J'ai découvert Abdoulaye Sadji en lisant Maïmouna et j'avais surtout aimé le portrait de cette petite campagnarde de la région de Louga, jouant avec sa poupée, découvrant l'adolescence. La deuxième partie, se déroulant à Dakar, de la jeune fille admirée, séduite et abandonnée m'avait moins plu.
Le portrait de Nini la mulâtresse de Saint Louis est très différent. L'auteur raconte l'histoire de cette jeune dactylo, dans l'administration coloniale qui a pour principal atout - croit-elle - sa peau claire et ses yeux bleus qui la feraient passer pour une blanche. Son unique souci : séduire un Français de France et s'en faire épouser. Il semble que l'auteur n'ait aucune sympathie pour son personnage, aucune tendresse. Il pousse jusqu'à la caricature le portrait de cette écervelée, séductrice, superficielle.
Dès l'introduction, l'auteur annonce :
"Nini n'est pas, comme d'aucun le pensent, un acte d'accusation qu'expliquerait une déception amoureuse de l'auteur.
Nini est l'éternel portrait moral de la mulâtresse, qu'elle soit du Sénégal, des Antilles ou des deux Amériques. C'est le portrait de l'être physiquement et moralement hybride qui, dans l'inconscience de ses réactions les plus spontanées, cherche toujours à s'élever au dessus de la condition qui lui est faite, c'est à dire au-dessus d'une humanité qu'il considère comme inférieure mais à laquelle un destin le lie inexorablement."
Ce parti pris critique ne rend pas l'héroïne sympathique. Il s'inscrit dans l'ordre raciste qui régnait alors au temps de la colonisation. Nini est encore plus raciste que les colons, elle renchérit toujours sur les critiques des Africains, qu'ils pourraient porter (et qu'ils ne portent pas, d'ailleurs, le plus souvent). Elle feint d'ignorer le wolof et les traditions africaines et étale une culture française qu'elle n'a que très superficiellement acquise. L'auteur détaille la société de Saint Louis en catégories hiérarchisées d'après la couleur de la peau, Français de France, mulâtres de 1ère, 2ème, 3ème catégorie, Noirs.
J'ai eu du mal à identifier l'époque où se déroulait le roman. La grand mère, la Signare, la présence d'esclaves - enfants - dans la maison me laissait supposer un passé lointain. Un détail dans une conversation m'a détrompée : il est question de la guerre de Corée. l'histoire se déroule donc dans les années 1950.
Dans la deuxième partie du roman, les puissances tutélaires africaines font leur apparition. La grand mère et la tantes, signares bigotes qui vont à la messe chaque jour, pour attacher Nini à son amant français ont recours à un marabout. Marabout,djinnes et Ravannes (esprits) font leur apparition ainsi que les grigris.
"mais grandes sont les difficultés que rencontreront les "Ravannes" pour envoûter Martineau. Car les Blancs résistent fort bien à l'action des forces occultes des Gé ies tutélaires de l'Afrique...."
Quand la grand mère tombe malade on fait revenir le marabout:
"on ne peut rien affirmer après une prière, serait-elle la plus fervente. D'autre part la rancune des esprits de votre famille noire remonte à bien trop loin pour qu'une clémence qui leur serait demandée fût obtenue immédiatement."
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