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Iron Widow tome 1 sur 2

Isabelle Troin (Traducteur)
EAN : 9782732499291
464 pages
La Martinière Jeunesse (07/01/2022)
4/5   292 notes
Résumé :
Pilotés par l’énergie psychique combinée de couples de Concubins, les Chrysalides sont les gardiens de la grande muraille de Huaxia menacée par les envahisseurs Hunduns. Mais chaque bataille se solde systématiquement par le décès de la Concubine.
Pour venger sa sœur morte au combat, Wu Zetian s’engage dans l’armée, où elle espère être associée au meurtrier de sa sœur… Mais la vengeance peut-elle suffire à son épanouissement ?
Car les femmes ne sont pas... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (130) Voir plus Ajouter une critique
4

sur 292 notes
Avant de commencer, je souhaite remercie Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la Masse Critique Privilégiée. J'ai accepté tout de suite de le lire. En effet, La Martinière avait fait une communication massive sur les réseaux sociaux de ce roman SF ; et je n'ai pas pu passer à côté !

La couverture est splendide et tient toutes les promesses que l'on peut imaginer : cela se passe en Asie, une femme forte est l'héroïne et un oiseau vermillon viendra nous rendre visite durant la lecture.

L'histoire se passe dans un futur lointain mais au temps des coutumes de la Chine ancienne (cela a tendance à nous perdre un peu). Être un homme n'aura jamais été aussi important et vital. En effet, les femmes n'existent que pour être vendue afin de devenir des épouses soumises à leur mari ou à devenir des concubines et mourir. L'argument ? Les femmes ont, par nature, le sens du sacrifice. Ça pose le décor ; féministes s'abstenir.
Nous découvrons donc notre héroïne, nommée Zeitan, vivant dans un petit village. Sa soeur a été vendue par sa famille pour devenir concubine et est décédée pendant un combat. Elle n'a qu'une idée en tête : se venger du pilote qui l'a sacrifié.
En effet, chaque personne possède un qi plus ou moins important permettant de contrôler des Chrysalides afin de se battre contre l'ennemi. Dans les combats, les femmes servent uniquement de batterie aux pilotes lorsqu'ils ont utilisé quasiment tout leur qi. Elles en meurent.
Zeitan s'embrigade volontairement comme concubine afin d'être, à son tour, attribué audit pilote ; ce qu'elle réussira. Il va s'avérer qu'elle possède un qi énormément plus grand que celui des autres femmes. le « gouvernement » va alors lui attribuer un pilote ayant un qi énorme et à sa hauteur : un tueur sanguinaire alcoolique.

Pour ce qui est de mon avis : je suis mitigée.
* Je ne peux pas dire que j'ai passé un mauvais moment, loin de là. Mais toute cette ambiance misogyne avec un rabaissement de la femme constant, où la virginité est capitale à la survie des femmes (si l'on découvre qu'elles ont été tentées durant leur adolescence – pas l'homme, bien sûr – elles sont noyées par leur propre famille) m'a vraiment mise mal à l'aise. J'ai levé les yeux au ciel si souvent, vous n'avez pas idée ! Il n'y a pas que ça, j'ai trouvé les combats et transformations de Chrysalides très très longs. D'ailleurs, cela s'est ressenti à mon rythme de lecture, j'ai été assez lente à terminer ce roman...
* Malgré ça, j'ai apprécié ma lecture. Zeitan est une battante. Elle possède une rage et une haine en elle contre le système qui la fait avancer et passer les obstacles qui se dressent contre elle. Elle fera tout pour atteindre son but, et défendre ses idéaux.
Plusieurs sujets importants sont mis en avant : comme la santé mentale, les soucis liés à l'alcoolisme et le sevrage de celui-ci mais également toute la problématique de la médiatisation néfaste à la société et les manipulations pouvant en découler.
Et enfin, outre mes points négatifs, j'ai beaucoup aimé découvrir la Chine et ses quelques coutumes qui étaient, pour moi, inconnues.

Moi qui adore la romance, ici, elle est très légère. Dès le début, l'auteur nous met dans le bain : l'héroïne préfère sacrifier l'amour au profit de sa vengeance car « L'amour ne résout pas les problèmes. Résoudre les problèmes résout les problèmes ». Cette citation pose les bases, et ce n'était pas dérangeant (est-ce bien moi qui écris ça ?).
D'ailleurs, en parlant de romance, j'y ai vu un très bon point pour le dénouement des relations amoureuses des protagonistes. J'ai deviné rapidement ce qui allait se passer (et cela s'est concrétisé !). On peut ici évoquer le polyamour, qui est plutôt inédit !

