Une grosse motte d'amour doublée d'une usine à conneries, qui m'accueillait à mon retour du travail avec bonheur. Je lui pardonnais cependant tout à la minute où ses aboiements firent déguerpir la énième bande d'ados braillant qui vint frapper à ma porte pour Halloween à minuit. Comme quoi, les Dracula en culotte courte ont quand même peur des chiens !
Elle qui vivait dans une maison aussi belle qu’un palais savait bien que cet écrin ne recelait pourtant que froideur et douleur. S’il en était ainsi d’une maison, pouvait-il en être autrement d’une personne ? Jamais, au cours des précédentes Saisons, aucun homme n’avait retenu son attention. Ni son corps ni son esprit n’avaient jamais réagi en leur présence au-delà de la simple satisfaction de leur clouer le bec. Entre les goujats, les coureurs de dot et les imbéciles, Meryelle s’était sentie presque salie en leur compagnie.
Elle engloutit la nourriture sans la savourer, puis passa une bonne heure à écrire tout ce que Londres comptait comme boutiques et divertissements à sa sœur. Elle lui décrivit aussi leur tante et sa demeure, ainsi que le bal de la veille, à quelques détails près. Inutile en effet de mentionner le colonel Fitzwarren. Meryelle termina sa lettre en promettant à sa sœur de lui raconter ses prochaines péripéties au plus vite et en lui envoyant tous ses vœux de bonne santé et de joie, à l’idée de la revoir bientôt. Elle plia la lettre et la scella après avoir versé soigneusement un peu de sable sur l’encre, afin qu’il en absorbe le trop-plein. Mécaniquement, elle attrapa alors un autre feuillet et… suspendit son geste. Que pouvait-elle écrire à son père ? L’angoisse de la veille la talonnait à nouveau, mais elle ne pouvait dire si elle craignait la réaction d’Eliott Stone ou celle du colonel.
Lorsqu'il se coucha, il rêva que ses beaux yeux noisette étaient soudain devenus la lune, et qu'il essayait vainement de les atteindre.
Rien au monde, après l'espérance, n'est plus trompeur que l'apparence.
Jamais, au cours des précédentes Saisons, aucun homme n'avait retenu son attention. Ni son corps ni son esprit n'avaient jamais réagi en leur présence
au-delà de la simple satisfaction de leur clouer le bec.
Elle devait se rendre à l'évidence : Jasper Fitzwarren lui plaisait. Et elle le rencontrait au moment où elle avait laissé s'envoler tout espoir de convoler par amour.
« Je t’avais dit qu’elle serait mon ange gardien. »
Je m’avançai vers lui, carrant la tête entre les épaules. Ma voix claqua comme un fouet et les lumières de la pièce vacillèrent sous ma puissance.
— Je suis le démon de l’Envie, c’est moi qui scelle un pacte avec un humain, non l’inverse ! N’essaye pas de retourner mes artifices contre moi, gamin. Tu n’as pas idée de ce qui pourrait se passer si tu me contrariais vraiment…
Il sourit une nouvelle fois, pas impressionné pour deux sous. L’éclat de son visage me perturba. J’eus soudain l’impression que quelque chose bougeait près de lui, mais sans pouvoir discerner quoi que ce soit. Je me raidis, sur le qui-vive. Aucun humain ne possédait assez de magie pour dissimuler une partie de lui-même. Je balayai de nouveau sa silhouette et la pièce du regard ; peut-être n’était-il pas seul, finalement. Ni humain… Mon radar à envie ne détecta rien, mais je ne relâchai pas mon attention pour autant. Mon agitation le fit glousser et, pour toute réponse, ses lèvres s’étirèrent davantage tandis qu’il faisait un petit pas de plus vers moi. On aurait dit qu’il flottait, ou jouait à la marelle. Pourtant, son air innocent ne put dissimuler la menace à peine voilée lorsqu’il s’exprima en me fixant attentivement :
— L’âge vous aurait-il rendu négligent, Ezra ?
« Tandis qu’ils respiraient et vivaient au même rythme, il embrassa sa chevelure d’ébène et murmura :
— Il n’a jamais été question d’une vie sans toi. Si c’est ça être mauvais, nous le serons tous les deux et ça me convient parfaitement. »