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Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 19 : La Débâcle (164)

(...) et il n'était plus un homme, si borné fût-il, qui n'éprouvât le malaise d'être mal conduit, attardé à tort, poussé au hasard dans la plus désastreuse des aventures. Qu'est-ce qu'on fichait là, bon Dieu! puisque les Prussiens ne venaient pas?
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Mais Prosper ne répondait pas, devenait inquiet. Lui, ce qui le bouleversait, plus encore que les cadavres des camarades,  c'étaient les corps des chevaux, les pauvres chevaux sur le flanc, qu'on rencontrait en grand nombre. Il y en avait vraiment de lamentables, dans des attitudes affreuses, la tête arrachée,  les flancs crevés,  laissant couler leurs entrailles. Beaucoup,  sur le dos, le ventre énorme, dressaient en l'air leurs quatre jambes raidies, pareilles à des pieux de détresse. La plaine sans bornes en était bossuée.
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Un attendrissement invincible envahissait Maurice, ses yeux se troublaient, le tutoiement monta de son coeur à ses lèvres,  dans un besoin immense d'affection, comme s'il retrouvait son frère chez ce paysan exécré autrefois, dédaigné encore la veille.
- Tu es un brave homme, toi...Merci mon vieux.
Et Jean, l'air très heureux, le tutoya aussi, avec son tranquille sourire.
- Maintenant,  mon petit, j'ai encore du tabac, veux-tu une cigarette?
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- Tiens ! murmura-t-il, c'est plein de mouches.
À trois reprises déjà, il avait entendu comme un vol d'abeilles.
- Mais non, dit Jean en riant, ce sont des balles.
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On commençait à mettre de la paille entre les lits, on serrait les blessés les uns contre les autres. Déjà on en comptait près de deux cents et il en arrivait toujours. Les larges fenêtres éclairaient d’une clarté blanche toutes cette souffrance humaine entassée. Parfois, un mouvement trop brusque, un cri involontaire s’élevait. Des râles d’agonie passaient dans l’air moite. Tout au fond, une plainte douce presque chantante ne cessait pas. Et le silence se faisait plus profond, une sorte de stupeur résignée, le morne accablement d’une chambre de mort, que coupaient seuls les pas et les chuchotements des infirmiers.
Les blessures pansées à la hâte sur le champ de bataille, quelques-unes demeurées à vif, étalaient leur détresse, entre les lambeaux des capotes et des pantalons déchirés. Des pieds allongés, chaussés, encore broyés et saignants, des genoux et des coudes, comme rompus à coup de marteaux, laissaient pendre des membres inertes. Il y avait des mains cassées, des doigts qui tombaient, retenus à peine par un fil de peau. Les jambes et les bras fracturés semblaient les plus nombreux, raidis de douleur, d’une pesanteur de plomb.
Mais surtout, les inquiétantes blessures étaient celles qui avaient troué le ventre, la poitrine ou la tête. Des flancs saignaient par des déchirures affreuses, des nœuds d’entrailles étaient fait sous la peau soulevée, des reins entamés, hachés tordaient les attitudes en des contorsions frénétiques. De part en part, des poumons étaient traversés, les uns d’un trou si mince qu’il ne saignait pas, les autres d’une fente béante d’où la vie coulait en un flot rouge.
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- Ah ! l'Allemagne, je la connais bien aussi ; et le terrible, c'est que vous autres, vous paraissez l'ignorer autant que la Chine... Vous vous souvenez, Maurice, de mon cousin Gunther, ce garçon qui est venu, le printemps dernier, me serrer la main à Sedan. Il est mon cousin par les femmes : sa mère, une sœur de la mienne, s'est mariée à Berlin ; et il est bien de là-bas, il a la haine de la France. Il sert aujourd’hui comme capitaine dans la garde prussienne... Le soir où je l'ai reconduit à la gare, je l'entends encore me dire, de sa voix coupante : "Si la France nous déclare la guerre, elle sera battue".
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Le blessé eut un geste vague.
« Oh ! moi, qu’est ce ça fait ? il y en a bien d’autres !... C’est peut-être nécessaire cette saignée. La guerre, c’est la vie qui ne peut pas être sans la mort. »
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Jean, debout, jeta un coup d’œil dans le camp, où une agitation dernière se produisait, au passage de la retraite. Quelques hommes couraient. D’autres, assoupis déjà, se soulevaient, s’étiraient d’un air de lassitude irritée. Lui, patient, attendait l’appel, avec cette tranquillité d’humeur, ce bel équilibre raisonnable, qui faisait de lui un excellent soldat. Les camarades disaient qu’avec de l’instruction il serait peut-être allé loin. Sachant tout juste lire et écrire, il n’ambitionnait même pas le grade de sergent.
Quand on a été paysan, on reste paysan
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Dans le bois, dans le grand silence noir des arbres immobiles, quand ils n'entendirent plus rien, que plus rien ne remua et qu'ils se crurent sauvés, une émotion extraordinaire les jeta aux bras l'un de l'autre. Maurice pleurait à gros sanglots, tandis que des larmes lentes ruisselaient sur les joues de Jean. C'était la détente de leur long tourment, la joie de se dire que la douleur allait peut-être avoir pitié d'eux. Et ils se serraient d'une étreinte éperdue, dans la fraternité de tout ce qu'ils venaient de souffrir ensemble ; et le baiser qu'ils échangèrent alors leur parut le plus doux et le plus fort de leur vie, un baiser tel qu'ils n'en recevraient jamais d'une femme, l'immortelle amitié, l'absolue certitude que leurs deux coeurs n'en faisaient plus qu'un, pour toujours [...].

Violemment, Jean déboucha dans la rue du Bac, avec les quelques hommes de son escouade. D'abord, il ne vit personne, il crut que la barricade venait d'être évacuée. Puis, là-bas, entre deux sacs de terre, il aperçut un communard qui remuait, qui épaulait, tirant encore dans la rue de Lille. Et ce fut sous la poussée furieuse du destin, il courut, il cloua l'homme sur la barricade, d'un coup de baïonnette.
Maurice n'avait pas eu le temps de se retourner. Il jeta un cri, il releva la tête. Les incendies les éclairaient d'une aveuglante clarté.
"Oh ! Jean, mon vieux Jean, est-ce toi ?"
Mourir, il le voulait, il en avait l'enragée impatience. Mais mourir de la main de son frère, c'était trop, cela lui gâtait la mort, en l'empoisonnant d'une abominable amertume.
"Est-ce donc toi, Jean, mon vieux Jean ?".
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Des semences scélérates pour de funestes moissons.
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