Citations de Siana (20)
Non loin, l'ours m'apparait flou à travers la fumée. Légèrement plus petit que ses compères, cela ne l'empêche pas de transpercer la Demeure du Conseil à coup de griffes. La mante religieuse se dirige quant à elle vers la Grande académie à l'ouest, à l'ouest d'Aptenja. Quelques personnes tentent de l'escalader, sûrement des Mécanistes auxquels on a demandé de désincruster les automates de pierres qui les animent. Malheureusement, les ronces végétales implantées dans l'insecte géant les attaquent et ils tombent en hurlant. Je détourne le regard, un nouveau frisson me nouant l'estomac. Si l'on ne peut arrêter ces monstres, reste à capturer le paria qui les dirige !
Je fis tout ça sans même une pensée. Comme si j’étais moi-même déchargé. Depuis l’accident, je n’arrivais plus à ressentir quoi que ce soit de positif, en dehors des pensées qu’Ensio tentait de m’envoyer. Et même celles-ci s’avéraient éphémères, disparaissant sous mon amertume. J’avais l’impression d’être devenu un pantin, ou un automate de Mécanistes. J’avançais, je mangeais, je parlais, mais tout à l’intérieur de moi était vide.
Il était un mage, se prenant trop pour Dieu,
On le dit puissant, lettré, mais fou,
Lors, le mage se revancha de tout,
Et par sa rhodzonit, fourvoya les cieux,
Fendit la belle lune rouge d’un coup,
Émergea l’océan sur les proues,
Alors vint un grand sage envoyé de Dieu,
Descendant par la voûte ennuagée,
Il fit face au mage noir dérangé,
Effusions sanglantes, quand au coeur vint l’épieu,
Le fou en oublia tout danger,
Colère criée, rage à l’apogée,
Et les flots furieux le renvoyèrent à Dieu…
Je ne veux pas devenir comme tous ces cas de Folie. Je ne veux pas devenir fou ! Je dois tout faire pour éradiquer cette impression de manque, de vide, je dois tout faire pour ne pas devenir fou, et pour que personne n’ait connaissance de l’enchantement interdit.
Les Maîtres et leur suprématie. Les Initiateurs et leur allégeance aveugle. Les Mécanistes et leur passivité fataliste.
Un héros, un vrai, doit subir tout un tas de choses difficiles et dangereuses. Les adultes ne savent pas faire la différence entre un fou et un héros, parce qu'il y a beaucoup de choses qu'ils n'osent pas accomplir.
Colère criée, rage à l’apogée…
Alors que j’admirai mon ami, en train de grimper plus haut, je ne pus m’empêcher de penser qu’il avait raison. Notre arbre, c’était comme un siège de grand Maître-Initiateur. Un Maître à la fois explorateur et conquérant ! Tout à coup, je me sentis mieux, détendu, comme si je n’avais plus peur de rien, et encore moins de tomber. En regardant encore mon ami, j’eus la certitude qu’un jour j’irais jusqu’aux cimes avec lui.
Et les flots furieux le renvoyèrent à Dieu.
Il était facile pour les Maîtres de prétendre que telle ou telle recherche s’avérait très importante, voire capitale pour la survie de la population. Ce qui leur permettait aussi de s’octroyer les meilleurs revenus. De se sentir supérieurs ! Et ils en tiraient leur fierté ! Ils se pavanaient dans leurs capes immaculées ! […] Les Mécanistes, les artisans-commerçants et les Initiateurs faisaient bien plus prospérer la ville que les Maîtres. Ils lui apportaient de la matière, de quoi vivre. Avec les transporteurs, la construction, les cultures, les élevages. Et qui se serait passé du commerce ? Quand les recherches des Maîtres n’apportaient qu’un plus haut niveau d’intellect et une meilleure manipulation des vibrations.
Ainsi, je remarque qu’elle évolue indépendamment de la vibration temporelle, ce qui signifie, théoriquement, que le temps n’a plus d’emprise sur moi.
Le reste, ça sert qu’à faire cancaner les oies.
Combien de fois ai-je tenté de la rassurer sur mon état, tandis qu’elle me houspillait de ne pas être présentable ?
— J’ai échoué à développer un amour-propre aussi gigantesque que le tien, effectivement, et je ne m’en porte pas plus mal.
En réalité, ils commençaient tous à m’irriter, à me dire ce que je devrais ou ne devrais pas faire, à m’encourage sur la voie qu’ils rêvaient d’emprunter.
Les adultes ne savent pas faire la différence entre un fou et un héros, parce qu’il y a beaucoup de choses qu’ils n’osent pas accomplir.
Il avait l’habitude de nous répéter que « l’homme est l’animal le plus complexe créé par la nature », ce que je veux bien croire.
Parfois, je me demandais s'il ne s'agissait pas d'un caprice de fils de Maître. C'est comme cela que les Mécanistes appelaient les lubies des classes supérieures, je l'appris de Jesper. D'ailleurs, je me demandais aussi comment il considérait mon intérêt. Peut-être pensait-il qu'on avait tous le droit à des lubies ? Ou alors il m'aidait en espérant recevoir quelque chose en retour ?
La remarque d'Ensio sur le statut de Maître et mes réflexions qui suivirent me hantèrent longtemps.
Poupée vaudou entre les griffes, Luzía lorgne cette malédiction reptilienne qui lui tient lieu de main gauche. Les morsures de chimères, ça ne pardonne pas… Et bien sûr, elle a oublié son gant. L’instant couture risque de s’avérer ardu.
En quête de réconfort, la sorcière sort son smartphone.
Désolé, va falloir que tu te trouves un autre prince charmant. ;-)
Un soupir lui échappe. Ce message est clair, trop clair : Arthur, son loup-garou d’ex petit-ami, ne sera pas libre pour le réveillon. Ses doigts pianotent sur l’écran pour ouvrir une autre conversation. Pas de réponse d’Ethan, son meilleur coup du siècle. Dommage. Et le gentil Paul, lui, se fend d’un triste mot d’excuses.
Depuis le banc où elle est assise, adossée au mur d’une petite épicerie, Luzía scrute une guirlande de gui enroulée sur un réverbère, puis les autres décorations de Noël dans la rue. Sa moue redescend sur trois pieds de long. Aujourd’hui, pas de bonne compagnie ni de baiser salvateur… Nada! Même sa meilleure amie, Rose, séjourne à neuf mille kilomètres de là pour célébrer les fêtes en famille. Alibi incontestable.
Notre amitié ! C'était tellement plus beau et plus profond que les simples unions comme celle de mes parents.
- Un héros reste toujours dans le cœur de ceux qui l'aiment ! tranche le garçon avec un regard sûr. Même s'il peut décevoir, même s'il change. On s'en souvient comme d'un héros.
- Je ne sais pas si c'est aussi le cas des adultes...
« C’est moi qui n’avais rien compris. Je n’avais pas compris ce dont il avait besoin, non pas d’encouragements, mais seulement d’attention et de bienveillance, de compréhension. Pas cette suffisance mâtinée de mépris que je lui avais servie… »