Citations sur Vingt-quatre heures de la vie d'une femme - Le Voyage.. (23)
Non, jamais, jamais encore, je n’avais vu des mains ayant une
expression si extraordinairement parlante, une forme d’agitation et de tension si spasmodique. Sous cette grande voûte, tout le reste, le murmure qui remplissait les salons, les cris
bruyant des croupiers, le va-et-vient des gens et celui de la boule elle-même, qui maintenant, lancée de haut, bondissait comme une possédée dans sa cage ronde au parquet luisant, -toute cette multiplicité d’impressions s’enchevêtrant et se succédant pêle-mêle et obsédant les nerfs avec violence, tout cela
paraissait brusquement mort et immobile à côté de ces deux mains frémissantes, haletantes, comme essoufflées, en attente, grelottantes et frissonnantes, à côté de ces deux mains inouïes qui me
fascinaient quasiment et accaparaient toute mon attention.
l’âge amortit de façon étrange tous les sentiments.
Sinon, comment expliquerait-on que des gens qui eux-mêmes ne savent pas nager s’élancent du haut d’un pont au secours de quelqu’un qui se noie ? C’est simplement une puissance magique qui les entraîne, une volonté qui les pousse à se jeter à l’eau avant qu’ils aient le temps de réfléchir à la témérité insensée de leur entreprise.
...il est intolérable de rester le regard fixé, sa vie durant, sur un seul point de son existence, sur un seul jour.
Mais rien, rien au monde ne pouvait traduire de façon aussi bouleversante le désespoir, l'absolu renoncement, l'état de mort en pleine vie, que l'immobilité de cet être qui restait là assis sous une pluie battante, sans rien sentir, sans force pour se lever et faire les quelques pas qui le séparaient du toit protecteur- cette indifférence parfaite à sa propre existence.
Je sais encore distinctement que de battre mon cœur s’est arrêté...
...je voulais encore une fois revivre, pour en jouir rétrospectivement, trait à trait, ces émotions fugitives, grâce à cette façon magique de se tromper soi-même que nous appelons le souvenir ...
Vieillir n’est, au fond, pas autre chose que n’avoir plus peur de son passé.
(Voyage dans le passé)
Tout était dit avec pureté, sans exagération ostentatoire ni attendrissement sentimental, tout leur passé était purement disloqué, se prolongeant sous forme de sympathie. Jamais il n’aurait attendu autre chose de la délicatesse de son cœur, mais pourtant, ressentant cette manière claire et assurée (il pensa d'un coup être plongé dans son regard), grave et pourtant souriante dans un éclat de bonté, il fut subjuguée par une manière d'émotion reconnaissante : il s'assit aussitôt, lui écrivit longtemps et en détail, et l'habitude, perdue depuis longtemps, de se raconter leur vie, était de nouveau devenue une évidence - ici, la tempête qui avait balayé un monde d'avait rien pu détruire.
(Voyage dans le passé)
Il n'est pas dans la nature humaine de ne vivre que de souvenirs, et à l'instar des plantes, et de ces autres organismes qui ont continuellement besoin de nourritures terrestres et de la lumière du soleil qu'ils filtrent perpétuellement, afin que leurs couleurs restent vives et que leurs calices ne s'étiolent pas, les rêves aussi ont besoin, y compris ceux qui semblent célestes, de nourriture charnelle, d'une aide tendre et d'images, sans quoi leur sang coagule et leur luminosité perd de son éclat.