Comment construisons-nous vies ? Comment les événements du monde influencent-ils nos parcours individuels ?... Hasard ou destinée ?
Autant que thèmes abordés avec talent dans le nouveau livre, audacieux et addictif, d'Edouard Jousselin.
Un roman foisonnant, violent et passionnant, chronique vertigineuse de notre époque et de notre monde.
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Le café est une étrange lubie américaine. C’est comme si toute une nation s’était convertie à la pire version de cette boisson et, non satisfaite d’en consommer des litres trop dilués, avait décidé d’inonder le monde de son jus de chaussette, que seuls le lait et le sucre sont en mesure de sauver.
Ça ne fait pas de bruit. Du moins ça n’en fait plus. Le fracas bref, puissant, s’est éteint aussitôt après le formidable craquement de tôle, éphémère comme un lacis de foudre. Sur la route, on ne perçoit pas la moindre trace d’un freinage. Rien. Pas de bandes de caoutchouc en lignes parallèles sur l’asphalte brûlant. Seulement le silence des débris.
(Incipit)
Tu vois l'histoire, c'est comme une falaise énorme. On ne peut pas grimper tout en haut tant elle est riche et massive. Le travail des écrivains, c'est d'installer des prises dans les failles pour aider les lecteurs à grimper quelques segments.
Chacun sculpe patiemment l'autre. Les couples heureux aussi bien que les couples malheureux. Isabelle, ma fille, tu as un don du ciel, à un point que tu ne réalises pas. ne l'oublie jamais, je t'en prie. Quand tu seras déformée comme moi il y a intérêt que ce soit par une vie de bonheur !
À chaque nouvelle attaque, les victimes passées du terrorisme se voient remettre le nez en plein dans la merde qu'ils ont vécue, et dont la majorité d’entre eux n'est jamais sortie. Le 11 septembre 2001 se vit en mondovision comme une finale olympique. L'excitation des téléspectateurs est au moins aussi intense. Un savant allemand a qualifié cette journée de premier événement mondial historique au sens strict.
Ben Crawford à Los Angeles, Jessica Dahlgren à Paris, Cándido Rincón dans sa loge de gardien de l’Arroyo Blanco, Isabelle et Dominique Richard à Quarré-les-Tombes, Lucien Michot sur son canapé, William et Lucy Smith dans le matin de l’'Oklahoma, Bruno Landisier quelque part sur la route d’un festival du film ou sur un plateau de tournage, tous reçoivent un flux d'ondes décrivant la trajectoire d'hommes se jetant d’une tour en flamme pour s’écraser à une vitesse folle sur la dalle new-yorkaise. Aucun ne peut détourner le regard ni éteindre son émetteur radio. Aucun ne comprend complètement ce qui se déroule. Aucun n'ose y croire. p. p. 261
Regarde-moi. Tu vois, ça c'est être vieille. Mais c'est pas le problème, ça. Je vais t'expliquer pourquoi ça ne m'affecte pas. Je vis avec Patrick depuis trente-huit ans. Il m'a connue, ma taille était plus fine qu'aujourd'hui, et lui, ce bon gros bonhomme, à l'époque, il courait des marathons. Je n'ai jamais voulu autre chose que de l'avoir près de moi, élever nos enfants dans notre maison à la campagne, recevoir des amis, ouvrir une bouteille de bon vin, de temps en temps. Je suis une femme simple avec des désirs simples.
C'est ma chance, je ne suis jamais bien loin du bonheur. Patrick et moi avons vécu, avons vieilli, sans y penser. Nous nous sommes déformés ensemble. Le corps et l'esprit. Surtout l'esprit. Cest ce que font les couples. Ils se déforment ensemble. Chacun sculpte patiemment l'autre. Les couples heureux aussi bien que les couples malheureux.
Isabelle, ... tu es un don du ciel, à un point que tu ne réalises pas. Ne l'oublie jamais, je t'en prie. Quand tu seras déformée comme moi, il y a intérêt que ce soit par une vie de bonheur !
"Il existe une hygiène du mensonge. Il suffit de répéter les phrases, comme une récitation de cours élémentaire. Après un certain temps, mentir ne coûte plus rien. Cela devient aussi facile que de dire la vérité. Plus tard encore, le vrai et le faux se dissolvent l'un dans l'autre, comme deux solubles dans un même vase. Ce n'est pas qu'ils sont indissociables, non, ils disparaissent tout simplement, et laissent place à quelque chose de bien plus beau : une histoire."
Elle regarde les murs blancs, sans photos ni cadres. Elle juge cela un peu triste, d'autant qu'à travers la lucarne ne pénètre aujourd'hui qu'une lumière grise et automnale. Elle se demande ce que Max peut bien faire de ses journées, sans cours, sans connaissance dans la ville. Est-ce qu'il s'ennuie ? Est-ce qu'il passe vraiment tout son temps sur son PC?
Ses parents regardaient un reportage, la semaine dernière, diffusé à l'occasion de la rentrée universitaire, à propos des étudiants qui quittent le foyer familial et qui ne se rendent jamais en classe. Beaucoup s'enferment dans une réalité virtuelle. Apparemnment, certains se masturbent jusqu'à douze fois par jour, d'autres visionnent des vidéos de djihadistes, d'animaux en souffrance ou de gangs new- yorkais ; tous finissent sans repère, sans but, sans perspective, broyés par la honte et le dégoût d'eux-mêmes.
Certains se suicident ou commettent des violences.
Elle préfère, de son coté, nourrir sa curiosité au contact des autres. Ceux qui savent, ceux qui ne savent pas, ceux qui doutent et surtout ceux qui ont tout à apprendre. Elle deviendra prof, au collège ou au lycée. Elle enseignera le français ou l’anglais à des gamins qui un jour, grâce à elle, partirons rencontrer le monde.
- Vous êtes professeur ?
- Si on veut, je donne un cours de cybercriminologie. Vous voyez, les crimes en ligne.
- je vois très bien. La cyber-criminalité, je connais. Un ordinateur a volé mon précédent job. Il faudra songer à le coffret à l'occasion. Cette affaire ma causé un sacré tort.