Pour conclure, je dirai que ce roman peut être une bonne lecture si l'on arrive à passer outre cet univers totalement patriarcal. Cela n'a pas été vraiment mon cas.
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J'avais reçu Iron Widow dans la box Illumicrate du mois d'octobre et j'avoue qu'à ce moment-là, le livre m'intriguait, mais sans plus. Peu de temps après, j'ai commencé à voir des avis positifs de lecteurs français, et quand on m'a proposé de le recevoir en français, j'ai sauté sur l'occasion. J'ai beau me débrouiller en anglais, je n'y trouve pas le même plaisir et j'avais envie d'apprécier cette lecture.

Et c'est ce qu'il s'est passé. Guère enchantée, au début, par ce monde où les femmes sont considérées comme des incubateurs, seulement bonnes à se taire et à faire la cuisine, j'ai peu à peu adhéré au combat de Zeitan et à la place qu'elle désire se faire dans ce monde patriarcal. D'abord portée par la vengeance, notre héroïne passe doucement de sa vision à sens unique pour élargir ensuite ses ambitions. On la voit grandir, affirmer ce qu'elle est et prendre son destin en main pour révolutionner son univers.

Alors certes, l'originalité d'Iron Widow, sur le fond, est loin d'être là. Zeitan est un mélange de Katniss (Hunger Games), de Tris (Divergente) et d'Arya Stark (Game of thrones), le tout posé dans un monde à la Evangelion où les mecha sont ici des chrysalides qui puisent dans le qi pour se mouvoir. Nous sommes assez loin de la profondeur de ces oeuvres, cependant, ce premier tome est tout de même prenant et même ses schémas plutôt classiques finissent par se fondre dans l'action globale du roman. le féminisme est à la limite de l'extrémisme et parfois ne fait pas la part belle à ce mouvement, mais on comprend la colère et la haine ambiante. La science-fiction est à peine survolée aussi. Je dirais que globalement, parfois, l'histoire manque de finesse et de délicatesse.

Mis à part cela, j'ai passé un très bon moment. Je sais que ce que je viens de dire peut paraître paradoxal, mais les défauts d'Iron Widow sont quelque chose dont j'ai eu conscience durant ma lecture sans pour autant la gâcher. D'où ma note de quatre sur cinq. Je me suis prise au jeu tout simplement. J'avais envie de voir évoluer les personnages principaux, de les voir se frayer un chemin parmi toutes ces vipères, de faire éclater cette bulle patriarcale. La vie des pilotes, leurs raisons d'être, ce côté glamour que l'on a d'eux alors qu'il n'en est rien… mais aussi ce combat contre des envahisseurs et le poids des décisions que l'on doit faire.

Iron Widow a ce côté aussi violent et totalement assumé. Zeitan ne recule devant (presque) rien. Elle a un but, une cause à défendre et il y aura des dommages collatéraux. Elle se laisse gagner par la fureur et commet l'irréparable à plusieurs reprises. On pourrait se dire que l'auteur va trop loin, mais elle arrive à nous faire comprendre les raisons de tout cela. Elle ose réellement faire de son héroïne un personnage de controverse.

Elle ose aussi créer une relation qui sort de l'ordinaire pour ses héros. Et franchement, j'aimerais voir plus souvent ce genre de schéma. A maintes reprises, le traitement de cette relation a été cet îlot de paix, cette ancre à laquelle se rattacher dans la tempête. Elle n'est pas non plus trop romantisée avec un côté pragmatique qui sort de l'ordinaire. Et j'approuve.

