Dans la neige.
Il s’arrête un instant. Puis il dit d’une voix plus ferme : « Assez, maintenant, de tout cela ! Pour l’heure, que faire ? »
Et de toute part, la réponse :
« La fuite ! — Nous devons fuir ! — Passer en Pologne ! »
C’est l’unique expédient qu’ils connaissent tous, le mode de combat usé, pitoyable et pourtant irremplaçable du plus faible face au fort. Aucun ne pense à résister. Un Juif, se battre ou se défendre ? C’est à leurs yeux quelque chose de grotesque et d’impensable, ils ne vivent plus au temps des Maccabées, les jours de l’esclavage sont revenus, les Égyptiens sont encore là, qui ont imprimé sur le peuple le sceau éternel de la faiblesse et de la servitude, ce sceau que le flot des siècles ne peut effacer.
Alors, la fuite !
Ce fut un baiser comme je n'en ai jamais reçu d'une femme, un baiser sauvage et désespéré comme un cri de mort. Son tremblement convulsif passa en moi. Je frémis, en proie à une double sensation, à la fois étrange et terrible : mon âme s'abandonnait à lui, et pourtant j'étais épouvanté jusqu'au tréfonds de moi-même par la répulsion qu'avait mon corps à se trouver ainsi au contact d'un homme — dans une inquiétante confusion de sentiments qui donnait à cette seconde, que je vivais sans l'avoir voulue, une étourdissante durée.