Extrait du livre audio « Les dames de Marlow enquêtent, tome 2 - Il suffira d'un cygne » de Robert Thorogood, traduit par Sophie Brissaud, lu par Rachel Arditi. Parution CD et numérique le 15 février 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/les-dames-de-marlow-enquetent-tome-2-il-suffira-dun-cygne-9791035408022/
Une fois que Sir Peter eut abandonné le champ de bataille, les invités firent la seule chose que pouvaient faire d'authentiques Anglais et Anglaises bien nés : ils reprirent leurs petites conversations comme s'il n'y avait eu aucun problème.
Judith évalua silencieusement la détective Malik. Personne efficace et même compétente, mais totalement dépourvue d'imagination. Le genre première de la classe, conclut-elle sans aménité. A sa décharge, il convient de préciser qu'adolescente Judith s'était fait virer du pensionnat très chic où ses parents l'avaient envoyée. Ainsi que du pensionnat beaucoup moins chic où on l'avait admise ensuite. Puis du pennsionnat suivant. Dans ces conditions, il va de soi que ses relations avec les fameuses premières de la classe n'avaient jamais été au beau fixe.
Après la disparition de sa tante, Judith avait adopté son rituel par fidélité : un verre de scotch chaque soir, c'était juste de la bonne éducation. Pour faire honneur à sa tante. (...)
Son trait de whisky du soir en main, elle bâtit son plan d'action. (...).
Elle but d'un trait, ce premier trait .
Elle s'en versa un autre. Ça l'aidait à penser.
La colère de Becks était surtout provoquée par une prise de conscience : ce manque d'autorité au sein de sa famille, elle le devait à elle-même au moins autant qu'à ses proches. À l'époque de ses fiançailles, elle avait hâte d'avoir la bague au doigt et de prendre le nom de son mari ; mais des années plus tard, dépouillée de tout jusqu'à son nom, elle se sentait larguée, à la dérive.
- Mais ce n’est pas possible ! Elle fait du yoga !
Judith n’était pas sûre d’avoir bien entendu.
- Tu n’es tout de même pas en train de nous dire que les gens qui font du yoga ne tuent jamais personne !
- Si ! Absolument !
Judith était installée dans son fauteuil à oreilles préféré, caressant un petit verre de whisky, quand la sonnette de la porte d'entrée retentit. Elle en fut très agacée. A quoi servait-il de vivre seule s'il fallait laisser entrer les gens chez soi ?
Si l'on ne faisait que des choses intelligentes, on n'irait pas loin , pas vrai?
Vers 18 heures, elle eut une petite faim. Comme elle essayait, depuis quelques temps, de perdre un peu de poids, ce serait un oeuf poché sur un toast. Mais un seul oeuf, ce n'était tout de même pas sérieux, alors elle se fit deux oeufs sur deux toasts généreusement beurrés, Et quelques frites au four, pour boucher les trous, puisque le reste du repas avait été tellement diététique.
... une seule solution, se trouver une occupation. C'était toujours la solution. Elle alla vers la table du salon, où s'étalait un puzzle inachevé. Oui, voilà une bien meilleure idée : sans risque, succès garanti, et divertissant mais pas trop. Ce puzzle représentait un West Highland terrier en gilet écossais et le château d'Edimbourg en arrière plan. Judith n'aimait pas spécialement les West Highland terriers et pas du tout les West Highland terriers en gilet écossais. Mais comme elle achetait tous ses puzzles dans les dépôts-ventes de Marlow et les y rapportait une fois terminés, elle était bien contente d'en avoir trouvé un qu'elle n'avait jamais encore fait.
Son plus grand bonheur était de vivre seule sans homme. Ainsi personne ne lui demandait chaque soir ce qu'il y avait à diner ni pourquoi elle sortait des qu'elle mettait le nez dehors.