Iron Widow pousse à la réflexion en nous faisant sortir de nos sentiers battus. Avec une action bien présente et des personnages poussés dans leurs retranchements, on assiste à une révolution brutale, mais nécessaire. Un très bon premier tome qui donne clairement envie de poursuivre l'aventure, surtout avec les révélations qui nous sont faites dans les derniers chapitres.
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Amis phallocrates, bonjour ! Voici une histoire qui risque bien de vous (dé)plaire. Imaginez un univers où les femmes sont quantité négligeable et sacrifiables à merci pour la bonne cause. Pour la bonne cause, j'insiste ! Toute ressemblance avec notre présent ou notre passé ne serait que pure coïncidence, troublante pour les esprits trop crédules certes, mais il va de soi qu'aucun lien ne saurait être établi par des êtres conscients entre le monde de Wu Zetian et le nôtre où les femmes accèdent sans problème à des postes à responsabilité et où, à compétences égales, elles bénéficient des mêmes promotions, salaires, itou, itou… Comment ? J'exagère, moi ? Eh, voilà ! C'est bien ça le problème avec les nanas ! Jamais contentes de leur sort, toujours à se plaindre et à vouloir plus ! Et gnagnagni et gnagnagna ! Si vous n'êtes pas contentes, prenez la première navette spatiale et allez voir si c'est mieux aux frontières d'Huaxia ! Là, vous saurez à quel terrible sort vous échappez dans notre monde ! Mais vous ne vivrez pas assez longtemps pour le regretter. Comme je suis d'humeur condescendante, j'accepte d'éclairer vos lanternes ténébreuses.
Les chrysalides sont des engins conçus pour écraser les hordes de Hunduns, ces envahisseurs qui auraient dû faire disparaître l'espèce humaine depuis des lustres. Pilotées par le qi, sorte d'énergie vitale émanant de l'esprit de leurs pilotes, les chrysalides nécessitent une telle puissance qu'elles vident complètement le qi des copilotes-femmes, entraînant par là leur mort. Tututut ! J'entends déjà les vociférations des féministes : « Pourquoi uniquement des femmes ? Toujours des femmes ! »
Pff ! Ce qu'elles peuvent être pénibles ! Pas un mot de gratitude ! Des récriminations ! Toujours des récriminations ! Elles oublient que grâce au sacrifice de ces demoiselles, leurs familles sont richement récompensées ! Des ingrates, je vous dis ! Non, mais c'est vrai quoi ! On ne va tout de même pas sacrifier des héros ? le peuple a besoin de héros, alors que là, ce ne sont que des femmes qui accèdent à une gloire qui autrement leur aurait été inaccessible. Bref ! Dans cet univers, tout va bien, la situation est sous contrôle, jusqu'au jour où une paysanne, Zetian, décide de s'engager dans l'armée pour venger sa soeur, Ruyi, morte soi-disant par la faute d'un pilote. Non, mais jusqu'où ces enragées féministes sont-elles prêtes à aller au nom d'une pseudo-égalité ? « La vie d'une femme égale la vie d'un homme ! » N'importe quoi ! J'hallucine ! Si c'était vrai, cela se saurait depuis longtemps, non ? D'ailleurs, objectivement, tous les hommes sont d'accord avec moi ! N'est-ce pas messieurs ?
Mais revenons plutôt à nos moutons, ou plutôt à nos brebis ! Cette paysanne, même pas endimanchée, habillée d'étoffes rugueuses, va bénéficier de la complicité d'un jeune homme, Yizhi, enveloppé de soie, fils de l'homme le plus riche de tout Huaxia. Il va l'épiler suffisamment que pour faire disparaître son monosourcil qui la rendait moche et donc invendable. Car oui, même si elle est destinée à être sacrifiée, la jeune femme doit être belle et désirable pour le jeune pilote qui va combattre avec elle et qui va puiser en elle son énergie vitale, au point qu'elle en mourra. Il se peut aussi qu'avant la bataille, le héros ait quelques rapports avec elle…
Zetian n'a aucun respect pour les dieux sous prétexte que ceux-ci ne respecteraient pas la moitié de l'humanité constituée de femelles. Quel culot ! Quels outrages faits aux divinités ! Je ne sais ce qui me retient de m'arrêter ici dans la narration des événements auxquels fut mêlée cette chose ! Cette… Cette Zetian ! Ses parents vont enfin pouvoir la vendre à l'armée comme concubine-pilote. Ils pleurent la mort de sa soeur aînée… parce qu'ils n'ont pas reçu l'indemnité vu qu'elle n'est pas morte au combat.
Bref ! Voilà notre brebis égarée embauchée comme concubine-pilote… Que dis-je ? Vu ses brillants résultats aux tests, elle n'est pas concubine, mais consorte. Cela fait d'elle une consorte-pilote destinée à accompagner un pilote de très haut niveau, un prince. Remarquez que ça ne changera pas grand-chose pour elle puisqu'en bout de course, c'est tout de même la mort qui l'attend…

Critique :

