Citations de Alain Bonnand (17)
Je lui soufflai à l'oreille ceci qui me surprît le premier :
Toi, tu as exactement l'âge des femmes que j'aime !
Ah oui ? Et quel âge j'ai ?
Les femmes que j'aime ont quarante-sept ans.
Quarante-sept ou quarante-neuf ?
Quarante-sept, mais je peux faire un effort !
Je n’ai aucune envie d’apprivoiser qui que ce soit. On sait comment se terminent les apprivoisements.
Rire, se promener, se jouir, se faire la lecture, se ficher bien du reste. Nous sommes libres d’un commencement ou l’autre… Et l’élan, la fantaisie, à notre époque, rien de plus précieux !
Le sujet, c'est les femmes. Le vif, c'est le passage obligé vers le peu de satisfaction qu'elles occasionnent. Elles sont une longue suite de bancs publics et de chagrins tombés ; elles ne font jaillir que de petites morts, cela laisse des taches poisseuses et inutiles.
Et maintenant, au moment de céder, dans le froid et les lueurs qui tremblent ? L'urgence la submerge et cogne à sa porte. Ses berges de femme oscillent au bord du gouffre. Le vent se mêle à ses cheveux en un goût de noyade. (extrait de "Martine résiste, poème noir")
... Tout le plaisir est dans l'attente. (Et le plaisir de s'écrire et de se téléphoner sans se connaître ! Le plaisir augmenté parce qu'on a dit "En cachette"; - c'est moi qui ai dit "En cachette", mais vous avez été bien silencieuse, coquine !)
Le 20 déc.
Mademoiselle Edith,
Ci-joint ma photo : est-ce qu'on voit bien que je suis charmant ?
Brune, 1 mètre 69, 55 kilos, 39 ans : ça peut faire une femme très réussie tout cela. (Réussie Edith ?) Très envie de vous rencontrer. En janvier : tout le plaisir est dans l'attente. (Et le plaisir de s'écrire et de se parler sans se connaître ! Le plaisir augmenté parce qu'on a dit "En cachette"; — c'est moi qui ai dit : "En cachette", mais vous avez été bien silencieuse, coquine !)
Votre voix, Mademoiselle, jeune et délicieuse. (Un effort spécial pour moi ? Ou Edith tout simplement délicieuse ?)
A vous,
Henri.
Un billet de trois lignes adressé chez moi pour me faire plaisir ? POSSIBLE ? Possible, me faire plaisir ?
Une photo ? ou description écrite ? Ou attendre grand moment de la découverte ?
Ni précis de littérature, ni précipité, ni récit de guerre ; juste un petit livre au titre viennois, voilà ce que je vais commettre. Une oeuvre dansée que je proposerais bien à Philippe Sollers.
Prenons un écrivain qui affiche un goût singulier pour les demoiselles. Disons qu'il a la taille de Woody Allen et admettons que ça se remarque moins lorsqu'il est assis. Laissons venir à lui une belle brune d'aujourd'hui, laquée et occasionnelle, qui fait envie par la négative : le derrière pour principe, la poitrine tendue vers le XXIe siècle. Elle a vu trois fois sa photo dans les journaux, elle le croit célèbre. Elle voudrait un peu plus qu'une dédicace, elle se demande bien quoi. Lui refuser une expérience, vraiment, ne serait pas cruel : "Emmenez-moi chez vous, je vous écris un poème". (extrait de Eloge de l'extrêment vite et de l'extrêment court.
Elle a de grandes mains aux lignes magnifiques, assorties à son visage. On écrirait de meilleurs livres si l'on était sûr d'être feuilleté par ces mains-là...
Soyons inutiles du mieux possible ?
Oui, car des écrivains utiles, il y en a assez comme ça (ils font liste).
Soyons inutiles, essayons de l’être gaiement aux autres (ce n’est pas toujours facile, c’est moi qui le dis).
