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Citations sur Le Monde d'hier : Souvenirs d'un Européen (290)

Là, ces livres furent tantôt cloués au pilori suivant le vieil adage allemand, le Moyen Âge étant subitement redevenu à la mode, et j’ai moi-même possédé un exemplaire d’un de mes livres transpercé par un clou, qu’un étudiant de mes amis avait sauvé de l’exécution pour m’en faire cadeau – […]
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Au cours de ces heures passées en sa société, j'avais souvent parlé avec Freud de l'horreur du monde hitlérien et de la guerre. En homme vraiment humain, il était profondément bouleversé, mais le penseur ne s'étonnait nullement de cette effrayante éruption de la bestialité. On l'avait toujours traité de pessimiste, disait-il, parce qu'il avait nié le pouvoir de la culture sur les instincts ; maintenant - il n'en était, certes, pas plus fier - on voyait confirmée de la façon la plus terrible son opinion que la barbarie, l'instinct élémentaire de destruction ne pouvait pas être extirpés de l'âme humaine.
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Et quand nous rencontrions une de ces hordes enrubannées, nous tournions prudemment au coin de la rue ; car à nos yeux, à nous pour qui la liberté individuelle était le premier des biens, ce plaisir puisé dans l’agressivité ainsi que cet amour de la servilité grégaire ne révélaient que trop ostensiblement ce que comportait de pire et de plus dangereux l’esprit allemand.
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Nous autres jeunes gens, dans le cocon de nos ambitions littéraires, remarquions peu de chose de ces dangereuses transformations dans notre patrie ; nous n'avions d'yeux que pour les livres et les tableaux. Nous ne prêtions pas le moindre intérêt aux problèmes politiques et sociaux. Que signifiaient dans notre vie ces violentes querelles ? La ville s'agitait à l'approche des élections, et nous allions dans les bibliothèques. Les masses se levaient, et nous écrivions et discutions des poèmes. Nous ne voyions pas les signes de feu inscrits sur le mur et, inconscients comme jadis le roi Balthazar, nous nous gorgions de tous les mets délicieux de l'art, sans jeter vers l'avenir des regards anxieux. Et c'est seulement lorsque, des dizaines d'années plus tard, toits et murailles s'effondrèrent sur nos têtes que nous reconnûmes que les fondations étaient depuis longtemps sapées, et qu'avec le siècle nouveau avait débuté la ruine de la liberté individuelle en Europe.
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Mais peut-être une puissance plus profonde, plus mystérieuse, était-elle aussi à l’œuvre sous cette ivresse. Cette houle se répandit si puissamment, si subitement sur l’humanité que, recouvrant la surface de son écume, elle arracha des ténèbres de l’inconscient, pour les tirer au jour, les tendances obscures, les instincts primitifs de la bête humaine, ce que Freud, avec sa profondeur de vues, appelait « le dégoût de la culture », le besoin de s’évader une bonne fois du monde bourgeois des lois et des paragraphes, et d’assouvir les instincts sanguinaires immémoriaux. Peut-être ces puissances obscures avaient-elles aussi leur part dans cette brutale ivresse de l’aventure et la foi la plus pure, la vieille magie des drapeaux et des discours patriotiques — cette inquiétante ivresse des millions d’êtres, qu’on peut à peine peindre avec des mots et qui donnait pour un instant au plus grand crime de notre époque un élan sauvage et presque irrésistible.
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En ma qualité d’Autrichien, de Juif, d’écrivain, d’humaniste et de pacifiste, je me suis toujours trouvé à l’endroit exact où les secousses sismiques exerçaient leurs effets avec le plus de violence.
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Rien - il faut le rappeler sans cesse - n'a aigri le peuple allemand, ne l'a rendu haineux au point de le précipiter dans les bras de Hitler, autant que l'inflation.
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Quand elle change, la distance qui nous sépare de notre terre natale change aussi notre instrument de mesure intérieur. Autrefois, bien des choses insignifiantes m'avaient occupé plus que de raison, mais à mon retour je me mis à les tenir pour insignifiantes et à ne plus du tout considérer notre Europe comme l'axe éternel de l'univers.
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Peu à peu, il devint impossible d’échanger avec quiconque une parole raisonnable. Les plus pacifiques, les plus débonnaires étaient enivrés par les vapeurs de sang. Des amis que j’avais toujours connus comme des individualistes déterminés s’étaient transformés du jour au lendemain en patriotes fanatiques. Toutes les conversations se terminaient par de grossières accusations. Il ne restait dès lors qu’une chose à faire : se replier sur soi-même et se taire aussi longtemps que durerait la fièvre. 
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La haine entre les pays, les peuples, les couches sociales ne s 'etalait pas quotidiennement dans les journaux, elle ne divisait pas encore les hommes et les nations, l' odieux instinct du troupeau, de la masse, n'avait pas encore la puissance répugnante qu'il a acquise depuis dans la vie publique, la liberté d'action dans le privé allait de soi à un point qui serait à peine concevable aujourd'hui, on ne méprisait pas la tolérance comme un signe de mollesse et de faiblesse, in ka prisait très haut comme une force éthique.
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