Voici un ouvrage original dans l'univers de la science-fiction puisqu'inspiré de la culture chinoise et écrit par un.e jeune auteur.trice d'origine chinoise qui a dû être très marquée par les « Transformers » et Goldorak.
C'est un « page turner » grâce au style de Xiran Jay Zhao. Pas le temps de souffler tant les aventures se suivent en cascade. J'ai fini par me lasser des combats avec les descriptions des effets du « qi » qui me semblent correspondre à ces écrans de jeux vidéo aux multiples flashes de couleurs diverses et variées qui peuvent en rendre plus d'un épileptique. Heureusement, il n'y a pas que ça dans l'histoire. La colère qui émane de l'héroïne quant au sort fait aux femmes, notamment cette tradition absurde de bander les pieds des fillettes les transformant pratiquement en pieds de porc, et le manque de droits élémentaires pour la gent féminine, ressort très fort et donne envie de découvrir comment Wu Zetian va, peut-être, finir par s'imposer dans un empire qui n'a que mépris pour la moitié de sa population, une moitié qui n'est pas née avec un petit appendice entre les jambes, accompagné de deux petites bourses.
Machos, machistes et autres phallocrates, soyez rassurés, l'auteur.trice finit par trouver des hommes qui ont un comportement honorable et qui trouvent grâce à ses yeux (mais il faut bien avouer que c'est une minorité très minoritaire).
Ah, oui ! Encore une chose : l'auteur.trice est suffisamment préoccupée par les questions du type « est-ce que l'hétérosexualité est la seule voie possible ? » que pour l'évoquer, très légèrement, dans son livre. Oh, rien de scandaleux… Cela reste tout de même avant tout un roman destiné aux adolescents et très soft !
Cet ouvrage se termine en laissant entendre que les aventures de Wu Zetian ne sont pas terminées pour autant même si ce roman connaît la fin d'une histoire.
Les adolescents et les jeunes adultes seront sans doute plus sensibles que je ne l'ai été eux batailles nombreuses de cette histoire. Ce qui m'a le plus touché, c'est le combat pour que les femmes disposent des mêmes droits que les hommes. Et ce combat-là, dans notre univers, il risque de se poursuivre encore longtemps…

Merci aux éditions La Martinière et à Babelio pour m'avoir permis de bénéficier de cette Masse critique.
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Je remercie infiniment l'opération Masse critique de Babelio et les éditions La Martinière jeunesse pour l'envoi de ce roman destiné aux jeunes adultes.
***
J'ai postulé pour recevoir Iron Widow pleine de curiosité : j'ai lu très peu d'auteurs chinois, très peu de littérature ciblée pour jeunes adultes, et depuis longtemps, je lis trop peu de SF. le résumé proposé par l'éditeur est tentant : le combat d'une jeune femme qui devient pilote pour venger la mort de sa soeur et mettre fin à un régime patriarcal. Que des bonnes raisons pour tenter le coup ! J'avoue avoir été surprise de trouver en rabat de quatrième de couverture une très brève biographie de Xiran Jay Zhao qui utilise le « iel » et le point médian , et c'est la première fois que je vois ça dans un roman. Un avertissement au lecteur me laisse perplexe : l'éditeur (l'autrice ?) prévient qu'on trouvera « des scène de torture et d'autres abus, ainsi que des références à des agressions sexuelles (qui ne sont toutefois pas décrites en détail), des idéations suicidaires et des problèmes d'alcoolisme. » Je me suis interrogée sur ce que pouvait supporter un « jeune adulte », ce qui était toléré, ce qui serait refusé par un éditeur… le titre du roman sacrifie à l'usage actuel, en France, de garder le titre anglais pour certains livres ou films, ce que je trouve prodigieusement agaçant, sensibilisée sans doute à cette « coquetterie » par de nombreuses années au Québec.
***
L'héroïne porte le nom de l'unique femme qui ait régné en Chine, l'impératrice Wu Zetian. Précisons que le roman est proposé comme « récit futuriste » sans aucune prétention d'exactitude historique. Zetian veut devenir pilote de Chrysalides. Ce sont des engins redoutables capables de se transformer en véritables monstres sous l'effet du qi du pilote masculin et de celui de sa concubine co-pilote. Cette dernière mourra de l'expérience. le prestige et les avantages pécuniaires sont tels que les familles n'hésitent nullement à sacrifier leurs filles. On trouve ainsi au fil du roman des détails puisés dans la culture chinoise : la place des femmes, la valorisation des guerriers, les différences abyssales entre les classes sociales, etc. Une des plus terribles, la coutume des pieds-lotus, est d'autant plus révoltante que les femmes qui subissent ces atteintes souffriront toute leur vie.
***
Je me suis beaucoup ennuyée en lisant les interminables et répétitifs récits de transformations des Chrysalides, de batailles contre les Hunduns, ennemis venus d'ailleurs qui veulent exterminer les humains et dont les dépouilles servent à construire les Chrysalides. Je n'ai pas compté le nombre de fois où, je cite approximativement, « des picotements remontent le long de la colonne vertébrale » d'un personnage enfilant l'armure de combat ou recevant un baiser passionné. Chaque micro-événement entre deux personnages est abondamment décrit, avec un luxe de lieux communs, surtout s'il s'agit du trio polyamoureux . L'écriture est aussi simpliste que la psychologie de personnages plus caricaturaux les uns que les autres. Ce livre connaît un énorme succès au Canada et aux États-Unis, et il a figuré dans la liste des meilleures ventes 2020 du New York Times… Je me sens larguée comme jamais !
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Une histoire de vengeance, une histoire de libération féminine et peut-être une histoire de mensonges. Telle est l'histoire de Wu Zetian, la Veuve de fer…

