. Systématiquement. Sur chaque page ou presque.
Je comprends tout à fait l'intention de l'auteur.rice qui souhaite faire comprendre que son personnage est déterminé et ne reculera devant rien. Mais rappeler ses intentions toute les trois pages? Alors qu'elle ne contribue en rien à aider les femmes pendant une bonne partie du livre et utilise de la gymnastique mentale pour se faire croire qu'elle a la ferme intention de les aider ?
Le traitement des personnages féminins dans ce livre est atroce. Les personnages sont soit des antagonistes, soit inutiles, soit elles décèdent.
Parfois, les trois en même temps.
Je ne reviendrais pas sur le choix arbitraire de l'auteur.rice de faire des deux autres protagonistes des hommes (sur une histoire centrée sur la place de la femme dans la société chinoise) en justifiant leurs actions "parce qu'ils ne sont pas comme les autres". Je n'arrive simplement pas à y croire.
- Zetian est agaçante. Elle ne se remet jamais en question, n'a aucun développement de personnage, suit des intentions et des objectifs qu'elle ne respecte aucunement (sauver les femmes, pas vrai...) et la narration ne va jamais faire douter de la morale du personnage. Effectivement, le personnage est censé être une mauvaise personne. J'ai vu des critiques la qualifiant d'anti héros ou même parfois de méchant, mais ça aurait été le cas SI LA NARRATION NOUS L'INDIQUAIT. Jamais une seule fois elle n'est montrée dans une situation défavorable ou elle a dépassé les limites. le monde se contortionne autour d'elle afin de faire valoir ses idéaux. Elle est bornée, agaçante, et simple préférence personnelle mais je n'aime pas comment, en deux mois de livre, elle passe de simple paysanne au statut qui lui est donné à la fin du livre. Elle progresse sans mériter son progrès, ne traverse rien dans un univers sans décor qu'on voit vide et inintéressant.
- Yizhi est l'archétype de l'intello gentil qui fait tout pour la protagoniste. Rien d'autre à dire sur lui si ce n'est que je le trouve agaçant, il n'est pas intéressant et n'a rien à raconter dans l'histoire. Lui non plus n'a aucune évolution à travers le livre. Il est toujours la même personne qu'à la première page.
- Shimin est celui qui présente le plus d'intérêt et qui, paradoxalement, se fait un peu oublier par l'histoire la majorité du temps. Son arc narratif (bien qu'idiot pour les raisons que je traiterais plus bas) est le plus complet. Il est haï de tous et ne cherche même plus à se faire accepter, il essaie tant bien que mal de survivre dans un monde où il se fait traiter comme une arme et dont personne ne veut de lui. C'est plutôt touchant, notamment lorsque l'on constate plus loin dans le livre que c'est une bonne personne.
Dommage qu'il soit la troisième roue ineluctable d'un carrosse aux roues triangulaires mal construites.
- Thématiques et traitement de l'histoire :
Spoiler sur la backstory de Shimin :
- Tout le traitement sur l'alcoolisme est une parodie. Je ne m'étalerais pas longtemps car visiblement le livre n'en a pas non plus envie : QUI est le responsable de l'idée qu'enlever le peu de responsabilité à Shimin pouvait se montrer intéressant ? Toute la partie où l'on apprend qu'il a été "forcé à être alcoolique" pour le garder sous contrôle est une idée stupide. Son comportement lorsqu'il est sous influence l'est tout autant : je craignais de voir un personnage détestable, ou triste, ou quelque chose qui nous montrerait que son influence sous alcool serait mauvais mais... même pas ?
Tout le traitement autour du sevrage est superficiel et mal amené. Je déteste le personnage de Zetian dans ce livre vis à vis de ce problème qu'elle ne comprend et ne tolère pas. C'est injuste pour Shimin, et pire que ça : c'est un doigt d'honneur bien grand adressé à toutes les personnes qui souffrent de cette maladie.
Mais bien sûr, elle ne s'excusera jamais. Ah si. Quand on apprend qu'il n'est pas DIRECTEMENT responsable de sa maladie.
Comme si les alcooliques souhaitaient le devenir au départ.
Bref.
