« Mais le destin ne cesse de réunir Ciara et Roman, ces deux âmes sœurs dont la rencontre remonte bien avant ce fameux jour sur la plage de Chesil. »
Elle m’aime sans condition et je n’ai jamais connu ça. Au début, j’ai cru que c’était pour m’amadouer, que du jour au lendemain elle allait retourner sa veste mais elle a continué à m’aimer, sans condition. Elle m’a parfois traité d’imbécile, d’irresponsable, d’arrogant mais ne m’a jamais fait sentir que j’étais de trop. Je me sens presqu’à ma place ici, même si j’ai encore des difficultés avec la langue. Elle dit que je ne fais aucun effort, qu’après dix mois je devrais parler couramment le français. Elle n’a pas tort, je n’y mets pas toujours du mien mais je pensais que j’avais le temps.
Je passe mes mains sur mon visage et expire profondément. Alice n’est pas quelqu’un qui se laisse aller. Elle se bat. Elle a toujours le moral et de l’énergie à revendre, malgré son âge.
Pas besoin de l’engraisser comme une vache comme tu le faisais avec moi. Je vais à la plage, dit ma mère en attrapant une grande serviette et en chaussant ses lunettes de soleil. Ne m’attendez pas. Ciara, ajoute-t-elle en se retournant avant de franchir la porte, on part vendredi. Et arrête de raconter n’importe quoi à ta grand-mère. Les amis, il faut les mériter. Déjà que tu as fait fuir ton père…
A quatorze ans on est fragile. Je l’étais. Et même si je me suis endurcie depuis, je pense l’être toujours un peu. Il y a des évènements dans la vie qui font que vous grandissez d’un coup, sans vraiment le vouloir. Des paroles qui vous blessent et qui vous changent, à jamais. Il fait bonne figure mais au fond je sais qu’il n’a pas plus envie que moi que je sois ici, dans sa maison, avec son fils.
Il me scrute des pieds à la tête et affiche un sourire moqueur et condescendant. Un sourire qui signifie que je ne ferai jamais partie de leur monde. Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que je ne souhaite pas faire partie de leur monde, je ne souhaite même pas être là mais je n’ai pas le choix. Elle ne m’a pas laissé le choix. Je lui en veux pour ça ; pour ça et pour tellement d’autres choses.
Elle est maintenant dans l’eau jusqu’aux genoux, pieds nus et les bras écartés, telle Rose dans Titanic. Ça en serait presqu’amusant si elle n’était pas aussi belle. Sa petite robe blanche colle son torse et laisse entrevoir une poitrine haute et ferme. Ses longs cheveux bruns flottent dans les airs et j’ai l’impression qu’elle fait partie de cette plage.
C’est incroyable le nombre d’imbéciles qu’on peut rencontrer dans ce boulot. Je ris intérieurement en repensant à Dylan Mac Connaught et à sa campagne pour le parfum Diane, créé en hommage pour sa jeune épouse. Notre projet était de loin le plus séduisant ; ce n’est pas pour me vanter mais je suis vraiment bon dans mon domaine, le meilleur.
Elle a tout le temps envie de baiser cette meuf. C’est probablement ce qui me plait le plus chez elle. J’étais crevé ce matin-là mais elle m’avait tellement sucé que ma queue était au garde à vous prête à embrocher tout ce qui se présentait. Et je l’avais embrochée, par devant, par derrière, et son petit cul dans la foulée.
J’ai toujours su qu’il ne m’aimait pas, toujours senti cette animosité envers moi, une sorte de colère et de mépris mélangés. Certes notre père a trompé sa mère avec la mienne mais ils étaient déjà séparés en ce temps-là. Ensuite ma mère est tombée enceinte et notre père s’est installé à Tonbridge.
Son regard me transperce, le souffle me manque. J’ai l’impression de me noyer dans ses yeux émeraude et je ne suis pas sûr d’avoir envie de revenir à la surface. Sa peau est fraîche et douce sous mes doigts. Elle rougit et je me rends compte qu’elle est assez jeune. Peut-être vingt ans.