AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 1 : La fortune des Rougon (453)

Les nobles se cloîtrent hermétiquement. Depuis la chute de Charles X, ils sortent à peine, se hâtant de rentrer dans leurs grands hôtels silencieux, marchant furtivement, comme en pays ennemi. Ils ne vont chez personne, et ne se reçoivent même pas entre eux. L'été, ils habitent les châteaux qu'ils possèdent aux environs ; l'hiver, ils restent au coin de leur feu. Ce sont des morts s'ennuyant dans la vie. Aussi leur quartier a-t-il le calme lourd d'un cimetière. Les portes et les fenêtres sont soigneusement barricadées ; on dirait une suite de couvents fermés à tous les bruits du dehors. De loin en loin, on voit passer un abbé dont la démarche discrète met un silence de plus le long des maisons closes, et qui disparaît comme une ombre dans l’entrebâillement d'une porte.
La bourgeoisie, les commerçants retirés, les avocats, les notaires, tout le petit monde aisé et ambitieux qui peuple la ville neuve, tâche de donner quelque vie à Plassans. Ceux-là vont aux soirées de M. le sous-préfet et rêvent de rendre des fêtes pareilles. Ils font volontiers de la popularité, appellent un ouvrier "mon brave", parlent des récoltes aux paysans, lisent les journaux, se promènent le dimanche avec leur dame. Ce sont les esprits avancés de l'endroit, les seuls qui se permettent de rire en parlant des remparts ; ils ont même plusieurs fois réclamé de "l'édilité" la démolition de ces vieilles murailles, "vestige d'un autre âge". D'ailleurs, les plus sceptiques d'entre eux reçoivent une violente commotion de joie chaque fois qu'un marquis ou un comte veut bien les honorer d'un léger salut. Le rêve de tout bourgeois de la ville neuve est d'être admis dans un salon du quartier Saint-Marc. Ils savent bien que ce rêve est irréalisable, et c'est ce qui leur fait crier très haut qu'ils sont libres penseurs, des libres penseurs tout de paroles, fort amis de l'autorité, se jetant dans les bras du premier sauveur venu, au moindre grondement du peuple.
Commenter  J’apprécie          180
Et ce fut ainsi que, pendant près de deux ans, ils s’aimèrent dans l’allée étroite, dans la campagne large.
Leur idylle traversa les pluies glacées de décembre et les brûlantes sollicitations de juillet, sans glisser à la honte des amours communes ; elle garda son charme exquis de conte grec, son ardente pureté, tous ses balbutiements naïfs de la chair qui désire et qui ignore.
Les morts, les vieux morts eux-mêmes chuchotèrent vainement à leurs oreilles.
Commenter  J’apprécie          170
C'étaient, comme eux, des couples d'amoureux, hermétiquement clos dans un pan d'étoffe, promenant au fond de l'ombre leur tendresse discrète.
Commenter  J’apprécie          170
Tout l'esprit de la ville, fait de poltronnerie, d'égoisme, de routine, de la haine du dehors et du désir religieux d'une vie cloîtrée, se trouvait dans ces tours de clef donnés aux portes chaque soir. Plassans, quand il s'était bien cadenassé, se disait : "Je suis chez moi" , avec la satisfaction d'un bourgeois dévot qui, sans crainte pour sa caisse, certain de n'être réveillé par aucun tapage, va réciter ses prières et se mettre voluptueusement au lit . Il n'y a pas de cité, je crois, qui se soit entêtée si tard à s'enfermer comme une nonne.
Commenter  J’apprécie          170
Elle retira vivement sa pelisse, qu'elle remit ensuite, après l'avoir tournée du côté de la doublure rouge. Alors elle apparut, dans la blanche clarté de la lune, drapée d'un large manteau de pourpre qui lui tombait jusqu'aux pieds. Le capuchon, arrêté sur le bord de son chignon, la coiffait d'une sorte de bonnet phrygien. Elle prit le drapeau, en serra la hampe contre sa poitrine et se tint droite, dans les plis de cette bannière sanglante qui flottait derrière elle. Sa tête d'enfant exaltée, avec ses cheveux crépus, ses grands yeux humides, ses lèvres entrouvertes par un sourire, eut un élan d'énergique fierté, en se levant à demi vers le ciel. A ce moment, elle fut la vierge Liberté.
Commenter  J’apprécie          170
Cet homme illettré, dont l'orthographe était douteuse, rédigeait lui-même les articles de la Gazette avec une humilité et un fiel qui lui tenaient lieu de talent.
Commenter  J’apprécie          170
Conçue dans l'ivresse, sans doute pendant une de ces nuits honteuses où les époux s'assommaient, elle avait la cuisse droite déviée et amaigrie, étrange reproduction héréditaire des brutalités que sa mère avait eu à endurer dans une heure de lutte et de soûlerie furieuse.