Je m'emporte, mais voici une meilleure idée : si l'auteur.rice souhaitait vraiment apporter une idée vis à vis d'une addiction destructrice utilisé pour garder quelqu'un sous contrôle et qui peut se montrer ravageuse... pourquoi pas la drogue ? Pourquoi ne pas apporter dans le récit un équivalent de l'héroïne ? L'excuse du passé ne fonctionne pas puisqu'ils ont des tablettes et des télés, alors pourquoi ? Donne nous plutôt un Shimin torturé par son addiction dont il n'a pas voulu. C'est bien plus crédible que "on l'a forcé à ingérer de l'alcool jour après jour".
La seule raison qui me vient à l'esprit, c'est l'argument marketing. Effectivement, une histoire avec de la drogue et des descriptions fortes de ses usages peut entraîner un rating plus fort que l'utilisation de l'alcool. Mais bref. Cela reste agaçant.
- L'histoire ne progresse QUE par le biais de Zetian. Elle fait avancer le monde et l'univers autour d'elle, jamais l'inverse. Dans Iron Widow, je n'ai jamais eu l'impression que l'univers pouvait exister sans elle : le monde tourne autour d'elle, et si elle n'existe pas, le monde ne torunerait pas. RIen ne montre l'ensemble d'un univers qui pourrait fonctionner de manière cohérente.
Et pourtant.
C'est bien sur ce point que j'ai trouvé Iron Widow le plus réussi. Bien que les points que j'ai cité m'ont fait déprécié ma lecture au plus haut point, il faut bien lui reconnaître deux qualités qui, à elles seules, ont redressé à mes yeux la note du livre.
- La subversion des attentes : C'est ce que j'associe au début et à la fin du livre. En voyant les premières pages, j'avais vraiment peur que Yang Guang soit un homme brisé dont on allait lui accorder une rédemption parce qu'il aurait eu une méchante enfance et qu'on allait lui pardonner son comportement mysogine et, disons-le clairement, détestable. Finalement non, il a eu ce qu'il méritait et l'histoire a eu l'intelligence de partir sur complètement autre chose. L'exécution du personnage de Zetian ne m'a pas du tout plu, mais il faut reconnaître que c'est assez différent de ce que l'on voit d'habitude et c'est agréable de voir comment les personnages sont traités.
Ce même principe est repris à la fin du livre, avec les révélations finale. Ma scène préférée arrive pas loin de la fin : la discussion entre Zetian et Qieluo, que j'ai adoré. Qieluo est le meilleur personnage du livre selon moi, et j'aurais aisément préféré voir un livre sur elle plutôt que sur Zetian. On sent la misère dans son comportement, la peur et l'angoisse qu'elle ressent, mais aussi l'intelligence et la détermination dont elle fait preuve pour avoir ce qu'elle veut. C'est le seul personnage féminin bien écrit du livre selon moi, et je donnerais tout pour en voir plus.
Parlons maintenant du twist de fin :
- La révélation qu'ils sont les envahisseurs d'une planète qui n'est pas la leur. La mort présumée de Shimin. L'intervention des "dieux". La révélation sur les Chrysalides et les sièges qui indiquent que les femmes ont plus de qi que les hommes.L'empereur et le Dragon. Les nomades Han. Cet enchaînement était bien maitrisé et m'a poussé à m'investir dans un livre auquel je ne croyais plus. La fin est très intéressante parce qu'on passe les pages en voulant à tout prix savoir sur quoi on va arriver : que va faire Zetian ?
Je trouve dommage qu'elle prenne son rôle d'impératrice "tyrannique" parce qu'elle parait, jusqu'à la fin, immature et bornée.
Mais il faut rendre à César ce qui lui appartient : et la fin m'a conquise.
Je ne lirais sûrement pas la suite ni les autres romans de
Xiran Jay Zhao parce que je pense que ces livres ne sont pas pour moi. Je le recommande aux personnes qui souhaitent une petite lecture sympathique sans se prendre la tête, parce que je pense qu'il est tout à fait envisageable de le lire si on veut juste se détendre en lisant des combats et une héroïne "forte".
Il ne faut cependant pas se concentrer sur la moralité à peine touchée des personnages, ou sur l'univers en lui-même. Mais qui sait, peut-être que le monde d'Iron Widow sera mieux traité dans la suite.
(ps : si iel fait un roman sur Qieluo, je le lirais. quoique.)