Quand j'ai commencé à lire Iron Widow, je me suis demandée où j'avais mis les pieds. J'ai reçu ce livre en masse critique Babelio privilégiée et je ne suis pas habituée à lire de la Science-Fiction d'origine chinoise. J'ai été agréablement surprise malgré quelques appréhensions de départ.

Notez que l'éditeur à mis une page de Trigger Warning concernant certaines scènes au début du récit que j'ai beaucoup appréciée (mentions de scènes de viol, torture, violence...). C'est peu courant de nos jours qu'un éditeur le fasse et cela m'a permis d'appréhender plus facilement ces passages.

L'univers est un savant mélange d'inspiration entre la culture chinoise et la science-fiction. On y côtoie autant des filles aux pieds bandés que des robots-extraterrestres conduits par des couples de pilotes humains. Et c'est assez déstabilisant dans les premiers chapitres.

Heureusement, ce sentiment s'estompe assez vite lorsque l'on fait la connaissance de l'héroïne Zetian, qui va expliquer au lecteur le fonctionnement de son univers, tout en mettant en place une vengeance envers le meurtrier de sa soeur. Et là, l'histoire décolle et nous emporte très loin, très vite, dans un tourbillon d'action et de rage…

Un savant mélange de culture chinoise…

Au fil de son récit, l'auteur a su mêler différents éléments issus de l'Histoire de la Chine ou de sa culture. Voici un petit condensé non exhaustif de ce que j'ai pu noter au fil de ma lecture :

Tout d'abord, l'auteur(e) reprend la figure historique Wu Zetian pour créer son personnage principal. Il s'agit de la seule impératrice chinoise ayant régné sans régent et de manière plutôt progressiste vis à vis de la cause des femmes. D'après Wikipedia, ses opposants on a essayé d'effacer l'existence à sa mort et la dépeigne comme une ambitieuse n'hésitant pas à tuer ses propres fils pour continuer à régner.

Zetian dans Iron Widow est également décidée à plaider la cause des femmes et à instaurer un principe d'égalité totalement absent de son quotidien. Cependant, elle ne règne pas en tant qu'impératrice dans cette histoire et a des origines très modestes. le point de départ de son sentiment de révolte le désir de venger la mort de soeur, utilisée comme une pile jetable par un pilote, comme toutes les concubines de pilote dans cet univers.

Je ne suis pas une experte de l'Histoire de la Chine, au contraire de l'auteur(e) qui est spécialisé dans ce domaine et a même une chaîne youtube sur le sujet. Cependant, je gage qu'iel s'inspire certainement de termes historiques pour son histoire (noms de périodes, de clans, de personnes), afin de lui apporter une touche d'authenticité. Il évoque aussi le supplice des pieds bandés dont est victime Zetian dès son plus jeune âge, afin de lui faire de jolis pieds susceptibles de plaire à un futur mari. Cette barbarie l'empêche totalement de courir et lui provoque de vives douleurs dès qu'elle marche. Les passages décrivant la perte de ses orteils est totalement atroce à lire, mais ô combien réaliste car elle a existé pendant mille ans en Chine !

L'auteur(e) utilise également la notion d'énergie vitale dans son histoire (Chi ou Qi) très présente dans la médecine traditionnelle chinoise, afin de créer une manière de diriger des robots géants issus de chrysalides extra-terrestres. C'est tout l'enjeu du livre : seuls ceux possédant une forte énergie vitale peuvent conduire les robots. On retrouve les 5 énergies présentes dans la culture chinoise : Eau, Feu, Terre, Bois, Métal, présentées par l'auteur(e) en début d'ouvrage par un pentagramme avec les différentes caractéristiques associées à ces éléments.

Enfin, la notion d'envahisseur par-delà la Grande Muraille de Chine, un thème très présent dans le récit, est représentée par la figure des Hunduns, sorte d'extra-terrestres aux formes d'insectes géants. Ils rappellent métaphoriquement les vrais envahisseurs humains du peuple chinois et les batailles sans fin pour protéger les territoires de menaces venues de l'extérieur. C'est la présence de ces extra-terrestres qui fait basculer le récit dans la science-fiction mais pas seulement…

…et de Science-Fiction

Dans cet univers, Zetian nous explique que la guerre contre les Hunduns dure depuis 2000 ans et leur arrivée sur Terre. Les humains auraient combattu ces créatures en récupérant leurs corps pour les transformer en vaisseaux et les faire fonctionner grâce à leur énergie psychique. Un couple est toujours nécessaire pour faire fonctionner ce robot-chrysalide qui peut évoluer comme des Transformers, en fonction de l'énergie instillée ou de la fusion psychique entre les deux pilotes.

