Extrait du livre audio « La Femme en moi » de Britney Spears, traduit par Cyrille Rivallan, Marion Roman, lu par Rachel Arditi. Parution numérique le 24 octobre 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/la-femme-en-moi-9791035415655/
Je rends visite quotidiennement à mon père. C’est une traversée de ruines. Plus il ne meurt pas, moins il vit pourtant.
(page 229)
Quand on a honte, c’est toujours trois fois : de l’objet de la honte, du sentiment lui-même, et enfin de la culpabilité qui en résulte. Ce sont toujours les gens que nous aimons le plus qui nous font honte. Pourquoi ne rit-on pas, enfants, des infirmités ou des différences de nos parents ?
(page 71)
Cendrillon en haillons, les cheveux blonds tout emmêlés et roulant les fesses avec beaucoup de décontraction. C’était ça, Victoire. Un petit souillon qui roulait des fesses.
(page 35)
Tatiana. C’est à Tatiana que je veux jouer. Tatiana qui me fait rêver. Tatiana, ignorée puis adorée. Tatiana réhabilitée, ressuscitée, retrouvée, rétablie, reconnue. Tatiana à qui est donnée la possibilité d’une deuxième chance. Et n’est-ce pas d’une deuxième chance que j’ai besoin, moi qui me sens cette plante laissée dans l’ombre et qui peine à s’épanouir ? Si je joue Tatiana, tout recommence pour moi.
(page 58)
Je ne parviens pas à me ressaisir devant le spectacle de cette bouche de mort, cette lèvre qui épouse pour la première fois les contours de sa mâchoire et laisse deviner son crâne. Je ne vois plus mon père, cet homme au corps robuste comme un rempart. Je vois son squelette. Une enveloppe prête à rompre dans laquelle vit encore quelqu’un.
(page 79)
… l’adaptation est un meurtre. Il faut tuer le père pour s’approprier son œuvre. Couper, tromper, tronquer, grossir parfois. On fait des choix.
(page 83)
Victoire ne mange pas. Elle bâfre. Gobe. S’empiffre. C’est un ogre. Un ogre dans le corps d’un elfe. Et tandis qu’elle remplit ainsi son gouffre, les paroles jaillissent d’elle, sûres, solides, incontestables.
(page 48)
Je suis fade. Derrière mes écrans, je n’ai plus ni corps ni discernement, et par conséquent rien à dire non plus. Quand j’ajoute un « j’aime », ce n’est pas par conviction, mais plutôt parce que ne pas le faire me donne le sentiment d’être plus creuse encore. Je like pour exister, pour ne pas signer ma complète disparition.
(page 31)
… comment on fabrique une pièce de théâtre à partir de ce roman ? Comment on transforme 389 strophes de 14 vers octosyllabiques, chacune identiquement construite de la même façon, 4 rimes croisées, 4 rimes plates, 4 rimes embrassées, 2 rimes plates – on ne dira jamais assez que les gens sont fous – comment on transforme cette matière, donc, en scènes de théâtre, 5 500 vers à transformer en une pièce de théâtre, c’était un vrai défi.
(page 62)
Assise sur une chaise, je porte un tee-shirt rayé. Mes cheveux noirs sont si brillants que des taches blanches y apparaissent en guise de reflets. Dans le fond, on aperçoit un paysage de champs, de cyprès et de montagnes, subtil mélange du Morvan, des Alpes et de la Provence. Je ne suis nulle part.
(pages 168-169)