Hier, je me suis fait une profonde entaille à la base du petit doigt en ouvrant les huîtres (j'adore les huîtres comme j'adore les moules). D'habitude, je fais ça tranquillement, en prenant garde de ne pas me blesser. Mais là je pensais à toi ; j'étais très distrait - et pour arranger le tout j'avais bu trois bons petits verres de vin blanc. Je m'étais d'abord fait une légère éraflure, mais faut croire que ça ne suffisait pas. Heureusement, ce n'est pas la main qui te caresse profond, c'est l'autre, celle qui te met deux doigts doux au bord des yeux, sur la tempe, à la racine des cheveux quand tu es belle, le visage tout illuminé de plaisir, et que tu dis : "Je crois que tu vas me faire jouir !"
Mon cher petit Henri chéri,
Je suis très impatiente d'ètre à vendredi soir et de sentir ton sexe dans ma bouche, c'est très doux, c'est chaud, c'est très bon. Je pense à répondre à ton questionnaire demain si c'est possible car un de mes fils est encore à la maison et cest sur la planche à repasser que je t'écris ces quelques lignes.
J'adore tes baisers fougueux qui me rendent folle et le moindre de tes gestes me donne le frisson.
Edith qui pense à toi
Nous vivons les dernières aventures papier ; au moins nous aurons connu ça.
J’ai perdu l’encrier à dix ans, la machine à écrire à quarante, s’il faut porter demain le deuil du livre, je suis prêt
— Repos maintenant ! Tu t'es assez donnée comme ça !
— je ne demande que ça de me reposer dans tes bras !
— Je te remets à la lecture...
"Le tout sur le tout" !
— le tout sur le tout ?
— "Le tout sur le tout", Henri Calet... "Les deux bouts", "Contre l'oubli", "Jeunesse", "L'Italie à la paresseuse"...
— je vais lire Henri Calet !
— J'en suis heureux pour lui !
— tu me le feras rencontrer ?
— Oui : il est mort il y a cinquante ans ! Mais ce n'est pas parce qu'un écrivain est disparu qu'il ne doit plus être fréquenté des jolies filles, au contraire !
Tu quittes à quelle heure jeudi soir ?
— Je t'embrasse, ma chérie... J'espère que tu as retrouvé un peu de philosophie...
Parce que tu m'as fait peur avec tout ce sentiment triste !
— très philosophe ton petit pote !
— C'était bien la peine de t'emmener en Belgique si tu me fais une tristesse pareille ensuite !
— je ne suis plus triste du tout !
— Va... Aime-toi large ! Un coup pour moi, un coup à Eric...
— je vais remplir mon contrat !
— Et achète-toi, j'oubliais, "Lourdes, lentes..." d'André Hardellet.
L'Imaginaire Gallimard, une collection de semi-poche, ça ne te coûtera rien !
(Pour les livres, je veux être ton seul homme !)
— je termine Pierrot mon ami et je suivrai ton conseil pour les livres tu es mon seul homme promis !
— Allez, ma chérie, je te laisse à toi !
— bonne nuit
je t'aime
— Va !
Arthur Cauquin à Laurence, lundi 8 mai, 17 h 45
(Une journée bien commencée)
Oh qu'elles étaient réussies nos matines au it, mon p'tit chat !
A-t-elle été paisible comme tu voulais cette journée ? As-tu essayé un nouveau parfum que tu aimerais ? As-tu commencé de te procurer : "Madame de V. a des idées noires", Loulou Morin ; "Histoire d'O", suivi de "Retour à Roissy (vérifier qu'il y a bien dans le volume le texte "Une fille amoureuse"), aussi en livre de poche ; "Il faut jouir, Edith", Alain Bonnand, collection Perspectives Critiques, PUF ; "La vie sexuelle de Catherine M.", collection Fiction et Cie, Le Seuil ; "Simple", Franz Bartelt, dans une petite collection dont je n'ai plus le nom, très peu cher ; "Qu'est-ce que Thérèse ? c'est les marronniers en fleurs", José Pierre, collection Lectures amoureuses, La Musardine...
As-tu trouvé ces trente mètres de câble utile ?
J'essaie d'être là ce soir vers 22 heures.
Ce cours magistral, donné bras et jambes nus : je ne peux que vous féliciter. Vos étudiants, mis à grande école, vont écrire très bien.