Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses.
Si ton voisin se salit, tu ne peux pas te frotter à lui sans nécessairement te salir, quelque propre que tu sois toi-même.
Nul ne peut te léser, si tu ne le veux point, car tu ne seras lésé que si tu juges qu'on te lèse.
Le maître d'un homme, c'est celui qui a la puissance sur ce que veut ou ne veut pas cet homme, pour le lui donner ou le lui ôter. Que celui qui veut être libre, n'ait ni attrait ni répulsion pour rien de ce qui dépend des autres; sinon, il sera fatalement malheureux.
Applique-toi donc à ce que tu peux.
Si tu veux progresser, résigne-toi, quant aux choses extérieures, à passer pour un insensé et un sot. Ne tiens pas à paraître savoir; et, si tu parais être quelqu'un à quelques-uns, défie-toi de toi-même. Sache, en effet, qu'il n'est pas facile de garder sa volonté dans un état conforme à la nature et de se soucier des choses du dehors. Mais il est de toute nécessité qu'en s'occupant de l'un on doive négliger l'autre.
Qu'est-ce qui est à toi? L'usage des idées.
Tout homme a pour maître celui qui peut lui apporter ou lui soustraire ce qu’il désire ou ce qu’il craint. Que ceux qui veulent être libres s’abstiennent donc de vouloir ce qui ne dé-pend pas d’eux seuls : sinon, inévitablement, ils seront esclaves.
Souviens-toi donc que si tu regardes comme libre ce qui de sa nature est esclave, et comme étant à toi ce qui est à autrui, tu seras contrarié, tu seras dans le deuil, tu seras troublé, tu t’en prendras et aux dieux et aux hommes ; mais si tu ne regardes comme étant à toi que ce qui est à toi, et si tu regardes comme étant à autrui ce qui, en effet, est à autrui, personne ne te contraindra jamais, personne ne t’empéchera, tu ne t’en prendras à personne, tu n’accuseras personne, tu ne feras absolument rien contre ton gré, personne ne te nuira ; tu n’auras pas d’ennemi, car tu ne souffriras rien de nuisible.
Ne dis jamais de rien : " Je l'ai perdu " mais : " Je l'ai rendu."