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Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 19 : La Débâcle (164)

Combien de braves gens pour un gredin, parmi les douze mille malheureux à qui la commune avait coûté la vie ! L’ordre de cesser les exécutions était, disait-on, venu de Versailles. Mais l’on tuait quand même, Thiers devait rester le légendaire assassin de Paris, dans sa gloire pure de libérateur du territoire ; tandis que le maréchal De Mac-Mahon, le vaincu de Frœschwiller, dont une proclamation couvrait les murs, annonçant la victoire, n’était plus que le vainqueur du père-Lachaise. Et Paris ensoleillé, endimanché, paraissait en fête, une foule énorme encombrait les rues reconquises, des promeneurs allaient d’un air de flânerie heureuse voir les décombres fumants des incendies, des mères tenant à la main des enfants rieurs, s’arrêtaient, écoutaient un instant avec intérêt les fusillades assourdies de la caserne Lobau.
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Tout au fond, une plainte douce, presque chantante, ne cessait pas. Et le silence se faisait plus profond, une sorte de stupeur résignée, le morne accablement d’une chambre de mort, que coupaient seuls les pas et les chuchotements des infirmiers. Les blessures, pansées à la hâte sur le champ de bataille, quelques-unes même demeurées à vif, étalaient leur détresse, entre les lambeaux des capotes et des pantalons déchirés. Des pieds s’allongeaient, chaussés encore, broyés et saignants. Des genoux et des coudes, comme rompus à coups de marteau, laissaient pendre des membres inertes. Il y avait des mains cassées, des doigts qui tombaient, retenus à peine par un fil de peau. Les jambes et les bras fracturés semblaient les plus nombreux, raidis de douleur, d’une pesanteur de plomb. Mais, surtout, les inquiétantes blessures étaient celles qui avaient troué le ventre, la poitrine ou la tête. Des flancs saignaient par des déchirures affreuses, des nœuds d’entrailles s’étaient faits sous la peau soulevée, des reins entamés, hachés, tordaient les attitudes en des contorsions frénétiques. De part en part, des poumons étaient traversés, les uns d’un trou si mince, qu’il ne saignait pas, les autres d’une fente béante d’où la vie coulait en un flot rouge ; et les hémorragies internes, celles qu’on ne voyait point, foudroyaient les hommes, tout d’un coup délirants et noirs. Enfin, les têtes avaient souffert plus encore : mâchoires fracassées, bouillie sanglante des dents et de la langue ; orbites défoncées, l’œil à moitié sorti ; crânes ouverts, laissant voir la cervelle. Tous ceux dont les balles avaient touché la moelle ou le cerveau, étaient comme des cadavres, dans l’anéantissement du coma ; tandis que les autres, les fracturés, les fiévreux, s’agitaient, demandaient à boire, d’une voix basse et suppliante.
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Et Jean, le jeune humble et le plus douloureux, s' en alla, marchant à l' avenir,
à la grande et rude besogne de toute France à refaire .
