S’est-elle trompée ? Paul est-il un consommateur comme les autres, se nourrissant des émotions de leur relation ? L’homme est-il vraiment là, à ses côtés, dans le salon de thé ?
- Tu ressembles à un iceberg, lui avait répondu Paul pour la taquiner, ce que l'on voit de ta personnalité n'est en fait que la partie émergeante. En dessous, tu es une somme d'affects et d'émotions confuses qui te compliquent la vie.
Ils avaient envie que leur cadre de vie reste une page blanche le plus longtemps possible.
Ema se fait une idée fort romanesque des relations amoureuses. Dans le monde très codé, balisé, formaté où elle vit, plein de systèmes intrusifs qui menacent les libertés, il lui semble que les sentiments amoureux demeurent une aventure qui échappe à tout contrôle, la seule vraiment singulière et imprévisible.
La porte est blindée et ils la considèrent avec reconnaissance, comme si elle allait contribuer à l'avenir à ce qu'on ne vienne plus leur demander de comptes.
Surmonter ses peurs, ne pas ralentir les autres, vivre dans une certaine promiscuité… Elle aime l’idée qu’elle pourrait sortir différente de ce type d’aventure.
Lui qui se félicitait d'être à deux pas de son domicile s'est aperçu qu'il lui manquait un sas.
Elle imaginait de grands espaces où les gens pouvaient se rencontrer, discuter, au lieu de vivre comme dans son hlm, repliés sur eux-mêmes.
Comme il sait désormais qu’il va partir, ce paysage qu’il avait fini par prendre en grippe lui est devenu indifférent.
Même si tu me quittais, je resterais ton ami, en espérant qu’un jour tu changes d’avis », lui avait-il confié. Cette déclaration avait un peu effrayé la jeune femme. Elle avait compris que si c’était elle qui décidait de s’éloigner de Paul, il lui reviendrait aussi de maintenir la distance, car lui se tiendrait toujours prêt, à l’affût, à l’image de ces crocodiles, bâtons de bois se fondant dans le paysage des marais, qui endorment la vigilance de leurs proies par une immobilité éternelle.
« Quand ils regagnent la salle à manger, un autre morceau d’Higelin passe. Les premières notes qui retentissent dans la pièce sont aussi belles que tragiques, et Chrystelle se laisse emporter par les paroles. La chanson semble venir de très loin pour lui parler d’un proche, une personne qu’elle aurait perdue de vue. Qui ai-je pu délaisser ainsi? se demande-t-elle, soudain gagnée par une nostalgie délicieuse. La séquence musicale continue de la tenir en haleine pendant un bon moment, jusqu’à ce que le cri d’Higelin explose enfin dans l’air : »Alors pars, surtout ne te retourne pas, oh pars! » ».
« La découpe de l’appartement était on ne peut plus rationnelle, un rectangle de cinquante mètres carrés, sans recoins ni mauvaises surprises. »