Cela donne lieu à des robots en forme d'animaux : Tigre, tortue, oiseau, dragon … qui peuvent prendre une forme humanoïde selon l'intensité de l'énergie. le problème réside justement dans cette énergie qui s'épuise au fil des combats et doit sans cesse être rechargée. Les filles deviennent des piles jetables, et sont aisément sacrifiées au profit des pilotes. Pour continuer à alimenter les pilotes, le gouvernement fait miroiter aux jeunes filles la possibilité de trouver leur moitié parfaite à travers les pilotes, avec de beaux mariages médiatiques. le revers de la médaille est que nombreux sont les jeunes hommes modestes à ne pas pouvoir trouver d'épouses car les filles sont vendues par leurs parents au gouvernement pour devenir des concubines de pilotes.

J'ai beaucoup apprécié les scènes qui dévoilent la projection mentale dans laquelle sont poussés les couples de pilote pendant les combats. En général, il s'agit de celle de l'homme qui tente de briser sa partenaire tout en laissant apparaître ses souvenirs personnels ou des éléments de son passé. On peut se retrouver dans des cauchemars effrayants, des paysages naturels inhospitaliers, où seule la volonté et le souvenir de sa propre identité peuvent vous aider à vous en sortir. Pendant que Zetian est plongée dans ce chaos mental, à l'extérieur de son corps, la bataille fait rage avec le pilote qui conduit le robot-chrysalide, rendant ces scènes assez particulières au niveau des perceptions de l'héroïne.

Au niveau du fonctionnement politique, les pilotes ne sont plus des dirigeants nobles depuis 2000 ans. En revanche, ils sont présentés comme des héros aux yeux de la population car ils sauvent l'humanité des monstres qui tentent de la détruire. Ils font l'objet de sponsors et de paris, de campagnes publicitaires, et l'ensemble des combats est retransmis en direct sur des chaines de télévision nationales. En un sens, on est proche de Hunger Games au niveau de la mise en scène macabre des combats et du profit qu'en tire le gouvernement.

Sauf que les héros n'en sont pas vraiment et abusent pour beaucoup du système. Par exemple, les concubines pilotes sont encouragées à avoir des rapports sexuels avec eux pour augmenter leurs chances de symbiose psychique. Elles peuvent être nombreuses pour un seul pilote afin d'avoir une réserve de « piles » sous la main, tel un harem. La plupart des pilotes se moquent totalement du sort de ces jeunes femmes, en s'efforçant de ne pas s'y attacher car elles sont vouées à un destin funeste. Et il y a une concurrence féroce entre les pilotes qui peuvent donner lieu à des bagarres ou des vengeances plus sournoises lors des batailles.

Quant au gouvernement, composé essentiellement d'hommes, il contribue à maintenir ce système en place, en cantonnant les femmes dans leur rôle de mère, épouse, ou concubine pour pilote afin d'assurer la pérennité du Royaume. Malgré une volonté de porter aux nues les pilotes comme des idoles, les Sages sont confrontés à un problème majeur concernant leur meilleur élément : Li Shimin, un ancien prisonnier condamné pour meurtre. Difficile d'en faire l'apologie ou de lui donner les titres honorifiques qu'il mérite au vu de son passé…

Malgré certains aspects très ruraux de l'univers qui nous sont présentés à travers la famille de Zetian, l'ensemble de la population est très connecté grâce à des tablettes numériques qui ne sont accessibles qu'aux hommes. On y retrouve des accès aux archives de l'univers, des connaissances ainsi que le moyen de visionner la diffusion des combats filmés par des drones du gouvernement.

A côté de la zone de combats, près de la muraille de Chine où se trouvent les quartiers des pilotes et leurs machines, certains vivent dans des villages proches de la frontière en pleine nature, tandis que d'autres s'amassent dans une ville tentaculaire et ultra-technologique protégée de toute agression. A ce sujet, l'auteur(e) égratigne au passage les mégalopoles chinoises où l'on paie cher la vie en ville en s'entassant à plusieurs dans de minuscules appartements tant la place est réduite. le contraste est totalement saisissant.