[On parle de Gervaise]
Commenter  J’apprécie          160
L’autre fils Rougon, Pascal, celui qui était né entre Eugène et Aristide, ne paraissait pas appartenir à la famille. C’était un de ces cas fréquents qui font mentir les lois de l’hérédité. La nature donne souvent ainsi naissance, au milieu d’une race, à un être dont elle puise tous les éléments dans ses forces créatrices. Rien au moral ni au physique ne rappelait les Rougon chez Pascal. Grand, le visage doux et sévère, il avait une droiture d’esprit, un amour de l’étude, un besoin de modestie, qui contrastaient singulièrement avec les fièvres d’ambition et les menées peu scrupuleuses de sa famille. Après avoir fait à Paris d’excellentes études médicales, il s’était retiré à Plassans par goût, malgré les offres de ses professeurs. Il aimait la vie calme de la province ; il soutenait que cette vie est préférable pour un savant au tapage parisien. Même à Plassans, il ne s’inquiéta nullement de grossir sa clientèle. Très sobre, ayant un beau mépris pour la fortune, il sut se contenter des quelques malades que le hasard seul lui envoya. Tout son luxe consista dans une petite maison claire de la ville neuve, où il s’enfermait religieusement, s’occupant avec amour d’histoire naturelle. Il se prit surtout d’une belle passion pour la physiologie. On sut dans la ville qu’il achetait souvent des cadavres au fossoyeur de l’hospice, ce qui le fit prendre en horreur par les dames délicates et certains bourgeois poltrons. On n’alla pas heureusement jusqu’à le traiter de sorcier ; mais sa clientèle se restreignit encore, on le regarda comme un original auquel les personnes de la bonne société ne devaient pas confier le bout de leur petit doigt, sous peine de se compromettre. On entendit la femme du maire dire un jour : "J’aimerais mieux mourir que de me faire soigner par ce monsieur. Il sent le mort."
Commenter  J’apprécie          160
Pendant deux années, ils vinrent là chaque jour. Ils y jouirent, lors de leurs premiers rendez-vous, de quelques belles nuits encore toutes tièdes. Les amoureux purent se croirent en mai, au mois des frissons de la sève, lorsqu'une bonne odeur de terre et de feuilles nouvelles traîne dans l'air chaud.
Commenter  J’apprécie          160
Cependant Rougon fit lier solidement les poings de Macquart avec les embrasses des grands rideaux verts du cabinet. Celui-ci ricanait, pleurant de rage. « C’est cela, allez toujours… balbutiait-il. Ce soir ou demain, quand les autres reviendront, nous réglerons nos comptes ! » Cette allusion à la bande insurrectionnelle fit passer un frisson dans le dos des vainqueurs. Rougon surtout éprouva un léger étranglement. Son frère, qui était exaspéré d’avoir été surpris comme un enfant par ces bourgeois effarés, qu’il traitait d’abominables pékins, à titre d’ancien soldat, le regardait, le bravait avec des yeux luisants de haine. « Ah ! j’en sais de belles, j’en sais de belles ! reprit-il sans le quitter du regard. Envoyez-moi donc un peu devant la cour d’assises pour que je raconte aux juges des histoires qui feront rire. » Rougon devint blême. Il eut une peur atroce que Macquart ne parlât et ne le perdît dans l’estime des messieurs qui venaient de l’aider à sauver Plassans. D’ailleurs, ces messieurs, tout ahuris de la rencontre dramatique des deux frères, s’étaient retirés dans un coin du cabinet, en voyant qu’une explication orageuse allait avoir lieu. Rougon prit une décision héroïque. Il s’avança vers le groupe et dit d’un ton très noble :
« Nous garderons cet homme ici. Quand il aura réfléchi à sa situation, il pourra nous donner des renseignements utiles. » Puis, d’une voix encore plus digne : « J’accomplirai mon devoir, messieurs. J’ai juré de sauver la ville de l’anarchie, et je la sauverai, dussé-je être le bourreau de mon plus proche parent. »
Commenter  J’apprécie          150






    Lecteurs (10551) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les personnages des Rougon Macquart

    Dans l'assommoir, quelle est l'infirmité qui touche Gervaise dès la naissance

    Elle est alcoolique
    Elle boîte
    Elle est myope
    Elle est dépensière

    7 questions
    592 lecteurs ont répondu
    Thème : Émile ZolaCréer un quiz sur ce livre

    {* *}