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Moi, je lavais ma chemise, tandis qu’on faisait la soupe… Imaginez-vous un sale trou, un vrai entonnoir, avec des bois tout autour, qui avaient permis à ces cochons de Prussiens de s’approcher à quatre pattes, sans qu’on s’en doute seulement… Alors, à sept heures, voilà que les obus se mettent à tomber dans nos marmites. Nom de dieu ! ça n’a pas traîné, nous avons sauté sur nos flingots, et jusqu’à onze heures, vrai ! On a cru qu’on leur allongeait une raclée dans les grands prix… Mais faut que vous sachiez que nous n’étions pas cinq mille et que ces cochons arrivaient, arrivaient toujours. J’étais, moi, sur un petit coteau, couché derrière un buisson, et j’en voyais déboucher en face, à droite, à gauche, oh ! De vraies fourmilières, des files de fourmis noires, si bien que, quand il n’y en avait plus, il y en avait encore. Ce n’est pas pour dire, mais nous pensions tous que les chefs étaient de rudes serins, de nous avoir fourrés dans un pareil guêpier, loin des camarades, et de nous y laisser aplatir, sans venir à notre aide… Pour lors, voilà notre général, le pauvre bougre de général Douay, pas une bête ni un capon, celui-là, qui gobe une prune et qui s’étale, les quatre fers en l’air. Nettoyé, plus personne ! ça ne fait rien, on tient tout de même. Pourtant, ils étaient trop, il fallait bien déguerpir. On se bat dans un enclos, on défend la gare, au milieu d’un tel train, qu’il y avait de quoi rester sourd… et puis, je ne sais plus, la ville devait être prise, nous nous sommes trouvés sur une montagne, le Geissberg, comme ils disent, je crois ; et alors, là, retranchés dans une espèce de château, ce que nous en avons tué, de ces cochons ! Ils sautaient en l’air, ça faisait plaisir de les voir retomber sur le nez… Et puis, que voulez-vous ? Il en arrivait, il en arrivait toujours, dix hommes contre un, et du canon tant qu’on en demandait. Le courage, dans ces histoires-là, ça ne sert qu’à rester sur le carreau. Enfin, une telle marmelade, que nous avons dû foutre le camp… N’empêche que, pour des serins, nos officiers se sont montrés de fameux serins, n’est-ce pas, Picot ?
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Et l'amitié leur devenait à tous deux comme un élargissement : on avait beau ne pas s'embrasser, on se touchait à fond, on était l'un dans l'autre, si différent que l'on fût, sur cette terrible route de Remilly, l'un soutenant l'autre, ne faisant plus qu'un être de pitié et de souffrance.
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Donc, puisque tu es un cochon, je vas te saigner comme un cochon .
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Le général parlait librement devant cet homme, commentait la marche de l’armée, puis l’interrogeait sur la route et les distances, oubliant qu’il n’était point des Ardennes. L’ignorance absolue que montraient les questions, finit par émouvoir le colonel. Lui, avait habité Mézières. Il donna quelques indications précises, qui arrachèrent ce cri au général :
— C’est idiot tout de même ! Comment voulez-vous qu’on se batte dans un pays qu’on ne connaît pas !
Le colonel eut un vague geste désespéré. Il savait que, dès la déclaration de guerre, on avait distribué à tous les officiers des cartes d’Allemagne, tandis que pas un, certainement, ne possédait une carte de France. Depuis un mois, ce qu’il voyait et ce qu’il entendait l’anéantissait. Il ne lui restait que son courage, dans son autorité de chef un peu faible et borné, qui le faisait aimer plutôt que craindre de son régiment.

(p.99)
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Il la vit, d'une ressemblance frappante avec Maurice. Pourtant elle était plus petite, plus mince encore, d'apparence frêle, avec sa bouche un peu grande, ses traits menus, sous son adorable chevelure, timide, d'un blond clair d'avoine mûre. Elle parlait peu, marchait sur la pointe de ses pieds nus sans bruit, d'une activité si adroite, d'une douceur si riante, qu'on la sentait comme une caresse dans l'air où elle passait.
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Il fut très surpris de revoir, à sa droite, au fond du vallon écarté, protégé par des pentes rudes, le paysan qu'il avait vu ce matin et qui continuait à labourer sans hâte, poussant sa charrue attelée d'un grand cheval blanc. Pourquoi perdre un jour ? Ce n'était pas parce qu'on se battait, que le blé cesserait de croître et le monde de vivre.
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Huit longs jours encore s’écoulèrent. Paris
agonisait, sans une plainte. Les boutiques ne
s’ouvraient plus, les rares passants ne
rencontraient plus de voitures, dans les rues
désertes. On avait mangé quarante mille chevaux,
on en était arrivé à payer très cher les chiens, les
chats et les rats. Depuis que le blé manquait, le
pain, fait de riz et d’avoine, était un pain noir,
visqueux, d’une digestion difficile ; et, pour en
obtenir les trois cents grammes du rationnement,
les queues interminables, devant les boulangeries,
devenaient mortelles. Ah ! ces douloureuses
stations du siège, ces pauvres femmes
grelottantes sous les averses, les pieds dans la
boue glacée, toute la misère héroïque de la
grande ville qui ne voulait pas se rendre !
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