Et pourtant, malgré toute cette belle organisation, on ne sait pas grand chose sur les Hunduns, leurs réactions face au combat et la raison de leur présence sur Terre. On évoque même des Dieux qui décident parfois d'intervenir en toute discrétion mais totalement invisibles aux yeux humains. Et la légende d'un Empereur chinois endormi depuis 2000 ans dans le territoire hostile avec un robot dragon alimente bien des légendes locales…

De manière générale, on sent que l'auteur(e) a vraiment pris plaisir à combiner sa passion pour l'Histoire de la Chine avec la science-fiction. le mariage avec la culture chinoise est tout à fait cohérent et original. J'avoue que les scènes de combats des robots m'ont rappelée par moment les robots japonais comme Goldorak ou Gundam.

Wu Zetian, une héroïne au sale caractère

Inspirée de l'impératrice Wu Zetian, figure historique, l'héroïne nous est présentée dès le départ comme une femme déterminée et implacable, résolue à défendre sa cause, quitte à se suicider, plutôt qu'à mener une vie normale de femme soumise.

Son projet de meurtre, savamment réfléchi, va finalement l'emmener plus loin que prévu au fil de ses découvertes sur son Chi et son potentiel. de ce fait, le résumé de la quatrième de couverture ne dévoile que les 100 premières pages, sans que cela soit redondant, car nous en apprenons beaucoup sur l'univers à travers Zetian.

A travers ce personnage, nous découvrons la soumission des femmes aux hommes, quand dans sa propre famille, sa mère et sa grand-mère sont battues par leurs maris s'ils sont contrariés, et sa soeur et elle-même vendues pour assurer l'avenir de leur frère. Zetian souhaite se battre contre l'oppression féminine et devenir un exemple de rebellion. Elle souhaiterait aussi que sa famille change et que sa mère se réveille de la soumission dans laquelle elle est plongée, sans même avoir l'idée d'en sortir.

Sauf que tout ne va pas se passer comme prévu : prisonnière, accolée au pilote-tueur qui a la réputation de vider ses concubines de leur énergie à chaque vol, considérée ensuite comme un esprit malveillant à cause de son attitude… elle n'aura pas la vie facile pour mener à bien son projet.

Sa force réside dans son intelligence et une volonté inébranlable, en dehors d'un Chi assez important pour une femme. Alimentée par une fureur et une rage sans pareille, elle ne laissera personne lui marcher sur les pieds, même lorsqu'elle est prisonnière et à la merci de tous.

On pourrait la croire impitoyable et pourtant, elle sait faire preuve de douceur et de compassion à travers ses histoires d'amour, se rendant vulnérable face à son partenaire tout en l'épaulant. Bref, une figure vengeresse au coeur d'or.

Ce qui est amusant, est qu'à aucun moment elle ne se considère comme jolie. Au début du roman, elle se fait épiler son monosourcil pour se rendre plus attirante, mais à chaque fois, les hommes la critiquent sur son physique trop « grassouillet », qui semble ne pas convenir aux canons de l'époque. Donc Zetian ne compte pas forcément sur son physique, sauf s'il peut lui servir à des fins tactiques. C'est plutôt un garçon manqué.

J'ai beaucoup apprécié son sens de la répartie et la manière dont elle se met en scène dans le récit, en tant que pilote. Elle sait se forger un personnage de Veuve de fer convaincant pour le public, mais qui finalement reflète sa nature profonde.

Des personnages secondaires forts

Si Wu Zetian est l'héroïne de cette histoire, elle est secondée par deux personnages masculins assez complexes et très complémentaires qui vont l'aider dans sa mission :

Yizhi est son premier amour. On le découvre dans les premiers chapitres comme étant un jeune noble très riche au style assez féminin (cheveux longs, maquillage, robes de soie). Très intelligent, fils du roi des médias, il a du mal à assumer ses origines et cherche surtout à fuir son milieu qui ressemble à un nid de serpents. Il trouve en Zetian une simplicité et une franchise qui le désarçonnent. Contre toute attente, il va lui apprendre à lire et à se former sur les robots en la laissant utiliser sa tablette lors de leurs rencontres. On sent qu'il n'est pas favorable à la mission que s'est fixée Zetian, mais il l'épaule quand même par amour. Sa personnalité douce et raisonnée cache cependant un côté plus sombre qu'il dévoile rarement, ainsi qu'une bisexualité ambiguë.

