Quand on est ligoté par l’espace, on fait ce qu’on peut. Le problème, c’est qu’elle était gâtée, après toutes ces années passées dans une maison pour elle toute seule. Des tas de gens n’ont rien de plus qu’une pièce pour y vivre, et ils y arrivent. Elle apprendrait à faire comme les autres locataires de clapiers modernes. Cela prendrait sûrement du temps. Il faut du temps pour tout. Elle avait essayé d’en faire trop et trop vite ; c’était sans doute pour cela qu’elle se sentait à présent écrasée par un sentiment de faillite. À partir de maintenant, elle se forcerait à ralentir, à prendre les choses comme elles viennent.
A un moment ou à un autre, on se fait tous des idées, en croyant avoir manipulé la vie de quelqu'un d'autre. Un mirage de grandeur. Les gens prennent la voie pour laquelle ils étaient faits. Croyez-moi.
Le visage en forme de cœur indiquait la jeunesse, mais pas au premier coup d’œil. L’arrangement faussement négligent des cheveux auburn indiquait l’argent, ou l’habileté à manier les ciseaux ; le costume pantalon indiquait l’argent, ou l’habileté à manier une machine à coudre ; le sac marron clair en bandoulière et les bottes brunes, qui avaient du style, trahissaient l’argent, sans aucun doute possible. Laquelle des nombreuses imperfections de la pièce ennuierait le plus une femme comme celle-là ? Les yeux calculateurs de l’homme fouillèrent la pièce comme elle l’avait fait, puis se posèrent à nouveau sur la femme.
Ses yeux, cherchant la source dans la foule, croisèrent un regard dur, plein d’animosité, les yeux noirs d’une femme qu’elle était sûre de n’avoir jamais vue auparavant. Les hautes pommettes saillantes, la mâchoire agressive et l’expression d’une personne ravagée par un tourment secret étaient faites pour laisser un souvenir indélébile, et les longs cheveux blonds argent qui semblaient appartenir à un autre visage n’étaient pas non plus de ceux qui s’oublient. Bizarre d’être distinguée pour être la cible de l’humeur d’une inconnue.
Tout le bla bla bla sur l’amour, c’est de la merde, et tout le bla bla bla sur la mort de l’amour, c’est de la merde entassée sur de la merde. Comment un chose qui n’a jamais existé peut-elle mourir ? La manière dont on se joue la comédie à nous-mêmes me fait dégueuler. On se vend comme des esclaves, et le pire dans tout ça, c’est qu’on est trop heureuse de le faire. Nous nous précipitons à notre perte les yeux fermés et des confettis dans les cheveux, et quand nous découvrons que c’est réellement notre perte que…
Toute cette histoire « d’une seule bite pour un seul con », c’est un mythe, un marché dans lequel les femmes ont servi trop longtemps de marchandise. Les hommes n’y croient pas, ils n’y ont jamais cru. C’est un truc qu’ils ont inventé pour nous garder dans le piège, et ce que ça a dû leur titiller la gaule, tout au long des âges, de nous voir avaler ça, hameçon, appât et tout. Baiser, c’est baiser. Tout ce qu’il faut pour ça, c’est une bite et un…
Elle s’assit en face d’une armoire de verre, qui aurait pu être bien plus propre. Pas le rêve comme miroir, mais ça faisait l’affaire. Trop bien, pour dire vrai. Les nuits sans sommeil, les nerfs passés au papier de verre, la mine de quelqu’un qui est au bout du rouleau, tout se voyait à la perfection. Le syndrome du mécanisme au ressort cassé. Une affection commune chez les médecins.
Je crois savoir juger les hommes et je jure qu’il n’y a pas une parcelle de perversité chez ce gosse. Il est clair comme de l’eau de roche. Le genre de type que sa maman a dressé à être poli avec les dames. Son style est peut-être d’honorer la lettre de la chevalerie plutôt que l’esprit mais tout de même, un lapin aussi grossier serait tabou.
Les femmes qui draguent dans les bars croient aussi avoir du jugement mais certaines finissent sur une dalle à la morgue. Toutes les filles qui invitent un inconnu dans leur lit invitent aussi les pépins. Si Judith ne s’en sort qu’avec un ego meurtri, elle a eu du pot, c’est tout.
D’abord, une profonde inspiration qui devint un soupir. « Je veux dire, ce n’est pas seulement la répugnance que j’éprouve à faire tout un baratin au sujet de mes problèmes, bien que ce soit ça en partie – les vieilles habitudes ont la vie dure. Mais il n’y a vraiment pas grand’chose à raconter. Les choses n’ont pas du tout foiré brusquement, rien de ce genre. Ça a été plutôt un processus d’érosion.