Li Shimin, le partenaire pilote de Zetian est un homme complexe. Ayant massacré son frère et ses frères suites à des circonstances mystérieuses, il est considéré comme un criminel par tous. Ses origines ethniques font de lui la cible d'un racisme non déguisé. Physiquement, il a l'allure d'un homme fort et puissant, marqué par les cicatrices. A l'intérieur, c'est un homme torturé et brisé par ses actes passé mais lettré, capable d'amour et de compassion. Se considérant comme un monstre, il agit docilement aux ordres donnés par l'armée, résolu à ne trouver aucune échappatoire tant qu'on subvient à ses besoins. Sa rencontre avec Zetian va bouleverser ses croyances et le pousser sur le chemin de la rédemption. Son attirance pour Yizhi, du fait de sa ressemblance avec sa compagne décédée va le troubler fortement.

De manière générale, l'auteur(e) a su construire des personnages secondaires convaincants pour épauler son héroïne, même si les relations entre eux ne sont pas toujours idéales. La relation qui s'instaure dans le trio est assez convaincante et leur psychologie assez fouillée.

Une réflexion sur le genre (partie spoilers)



En conclusion : Iron Widow est un roman de science-fiction young adult extrêmement riche qui s'inspire autant de l'Histoire de la Chine que des séries de robots japonais. On y découvre une héroïne au caractère bien trempée, qui armée de son courage et d'une fureur absolue, change son univers et embrasse un destin grandiose. Une véritable ode au féminisme.

Je remercie Babelio et sa masse critique privilégiée de m'avoir fait découvrir ce titre que j'ai adoré. Cela m'a encouragée à lire plus d'auteurs chinois de fantasy.
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critiques presse (1)
Ricochet
18 février 2022
Les scènes de batailles se succèdent, dévoilant des machines de guerre pilotées grâce à l’énergie vitale couplée d’un homme et d’une femme. Une histoire originale et dépaysante portée par des personnages torturés, mais prêts à tout pour s’en sortir. Vivement la suite !
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A la réflexion, j’ai été bête de penser qu’elle me soutiendrait pour la seule raison que nous sommes toutes les deux des femmes.
C’est ma grand-mère qui m’a broyé les pieds.
C’est ma mère qui nous a encouragées, ma soeur et moi, à nous vendre comme concubines pour que notre frère puisse s’offrir une épouse.
C’était toujours les tantines du village qui jugeaient le plus sévèrement les filles pas encore mariées, alors qu’elles-mêmes se plaignaient sans cesse de leurs époux.
Ensuite, elles félicitaient toutes les jeunes mères qui venaient d’avoir un garçon en leur disant que c’était « une bénédiction ».
Comment anéantir la combativité d’une moitié de la population pour la réduire à un esclavage volontaire ? Vous lui dites qu’elle est destinée à la servitude depuis sa naissance. Qu’elle est faible. Qu’elle est une proie.
Vous le lui répétez suffisamment souvent pour que ça devienne une vérité. La seule vérité possible.
Page 250
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- Tu ne comprends pas. Il faut que ce soit moi qui le tue. J’ai besoin de venger ma grande sœur de mes propres mains.
Ses sourcils délicats se rejoignent au-dessus de son nez.
- Pourquoi ? Le karma se chargera de lui.
- Le karma n’existe pas, rétorqué-je comme si je voulais broyer chaque syllabe entre mes dents. Ou s’il existe, il n’en a rien à faire des gens comme moi. Certains d’entre nous sont nés pour qu’on se serve d’eux avant de les jeter. Nous ne pouvons pas nous laisser porter par le flot de la vie, parce que rien en ce monde n’est conçu pour nous ou ne penche en notre faveur. Si nous voulons quelque chose, il nous faut lutter pour le prendre par la force.
Page 51
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Comment anéantir la combativité d'une moitié de la population pour la réduire en esclavage volontaire ? Vous lui dites qu'elle est destinée à la servitude depuis sa naissance. Qu'elle est faible. Qu'elle est une proie.
Vous le lui répétez suffisamment souvent pour que ça devienne une vérité. La seule vérité possible.
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- Et tu as quand même préféré t’enrôler plutôt que rester avec lui ?
Je me radosse à ma chaise. Comment Li Shimin peut-il être aussi romantique et naïf ?
- Oui, parce que l’amour ne résout pas les problèmes. Résoudre les problèmes résout les problèmes.
Li Shimin jette un coup d’œil vers la cuisine, puis reporte son attention sur moi en secouant la tête.
- Pauvre garçon. Ne le laisse plus jamais filer.
Je gratte le bord de la table.
- Dommage, c’est avec toi que je suis coincée.
Page 215
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Être une fille ne m'a jamais rien apporté ; ça ne fait que restreindre mes libertés. Je n'ai pas le droit d'aller où que ce soit sans permission. De montrer trop de peau. De parler trop fort - ou même de parler tout court - si des hommes sont en train de discuter
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